Zurich (awp) - Le groupe de raffinage Argor Heraeus a été nommément mis en cause par l'association Action de carême suite à la mise en accusation pour blanchiment d'argent, enrichissement illégitime et association criminelle des principaux dirigeants de son fournisseur d'or colombien.

Au cours des dix dernières années, le raffineur tessinois aurait acheté entre cinq et neuf tonnes d'or par an auprès de C.I.J. Gutiérrez, le plus important exportateur d'or de Colombie, pouvait-on lire mercredi sur le site internet de l'ONG.

Ce dernier est dans le viseur du ministère public local pour avoir "mis sur pied un réseau de fournisseurs écran afin de blanchir de l'or extrait et commercialisé illégalement et de l'exporter légalement", notamment en usurpant l'identité d'orpailleurs pour couvrir des activités d'extraction mécaniques.

Les graves chefs d'accusation ont amené les autorités colombiennes à arrêter le directeur de l'entreprise, ainsi que des cadres supérieurs et des fournisseurs, placer son siège de à Medellín sous administration judiciaire et mettre les stocks d'or sous séquestre.

Action de Carême reproche à la société sise à Mendrisio de se prévaloir de valeurs éthiques dans son code de conduite - lutte contre la corruption et le blanchiment d'argent, protection de l'environnement, préservation des ressources naturelles - alors que dans les faits elle se procure du minerai "auprès d'un fournisseur douteux dont les directeurs sont derrière les barreaux".

Transparence et réglementation

L'organisation non gouvernementale (ONG) demande au raffineur de passer en revue ses relations d'affaires, de rendre ses vérifications transparentes et d'adopter des mesures efficaces afin de prévenir la violation des droits humains et la destruction de l'environnement.

Elle appelle également de ses voeux la mise en place d'une réglementation plus stricte. "Les abus commis en Colombie montrent on ne peut plus clairement qu'il faut, en Suisse, des règles contraignantes, comme le demande l'initiative pour des multinationales responsables."

Et de déplorer l'incohérence politique qui consiste à promouvoir la paix tout en refusant la mise en place de dispositifs susceptibles d'entraver le financement de groupes armés.

L'association rappelle que dans un rapport publié en 2018, le Conseil fédéral n'excluait pas la possibilité que "de l'or produit en violation des droits de l'homme soit importé en Suisse", mais avait préféré persister à miser sur des "mesures volontaires".

Sollicité par le quotidien tessinois la Regione, un porte-parole d'Argor Heraeus a déclaré "être au courant" de la situation, mais a renvoyé à plus tard une éventuelle prise de position.

buc/fr