HONG KONG/TAIPEI (Reuters) - La police de Hong Kong a arrêté dimanche des dizaines de personnes, dont quatre pour intention "séditieuse", alors que les autorités ont renforcé la sécurité à l'occasion du 34e anniversaire de la commémoration de la répression meurtrière du mouvement de Tiananmen.

Des policiers ont mené des interpellation et des fouilles près du parc Victoria, où d'importantes commémorations étaient organisées chaque année à la mémoire du massacre de la place Tiananmen, avant que des restrictions ne soient imposées.

Des témoins de Reuters ont vu plus d'une douzaine de personnes emmenées, dont la militante Alexandra Wong, 67 ans, qui portait un bouquet de fleurs, un homme qui tenait un exemplaire de "35th of May", une pièce de théâtre sur la répression de Tiananmen, et un homme âgé qui se tenait seul au coin d'une rue avec une bougie.

"Le régime veut que vous oubliiez, mais vous ne pouvez pas oublier (...) Elle (la Chine) veut blanchir toute l'histoire", a déclaré Chris To, 51 ans, qui s'est rendu dans le parc vêtu d'un t-shirt noir et a été fouillé par la police.

"Nous devons utiliser notre corps et le bouche-à-oreille pour raconter ce qui s'est passé."

Des activistes hongkongais estiment que les interventions de la police s'inscrivent dans une campagne plus large menée par la Chine pour ramener la ville dans son giron.

Le dispositif de sécurité déployé à Hong Kong est particulièrement important cette année, avec jusqu'à 6.000 policiers mobilisés, a annoncé la chaîne de télévision publique.

De hauts responsables ont demandé à la population de respecter la loi, mais ont refusé de préciser si ces activités de commémoration étaient illégales en vertu d'une loi sur la sécurité nationale que la Chine a imposée à Hong Kong en 2020, après des manifestations de masse en faveur de la démocratie.

Dans un communiqué, la police a déclaré que des personnes avaient été arrêtés pour intention séditieuse et pour "atteinte à la paix publique".

À Pékin, la place Tiananmen était pleine de touristes qui prenaient des photos sous l'oeil vigilant de la police et d'autres personnels, mais sans aucun signe évident de renforcement de la sécurité.

L'angoisse n'avait jamais cessé, a commenté un groupe de parents, surnommé les "Mères de Tiananmen".

"Bien que 34 années se soient écoulées, pour nous, membres des familles des personnes tuées, la douleur d'avoir perdu nos proches en une nuit nous tourmente encore aujourd'hui", a déclaré le groupe dans un communiqué publié par l'organisation de surveillance Human Rights in China, basée à New York.

UNE CONCLUSION CLAIRE

Certaines personnes à Hong Kong, y compris des propriétaires de librairies, ont commémoré discrètement le 4 juin malgré les avertissements.

En prison, l'activiste hongkongaise Chow Hang-tung, l'une des dirigeantes d'un groupe appelé The Alliance, qui avait l'habitude d'organiser les veillées du 4 juin, a déclaré sur Facebook qu'elle ferait une grève de la faim de 34 heures.

En Chine continentale, toute mention de la répression de la place Tiananmen - où les troupes ont ouvert le feu sur les manifestants pro-démocratie, tuant des centaines, voire des milliers de personnes, selon les groupes de défense des droits de l'homme - est taboue et le sujet est fortement censuré.

Interrogée sur les événements organisés dans le monde entier pour marquer cet anniversaire, la porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Mao Ning, a déclaré vendredi à Pékin que le gouvernement était déjà parvenu à une "conclusion claire sur les troubles politiques de la fin des années 1980".

À Taïwan, qui est gouvernée démocratiquement et qui est le dernier pays de langue chinoise où l'anniversaire peut être célébré librement, des centaines de personnes ont assisté à une cérémonie commémorative sur la place de la Liberté à Taipei, où une statue baptisée "Pilier de la honte" a été exposée.

Peggy Kwan, 57 ans, une interprète présente à l'événement, a exprimé sa tristesse face à l'étouffement des commémorations à Hong Kong.

"Hong Kong recule", a-t-elle déclaré.

À Sydney, l'une des 30 villes à travers le monde qui organisent des événements de commémoration, des dizaines de manifestants se sont rassemblés devant l'hôtel de ville, scandant "Libérez Hong Kong", tout en brandissant des parapluies jaunes, symbole des manifestations en faveur de la démocratie depuis 2014.

(Reportage Yew Lun Tian à Pékin, Joyce Zhou à Hong Kong, Angie Teo à Taipei et James Redmayne à Sydned, rédigé par James Pomfret; version française Camille Raynaud et Kate Entringer)

par Jessie Pang et Ben Blanchard