La capitalisation du groupe britannique a chuté de plus de 11% à 57,5 milliards de livres sterling (64,4 milliards d'euros) depuis l'annonce jeudi dernier de l'échec de l'essai Mystic sur la combinaison de deux médicaments d'immunothérapie injectables dans le traitement du cancer du poumon.

Des acteurs du secteurs et des banquiers d'affaires jugent néanmoins improbable que l'américain Pfizer, qui avait tenté en vain de prendre le contrôle d'AstraZeneca en 2014 pour 118 milliards de dollars (100 milliards d'euros), revienne aujourd'hui à la charge et les acquéreurs potentiels européens, Novartis, Sanofi et GlaxoSmithKline, se tiennent à l'écart des grosses opérations.

C'est d'ailleurs tout le secteur pharmaceutique qui est en mode attentiste, explique un banquier qui ne croit pas à des rapprochements de grande ampleur tant que la réforme de l'impôt sur les sociétés promise par Donald Trump aux Etats-Unis ne sera pas connue dans le détail.

Malgré l'échec de l'essai clinique Mystic, AstraZeneca peut pourtant encore se targuer d'un portefeuille de produits en développement à même d'intéresser des prédateurs.

Deux autres nouveaux traitements du cancer, Tagrisso et Lynparza, affichent des résultats encourageants et l'Imfinzi conserve un potentiel important dans le traitement du cancer du poumon non-métastatique, en dépit de l'échec de Mystic.

Ces perspectives sont toutefois occultées en partie par le déclin de médicaments plus anciens, comme l'anticholestérol Crestor. S&P Global, qui a abaissé vendredi la note de crédit du groupe, juge d'ailleurs que le chemin vers la croissance sera "plus long et plus lent" après l'échec de Mystic.

Une scission des produits les plus anciens pourrait être une solution pour rendre AstraZeneca plus intéressant pour un acheteur potentiel, suggèrent certains banquiers, mais elle est jugée peu probable à court terme.

L'accord de coopération annoncé la semaine dernière avec Merck & Co sur le Lynparza, qui concède la moitié de la valeur de ce traitement au groupe américain, constitue par ailleurs un obstacle potentiel supplémentaire en cas de rachat.

OBSTACLES POLITIQUES

Les considérations politiques sont elles aussi problématiques.

En 2014, la classe politique britannique avait été vent debout contre l'offensive de Pfizer et l'an dernier, la Première ministre Theresa May a cité dans un discours AstraZeneca à propos de la nécessité de "défendre un secteur aussi important pour la Grande-Bretagne que la pharmacie".

Bien sûr, des promesses concernant l'emploi et les investissements pourraient contribuer à apaiser de telles inquiétudes, comme cela a été le cas pour le concepteur de semi-conducteurs ARM lors de son rachat par le japonais SoftBank l'année dernière.

Reste que la conjonction des différents facteurs fait d'AstraZeneca une cible difficile à atteindre pour un Novartis ou un Sanofi. D'autant que pour des banquiers connaisseurs du secteur, ces grands groupes européens ne voudront sans doute pas se lancer dans l'aventure tant que Pfizer, acquéreur en série, n'aura pas fait connaître ses intentions.

"Pfizer fait une pause en matière de M&A pour l'instant et personne ne s'attend à ce qu'il se tourne de nouveau vers AstraZeneca. Mais les M&A s'apparentent au jeu d'échecs et personne ne se lancera à la conquête d'AstraZeneca tant que Pfizer n'aura pas choisi sa prochaine cible", explique un banquier.

La réticence de Pfizer sur le dossier AstraZeneca peut s'expliquer par l'opposition des autorités américaines aux montages fiscaux tels que celui prévu lors de la tentative ratée de 2014, mais aussi par l'accord conclu entre l'américain et l'allemand Merck dans l'immunothérapie.

GSK, lui, pourrait tabler sur d'importantes synergies avec AstraZeneca mais sa nouvelle directrice générale, Emma Walmsley, privilégie pour l'instant le recentrage du portefeuille de produits, une stratégie qui favoriserait plutôt des opérations ciblées.

Le directeur général d'AstraZeneca, Pascal Soriot, qui a assuré la semaine dernière qu'il n'avait pas l'intention de partir chez Teva Pharmaceuticals, explique que les fusions-acquisitions font partie de la vie des entreprises et s'affiche serein sur le sujet.

"Toute entreprise disposant d'un très bon 'pipeline', comme c'est notre cas, est évidemment intéressante. Mais si Mystic avait été un succès, je suis sûr que vous me poseriez la même question", dit-il.

(Marc Angrand pour le service français, édité par Wilfrid Exbrayat)

par Ben Hirschler et Pamela Barbaglia

Valeurs citées dans l'article : Sanofi, Merck and Company, AstraZeneca, Novartis, GlaxoSmithKline, Pfizer