En effet, les plans de relance successifs des banques centrales depuis la pandémie, associés à la faiblesse durable des taux, ont inondé les places boursières de liquidités qui ont grossi les rivières de capitaux alloués aux actions, poussant celles-ci et leurs indices à leurs sommets. Pendant ce temps-là, les investisseurs se détournaient des actifs alternatifs, notamment des obligations dont les rendements avaient atteint leur plus bas niveau, et asséchaient ainsi le ru des capitaux alloués aux bons d’Etat. 

2022 est arrivée. Dégringolade du marché. Sous l’effet de l’inflation, des pénuries, des retards logistiques, des complications liées à la guerre en Ukraine, les sociétés ont plié et leurs actions ont perdu subitement de leur attrait. 

En parallèle, pour contrer l'inflation, les banques centrales ont vivement rehaussé les taux, poussant les rendements obligataires à des niveaux inégalés depuis plus de dix ans : le rendement du bon du Trésor américain à 10 ans est de 3,962 %, celui à six mois de 5,129 %, et le rendement du Bund allemand est de 2,28 %, contre un peu moins de 0 % il y a un an. L'indice Bloomberg U.S Aggregate (qui représente les obligations de haute qualité, y compris les bons du Trésor américain, les prêts hypothécaires d'agences et les obligations d'entreprises américaines) a atteint 4,78 % en novembre, son niveau le plus élevé depuis 2008. 

Les investisseurs ont fui le risque, sont allés chercher bonheur dans le pré d’à côté, et y ont trouvé à paître : les actifs alternatifs (actions émergentes, bons du Trésor, obligations d’entreprise, matières premières, liquidités) ont donc retrouvé des couleurs et attiré une part plus importante des allocations, renforçant la dynamique en marche. Exit Tina, welcome Tara ! ("There Are Reasonable Alternatives" - comprenez - “Il existe des alternatives raisonnables”). 

Si les obligations offrent moins de performance, elles limitent largement le risque de perte, et nombreux sont les investisseurs prêts à rogner un peu sur la plus-value, si celle-ci s’accompagne de garanties. Et plus nombreux encore sont ceux qui estiment que les actions vont encore souffrir, si les économies occidentales entrent en récession.

Mais l'inflation n’est pas non plus l'amie des investisseurs obligataires, et d’ores et déjà, certains prédisent la fin de règne de Tara. Bank of America s'attend à ce que les rendements des obligations du Trésor américain à 10 ans tombent à 3,25 % d'ici à la fin de l'année.