Mercredi matin, l’indice sectoriel automobile fait plutôt bonne figure. Stellantis gagne 2%, Mercedes et Volkswagen prennent chacune 1%. Leur point commun ? La publication de résultats trimestriels en berne et le retrait de leurs prévisions annuelles. Les constructeurs sont englués dans une tempête tarifaire venue de Washington. Mais il aura suffi d’un décret de Donald Trump, adoucissant – un peu – le choc de ses propres taxes, pour redonner le sourire aux investisseurs.

Des prévisions aux oubliettes

Les industriels européens de l'automobile n'ont aucune visibilité sur le reste de l'année. Stellantis et Mercedes ont purement et simplement retiré leurs prévisions 2025. Volkswagen, pour sa part, a guidé vers une marge tout juste dans le bas de la fourchette annoncée précédemment. La veille, Volvo Car a jeté l’éponge pour les deux prochaines années.

En toile de fond, la même angoisse : l’impact des droits de douane sur les pièces importées, imposés par l’administration Trump. Des mesures qui désorganisent les chaînes de production mondiales et renchérissent les coûts de fabrication, dans un contexte déjà tendu de transition électrique et de concurrence chinoise.

La Maison Blanche entend l'appel au secours

Face à la grogne du secteur, Donald Trump a sorti de son chapeau un assouplissement partiel. Mardi, il a signé un décret permettant aux constructeurs automobiles produisant aux Etats-Unis de bénéficier de crédits d’impôt sur certaines pièces détachées importées. Une manière de calmer le jeu, temporairement, et d’éviter une explosion sociale dans le Midwest, fief historique de l’industrie auto.

"Le leadership du président permet d’investir davantage dans l’économie américaine", a salué Mary Barra, la patronne de GM. Jim Farley, chez Ford, a embrayé sur un ton similaire. On imagine que les communiqués étaient prêts depuis longtemps, en prévision du passage présidentiel dans le Michigan – berceau de Detroit et vitrine politique idéale.

Mais derrière les sourires de façade, l’inquiétude reste palpable. GM a suspendu ses propres prévisions malgré des résultats solides. Une conférence avec les analystes a même été repoussée, le temps d’y voir plus clair. A croire que même les géants américains ne savent plus comment interpréter les signaux venus de Washington.

La Bourse suit l’émotion

Ce qui frappe dans ce tableau, c’est le décalage grandissant entre les performances économiques et la réaction des marchés. L’industrie tangue, les marges s’effritent, la visibilité disparaît… mais les valeurs montent. Parce qu’un post Truth Social, une déclaration ou un décret peuvent tout faire basculer. Parce que les investisseurs parient désormais sur les intentions du politique plutôt que sur les chiffres du trimestre.

On pourrait en rire si ce n’était pas aussi révélateur de la fébrilité ambiante. Le secteur automobile, pilier industriel de l’Europe, se retrouve à danser au rythme imprévisible du président américain. Les constructeurs suspendent leurs prévisions, mais les marchés, eux, anticipent déjà la prochaine volte-face.

Cette fébrilité se retrouve dans les parcours très disparates des constructeurs en bourse depuis le début de l'année. Parcours qui dépendent d'un mélange explosif entre momentum commercial, structure des chaînes d'approvisionnement, emplacement des sites d'assemblage, capacité à courber l'échine face à la pression de Washington et toute une palette d'autres variables. Le bonnet d'âne revient à Stellantis (-33%), alors que Volkswagen se retrouve curieusement en pôle-position (+11%). Autre illustration, le marché valorise plus Ford (+2,5%) que General Motors (-12%). Grand écart aussi entre Renault (+1,5%) et Tesla (-28%). Dans un tel contexte, pas étonnant que le multiple de valorisation du secteur automobile soit parmi les plus faibles de toute la cote boursière : le PER médian du secteur pour 2026 se situe à 5,35 fois hors Tesla (106 fois) et Ferrari (40 fois). Les investisseurs n'ont aucune raison de payer plus cher pour un tel manque de visibilité.