Autozone et O'Reilly sont spécialisés dans la vente de produits pour le secteur automobile, notamment les pièces détachées, les articles d’entretien et les accessoires en tout genre. Les deux entreprises exploitent des magasins, qui sont pour la plupart placés à des endroits stratégiques, très passants, en périphérie des villes. Autozone en détient 7140 et O'Reilly 6157. Les deux concurrents réalisent la grande majorité de leurs activités aux Etats-Unis mais Autozone est un peu plus diversifié avec une présence non négligeable au Mexique (740 magasins contre 42 pour O'Reilly) et au Brésil (100 magasins, aucun pour O'Reilly). 

Un marché dopé par des tendances fortes

Pour comprendre le marché sur lequel évoluent Autozone et O'Reilly, il faut avoir à l’esprit que la croissance des ventes de pièces détachées est directement liée aux réparations et à l’entretien des véhicules. L’usure des véhicules est donc un facteur déterminant. En effet, plus un véhicule vieillit (aussi bien en nombre de kilomètres qu’en années), plus les restaurations sont importantes. Le marché est très dynamique et soutenu par des tendances fortes. Outre la bonne santé de l’emploi qui pousse les usagers à utiliser davantage les transports et l’agrandissement de la taille des villes qui augmente les distances de déplacement, on peut distinguer deux tendances principales. 

Premièrement, les véhicules sont de plus en plus complexes, ce qui pousse les clients à déléguer les réparations et l’entretien à des professionnels plutôt que de les faire eux-mêmes. Cela à un nom dans le jargon du secteur, le “Do it for Me” (DIFM, c'est-à -dire “fais-le pour moi”). Les deux entreprises réalisent une importante part de leurs activités avec les professionnels. Cette clientèle représente 45% du chiffre d’affaires de O'Reilly. 

Deuxièmement, le parc automobile vieillit. S&P Global Mobility révèle que la durée de vie moyenne d’un véhicule aux Etats-Unis est passée de 10,8 ans en 2010 à 13,1 ans actuellement. Cette augmentation de la longévité, en grande partie due à la premiumisation des modèles de voitures - qui sont donc plus chers - se manifeste par des dépenses d’entretien et de réparation plus importantes. Cela crée une demande régulière, d'où l'aspect anticyclique des deux groupes. 

Le véhicule électrique : une menace ? 

Le point de vue selon lequel le marché pourrait être mis à mal par la croissance du parc automobile électrique reste à nuancer. Les véhicules à batterie ont certes moins de pièces mobiles et nécessitent moins d'entretien que les véhicules thermiques (étant donné que les systèmes d’échappement, les transmissions et autres pièces du moteur sont retirées). Mais cette réduction est plus que compensée par des capteurs plus coûteux, des batteries plus chères et d'autres pièces supplémentaires propres à cette typologie de véhicules. Autozone et O'Reilly sont bien placés pour adapter leurs modèles et répondre à cette nouvelle demande. Mais relativisons : il n’y a pour l’instant que 5 millions de véhicules à batterie en circulation aux Etats-Unis sur un parc total de 285 millions d’unités. L’adoption de masse prendra du temps, d’autant que les consommateurs américains s'inquiètent du manque d'infrastructures de recharges, des prix d’achats et de  l’autonomie. Si l’on suit les projections de Mizuho Securities, qui anticipent que le parc auto comprendra 14% de véhicules électriques et hybrides en 2030 et que les travaux d’entretien interviendront après environ 5 ans d’utilisation, les inquiétudes sont clairement prématurées. 

La construction d’un modèle intelligent 

Les deux sociétés sont très rentables. La marge opérationnelle dépasse les 20%. Les liquidités que leurs modèles opérationnels génèrent sont colossales. Par conséquent, elles investissent énormément dans le rafraîchissement des magasins et dans l'amélioration technologique de la chaîne d’approvisionnement et de la logistique. La satisfaction est indispensable car un service de qualité permet de justifier plus facilement des hausses de prix. Cela passe par exemple par des délais de livraisons courts. Une livraison entre 30 et 60 minutes est possible sur une majorité des références étant donné que les deux entreprises exploitent des milliers de magasins dans le pays. Le e-commerce traditionnel et les détaillants plus petits ne peuvent rivaliser avec une telle efficacité. 

Autozone et O'Reilly sont aussi dotés d’un important pouvoir de fixation de leur prix (le fameux pricing power), ce qui a permis d'accroître les marges de façon contrôlée sur les dix dernières années. Les clients, souvent non conscients des tarifs pratiqués ailleurs pour une pièce équivalente, sont prêts à accepter un prix élevé si l’expertise et le service sont au rendez-vous et que l'exécution de la tâche requise est rapide. Par conséquent, les deux entreprises sont réputées pour pratiquer des tarifs supérieurs à la concurrence. 

La concurrence justement, parlons en. Le marché est gigantesque et très fragmenté. O'Reilly détient à peine 8% des parts de marché (5% il y a 5 ans) et Autozone, un peu plus. Advance Auto, le plus grand concurrent coté (11 milliards de chiffre d’affaires) est en grande difficulté. La croissance est quasi inexistante et les marges coulent à pic. Autozone et O'Reilly sont bien placés pour s’approprier la base de clients de cette société. 

Pour continuer de gagner des parts de marchés et poursuivre le cycle de croissance, les deux groupes pourront aussi compter sur le maillage géographique avec les ouvertures de nouveaux magasins et l’expansion à l’étranger. En ce sens, O'Reilly a acquis en début d’année Vast-Auto pour se renforcer au Mexique. Le marché commence à consolider. Autozone et O'Reilly sont là encore bien placés pour en profiter. 

Côté finances, ça donne quoi ? 

Qui choisir entre Autozone et O'Reilly ? Un coup d'œil aux ratios de valorisation suffit à voir que O'Reilly est honoré de multiples plus élevés. Le titre s’échange à 26,8 fois ses profits pour cette année et 24,2 fois pour 2025. Le PER est plus faible chez Autozone, respectivement 20,7 et 19,1 fois pour cette année et la suivante. 

La trajectoire de croissance de O'Reilly est un peu plus rapide grâce à une stratégie plus agressive. Le chiffre d’affaires est passé de 7,2 Mds$ en 2014 à 15,8 Mds$ en 2023, soit une croissance annuelle moyenne pondérée - CAGR - de 9,1%. Autozone traine un peu la pâte avec un CAGR de 7% sur la période.

Les marges sont très proches entre les deux entreprises. La rentabilité nette est entre 14% et 15% et a eu tendance à légèrement progresser lors des précédents exercices. Néanmoins, la hausse des profits futurs dépendra majoritairement de la capacité à augmenter les revenus car les leviers pour accroître encore les marges sont assez faibles. 

O'Reilly (source : Zonebourse) 

Autozone (source : Zonebourse) 

O'Reilly emploie ses ressources plus efficacement. Le bilan est globalement mieux préservé. L’endettement est bien moins important que chez Autozone. Les charges financières en sont limitées. Les rachats d’actions sont légèrement moins agressifs (41,8% du capital racheté sur la décennie contre 46,9% pour Autozone) mais suffisent à O'Reilly pour voir la courbe de son bénéfice par action - BNA - aller plus vite. Le CAGR du BNA est de 20,8% pour O'Reilly depuis 2014 contre 17,3% pour Autozone. O'Reilly dispose d’une allocation du capital plus ample, avec plus de moyens d’investissements. 

Ces différences, assez minimes dans l’absolu, sont à nuancer. Les deux groupes sont très bien gérés et rentrent aisément dans la classification des actions en croissance et de qualité. Elles surperforment nettement le marché et les concurrents que sont Advance Auto, Genuine Parts, Driven Brands, Monro et Valvoline. O'Reilly a joué son rôle d’outsider, est allé un peu plus vite et dépasse désormais Autozone par la capitalisation (67,1 Mds$ vs 54,8 Mds$). 

Les deux sociétés ont dernièrement publié de bons résultats et des perspectives solides, dans l’historique de la trajectoire de croissance passée. La corrélation entre les deux cours de bourse est forte. L’investisseur a donc le choix entre une société plus grande mais moins valorisée - Autozone - et le concurrent - O'Reilly - qui a fait une bonne partie de son retard et qui bénéficie d’un momentum porteur. La visibilité est optimale pour l’un comme pour l’autre. A chacun de faire ses jeux …

Les deux titres se suivent à la trace et surperforment le S&P500 (source : Zonebourse)