"Quels commentaires vous inspirent les résultats semestriels des quatre banques françaises cotées ?
Sur le plan des résultats liés aux différentes activités opérationnelles, les revenus des banques françaises se sont révélés bons. Le cout du risque a également réservé une bonne surprise. Ainsi les profits ont été globalement supérieurs aux attentes pour l’ensemble des banques.

Une certaine différenciation a cependant pu être observée s’agissant de la génération du capital. Alors que nous avons eu une annonce favorable de la part de Société Générale, nous avons eu une communication défavorable de la part de Crédit Agricole. C’est ce qui a principalement conduit à l’envolée du premier titre de 8% le jour de la publication des comptes et à la chute du second titre de 10%.

Quelle interprétation faites vous de la non validation du plan de réorganisation de Crédit Agricole par la BCE ?
Le marché a été en grande partie interpelé par cet élément d’information. Le plan consistait à transférer l’organe central du coté des Caisses régionales moyennant une compensation estimée entre 2 et 5 milliards (selon différente fuite dans la presse) qui aurait permis de renforcer le capital de l’entité cotée.
La motivation de la non validation de ce plan reste assez floue. Je ne pense pas que la validation de ce plan ait été totalement remise en question. Je suis plutôt d’avis qu’elle a été différée. Il est possible que la BCE s’interroge sur la qualité du capital de CASA.
CASA a également mentionné avoir proposé un IPS (Investment protection scheme) au régulateur. Or la BCE n’est pas encore habituée à ce type de dispositif. Sans doute cette dernière souhaite-t-elle mieux analyser ce dont il s’agit pour valider le projet.

D’autant que, contrairement a Natixis qui ne détient plus aucune part dans les Caisses régionales de BPCE, CASA a encore 25% des Caisses régionales.

Vous donnez-vous un horizon temporel pour la validation de ce plan ?
Non dans la mesure où la BCE doit faire face à plusieurs chantiers en relation avec la régulation bancaire.

Quelle analyse faites-vous de l’effondrement du cours de Natixis ?

La correction a sans doute été trop forte. Pour notre part, nous sommes à l’achat sur la valeur avec un objectif autour de 6,5 euros. 35% des revenus sont tirés de l’activité gestion d’actifs qui demande une plus faible mobilisation du bilan.
L’action a souffert de son lien avec la Coface. Cette dernière n’a pas fait état de bons résultats et a indiqué la perte de l’activité d’assurance des crédits à l’export de l’Etat. L’action de la Coface a chuté de 20% après la divulgation de ses comptes. Natixis a naturellement été impactée dans la foulée. Ce d’autant plus que le marché escomptait la vente de la participation de Natixis dans la Coface à court-moyen terme autour du cours d’introduction en Bourse de la société, aux environ de 10 euros. Le retrait est vraisemblablement repoussé avec un cours à 7.9 euros.

Diriez-vous que des quatre banques françaises cotées, Natixis présente le plus important potentiel de revalorisation ?

C’est ce sur quoi nous tablons tiré notamment par le P/E 2017 – à 9.60 - que nous jugeons relativement bas pour ce type de business.

Avez-vous procédé à des ajustements à la suite de la publication des résultats semestriels des banques françaises ?

Nous avons très légèrement révisé les BPA (bénéfices par action) à la hausse, mais pas les objectifs de prix. Je suis resté confiant sur BNP en raison de son modèle et sur Natixis du fait de sa décote. Je vois un peu plus de risque sur Société Générale en raison de son positionnement en Russie. CASA souffre de l’incertitude qui porte sur la qualité de son capital.

Le principal risque spécifique pour Société Générale est clairement la Russie ?

Absolument. L’activité en France est bonne. L’objectif du ratio core tier 1 a été augmenté à 11%. L’ambition s’agissant des économies de couts a également été renforcée. La banque d’investissement de SG tire avantage de son important positionnement sur les dérivés actions dans le contexte actuel de marché.

Pensez-vous que le principal risque de BNP soit sa volonté de développer son activité de banque d’affaires en Asie compte tenu de l’essoufflement de la dynamique économique chinoise ?

Les objectifs élevés que s’était fixée BNP s’agissant du développement de l’activité en Asie étaient ambitieux et ont porté leurs fruits (contrairement à SG par exemple qui s’est retirée de l’Asie). Il n’y a pas de raison que cela ne se poursuive pas sachant que les clients ne sont pas des petits porteurs mais des grandes sociétés ou clients privés basés à Singapour ou à Hong Kong.

BNP a une participation d’environ 20% au sein de la banque chinoise Bank of Nanjing mais nous ne voyons pas de risques liés à cette banque à court terme.

Y a-t-il un risqué lié à la mise en cause du modèle de banque universelle ?

Le modèle de banque universelle nécessite plus de capital requis par le régulateur, via le global systemically important institutions (G-SIIs) buffer notamment, et donc potentiellement un ROE plus faible que si les différentes branches d’activité étaient séparées. D’un autre coté, ce modèle implique une diversification des risques et la possibilité de s’appuyer sur la dynamique d’une région donnée parallèlement au ralentissement d’une autre région ainsi que sur le profit lié aux synergies entre les différents métiers.
Je ne crois pas à que le modèle soit compromis pour le moment.

Quels sont à votre sens les risques principaux pour Natixis et CASA ?

La menace pour CASA est clairement liée à la faiblesse structurelle de la qualité de son capital. Le compromis danois pourrait disparaitre dans le cadre de l’harmonisation à venir des risques pondérés. Ce capital bénéficie également du support du programme switch qui implique une garantie fournie par les Caisse régionales et des gains sur les « available for sales » dont le traitement futur n’est pas encore très clair.
On s’aperçoit que le titre CASA a du mal à décoller depuis l’annonce de la non validation de son plan de réorganisation.

La principale menace pour Natixis à court terme est sans doute relative à sa participation dans la Coface.

Au-delà des risques spécifiques, que pensez vous des risques liés au fort ralentissement de la dynamique en Chine, au vif repli des cours des matières premières ou encore à la politique monétaire très accommodante menée par la Banque centrale européenne ?

Je ne vois pas de risque direct pour les banques françaises liées à la Chine à l’heure actuelle.

Les expositions des banques françaises aux matières premières n’est pas négligeable mais l’exposition crédit est très largement investment grade avec généralement un collateral pour garantir une partie du prêt.
Je dirais donc que le danger émanant de l’implication des banques françaises dans l’octroie des crédits liés aux matières premières n’est pas un risque matériel. Il ne devrait pas y avoir d’impact bouleversant sur le cout du risque.
En revanche nous devrions observer des effets liés au ralentissement du financement de certains projets.

Les taux bas ne sont pas aujourd’hui un problème ingérable par les banques françaises. Celles-ci se couvrent largement afin de minimiser le risque de taux entre leur passif et leur actif. Tant que les taux ne sont pas fortement négatifs, comme en Suède par exemple, la faiblesse des taux n’est pas source de préoccupation pour l’instant. La pression existe mais elle est limitée. Il ne faudrait cependant pas que le programme de quantitative easing de la BCE soit beaucoup plus intensif.

Au contraire, les banques françaises, via la spécificité bien française des dépôts règlementés, vont bénéficier de la baisse des taux. En cela, la baisse du livret A à 0,75% peut être appréhendée comme une aubaine pour les banques françaises. Elle pourrait être suivie par une diminution du taux de rémunération pour d’autres véhicules comme le PEL.

De quelle manière pressentez-vous le second semestre pour les banques françaises ?

Nous pourrions assister, de manière salutaire, à une accélération de la distribution du crédit en France. Nous devrions également relever encore de bons résultats dans l’activité de banque d’investissement. Les mouvements de fusions acquisitions, d’introductions en bourse, mais aussi les opérations sur les dérivés actions devraient continuer à être multiples.
Le point pénalisant pourrait émaner du poids de la mise en œuvre des nouvelles exigences réglementaires. Des précisions devraient être apportées sur le TLAC, sur l’harmonisation des risques pondérés, et sur le ratio de levier.

Au-delà des banques françaises, vous suivez étroitement les banques nordiques, si vous deviez faire un comparatif entre les deux ….

Les banques suédoises sont très orientées sur l’activité retail. Le ROE apparait plus élevé. Leur capital semble plus sain et plus confortable - même si l’harmonisation à venir des risques pondérés pourrait peser. Leur politique de dividende est assez stable et ambitieuse. Elles bénéficient en cela d’une prime sur le marché.
A l’inverse, les banques françaises sont plus décotées en termes de price earnings et de price to book. Le potentiel de revalorisation est hypothétiquement plus élevé.
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