I] La plus mauvaise décision de politique monétaire de tous les temps

Le jeudi 15 janvier va entrer dans les annales des chocs profonds sur les marchés financiers. Une faillite de banque ? La perte financière d’un trader ? Un tsunami ? Non...

Un tsunami monétaire, OUI !

La Banque Nationale Suisse a décidé de manière très soudaine l’abandon de sa politique de taux plancher à 1.20 pour l’EUR/CHF. C’est la source de ce tsunami monétaire qui va rester dans les annales, car c’est une Banque Centrale qui pour la première fois est à l’origine d’un choc de marché, la Banque Nationale Suisse (BNS) a fait tout le contraire de sa mission qui est d’assurer la stabilité des prix.

Les acteurs économiques piégés par cette décision monétaire sont nombreux, certains ne pourront pas s’en remettre.

Ni La Banque Centrale Européenne, ni La Réserve Fédérale des Etats-Unis et ni le FMI n’ont été consultés, c’est une décision monétaire unilatérale et brutale, ce que résument bien quelques citations.

- La directrice générale du Fonds monétaire international (FMI), Christine Lagarde, s’est déclarée « surprise » de cette décision, s’étonnant que personne n’en ait eu vent plus tôt.

- «Cela a été pour moi une grosse surprise», a avoué le ministre de l’Economie suisse, Johann Schneider-Ammann, à l’issue de la séance d’urgence de la délégation pour la politique économique.

 

A l’opposé, voici une partie de l’interview que le gouverneur Thomas Jordan de la BNS a donné sur le site letemps.ch.

Une sérénité surprenante…

Le Temps: Jeudi et vendredi, la bourse suisse a plongé, tandis que le franc a bondi. Êtes-vous surpris de la réaction des marchés à votre décision?

Thomas Jordan: Nous étions conscients que cette décision pouvait produire des effets majeurs sur les marchés. Ces derniers sont d’ailleurs empreints d’une grande incertitude en raison du changement de politique monétaire de la BNS. Il en résulte une plus grande volatilité et les marchés doivent progressivement trouver leur équilibre, ce qui pourra prendre du temps. Nous observons d’importants excès dans les cours actuels.

Le Temps: Pourquoi était-ce si important de surprendre le marché?

Thomas Jordan: Si vous prenez une décision aussi importante que l’abandon du cours plancher, il faut nécessairement surprendre le marché. Si vous montrez que vous réfléchissez à un changement, vous ouvrez la porte à des spéculateurs qui pensent en profiter.

Le Temps: Christine Lagarde s’est plainte hier de ne pas avoir été informée. Était-ce nécessaire de l’informer?

Thomas Jordan: La BNS est une banque centrale indépendante. Il nous appartient de préparer nos décisions seuls.

 

II] Un impact catastrophique sur l’économie de la Suisse et sur les marchés financiers. La liste des « victimes » est longue

 

Les acteurs directement brutalisés par ce choc monétaire sont nombreux et les dégâts ne sont pas encore tous connus.

• Les grandes entreprises exportatrices suisses

• Les agents économiques qui ont contracté des prêts en franc suisse (ménages, collectivités)

• De grands perdants sur le desk marché des changes de plusieurs grandes banques d’investissement internationales et de hedge funds

• Le paysage des brokers forex va être bouleversé. Les plus faibles ne pourront pas s’en remettre, les leaders vont résister et aborder l’avenir renforcés

 

Victime 1] Un risque opérationnel pour les entreprises exportatrices suisses qui sont les premières victimes :

L’indice suisse SMI a subi un krach boursier le jeudi 15 janvier, cet indice rassemble les exportateurs suisses les plus importants, la hausse du franc suisse (CHF) va clairement rogner les bénéfices de nombreuses entreprises suisses.

Celles qui sont le plus impactées sont celles qui ont des coûts de production peu délocalisés, c’est-à-dire que ces coûts de production sont ancrés en Suisse et libellés en franc suisse. Quant aux ventes, elles sont facturées en devises étrangères, notamment en Euro et en Dollar, l’effet de change négatif est donc immédiat.

Tous les secteurs d’activités sont concernés, les trois entreprises suisses exportatrices les plus touchées sont Swatch, Julius Bear (-25% en deux jours et +22% pour le CHF sur la même période) et Richemont.

Selon Goldman Sachs, une hausse de 10% du franc suisse (chf) pourrait rogner de 8% en moyenne les bénéfices des banques helvétiques comme UBS et Crédit Suisse.

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Victime 2] Un risque de crédit pour les agents économiques qui ont contracté des prêts en franc suisse (ménages, collectivités) :

- Des ménages français qui ont contracté des prêts immobiliers ont vu le capital à rembourser s’envoler avec la forte hausse du franc suisse.

L’exemple le plus criant est celui des prêts immobiliers commercialisés entre mars 2008 et décembre 2009 par BNP Paribas Personal Finance. Le capital du est déterminé en franc suisse mais le remboursement se fait en euros, le montant du capital à rembourser vient donc de s’apprécier autant que la hausse du franc face à la monnaie unique européenne (baisse de la paire EUR/CHF).

- Des collectivités territoriales et des villes françaises vont aussi subir un risque de crédit via les emprunts structurés.

Les emprunts structurés concernés sont adossés au taux de change USDCHF ou EURCHF et sont révisables périodiquement selon l’évolution du taux de change face au franc.

C’est la charge d’intérêt, déterminé par le taux d’intérêt, qui est révisable.

Ces taux variables ont donc significativement augmenté avec la forte appréciation du franc suisse et le coût total du crédit a donc explosé.

Des collectivités locales, des villes mais aussi des établissements publics et privés vont voir leur coût total de crédit augmenter.

Le département de l'Ain aurait contracté un prêt de 9,8M d’euros dont les taux passeraient de 8,5 % à plus de 30 % vu l'envolée du CHF !

 

Victime 3] Un risque de marché pour certains hedge funds et certaines grandes banques d’investissement.

La Deutsche Bank, Barclays, Citigroup, etc… les grandes banques qui admettent des pertes de marché liées à l’envolée du CHF sont nombreuses. Les pertes sont évaluées à plusieurs centaines de millions d’euros selon le Wall Street Journal.

Mais ce sont surtout les fonds d’investissement spéculatifs (hedge funds) dont la survie est en jeu. Certains hedge funds sont en faillite. Everest Capital a annoncé la fermeture d’un de ses fonds avec une des pertes de plus de 800 millions de $ sur le franc suisse.

 

Victime 4] Un risque de marché pour les brokers les moins solides.

Le trou de cotations significatif entre 1.20 et 0.87 sur la paire EUR/CHF a été causé par l’assèchement de la liquidité suite à l’abandon du taux plancher par la BNS. Cette absence de liquidités a rendu impossible l’exécution des ordres et les traders en position ont subi des pertes très importantes ne permettant plus à certains brokers de répondre aux obligations juridiques en matière de fonds propres.

Les brokers les plus faibles ont annoncé le dépôt de bilan dès vendredi matin, le broker FXCM a quant à lui sécurisé les comptes de ses clients et fait face à ses obligations réglementaires en obtenant 300 millions de Dollars de financement de la société Leucadia National Corporation en moins de 24 heures.

C’est le signe d’une confiance totale des marchés financiers en vers le leader mondial du marché des changes, FXCM est capitalisé comme jamais et ressort grandi et renforcé de cette épreuve.

Ce choc de marché a été relevé par FXCM, mais le paysage des brokers va être bouleversé lors des prochaines semaines.
 

CONCLUSION : Des fuites en amont de l’abandon du seuil des 1.20 ?

Il est encore trop tôt pour comprendre ce qu’il s’est passé en amont de la décision de politique monétaire de la BNS, mais certaines données de marché vont probablement donner le point de départ d’une enquête en délit d’initié de la part des grands organismes de régulation boursière.

Selon le responsable du département marché des changes de la Banque Crédit Agricole, il y a eu un flux de 34 milliards à la vente sur la paire EUR/CHF au mois de décembre. Ce flux monétaire a été 10 fois supérieur aux conditions normales de marché. C’est en tous cas ce que rapporte le média américain CNBC.

L’abandon du taux plancher par la BNS va laisser des traces. La brutalité de cette décision monétaire sera probablement dénoncée de manière de plus en plus ferme et nous devons nous attendre à des cas de délit d’initié.

Votre broker FXCM aura fait face à l’urgence de la situation, a conservé sa solidité financière d’avant la BNS et va se battre lors des prochaines semaines pour préserver l’intérêt de ses clients.

 

Par Vincent Ganne, AnalysteTechnique pour DailyFX.fr

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