Tokyo (awp/afp) - La Banque du Japon a rehaussé mardi ses prévisions de croissance et d'inflation pour le pays sur l'exercice 2022/23, qui débutera le 1er avril, tout en maintenant sa politique monétaire ultra-accommodante, à laquelle elle ne veut pas renoncer de sitôt.

La BoJ s'attend désormais à une croissance du PIB nippon de 3,8% (valeur médiane) en 2022/23, une prévision nettement renforcée par rapport à celle formulée en octobre dernier (+2,9%), citant "les effets des mesures économiques du gouvernement et une reprise de la production pour rattraper la demande".

L'institution a en revanche abaissé sa perspective pour l'exercice en cours 2021/22 qui s'achèvera le 31 mars, ne misant plus que sur une croissance de 2,8% (contre 3,4% précédemment) à cause des perturbations persistantes des chaînes d'approvisionnement.

Elle a aussi légèrement révisé en baisse sa prévision de croissance pour 2023/24 (+1,1% contre +1,3% auparavant).

Concernant l'inflation au Japon, la BoJ s'attend toujours à une stagnation pour l'exercice en cours mais a modestement relevé sa prévision pour 2022/23 (+1,1% contre 0,9% précédemment). Elle anticipe une hausse des prix à la consommation de 1,1% également en 2023/24, contre 1% auparavant.

Léger changement de ton

La BoJ juge à présent les pressions sur les prix "généralement équilibrées" dans la troisième économie mondiale, alors qu'elle évoquait systématiquement depuis 2014 des pressions "orientées à la baisse".

Ce changement lexical est un signe que le Japon n'est pas totalement déconnecté de la poussée inflationniste que connaît actuellement une grande partie du monde, bien que l'Archipel en ressente les effets plus modestement.

L'inflation au Japon reste globalement limitée à l'énergie, les entreprises locales continuant très majoritairement à absorber la hausse de leurs coûts de production plutôt que de risquer de perdre des parts de marché en relevant leurs prix de vente.

De longues périodes déflationnistes dans l'Archipel depuis les années 1990 ont rendu les consommateurs nippons allergiques aux hausses de prix, d'autant que les salaires n'augmentent que très peu pour le moment.

Face à la reprise économique encore fragile, l'institution a conservé mardi le taux directeur négatif (-0,1%) qu'elle applique depuis 2016 sur les réserves des banques auprès d'elle.

La BoJ a aussi maintenu sa politique d'achats illimités d'obligations publiques japonaises pour maintenir leur rendement à dix ans autour de 0%, même si dans les faits elle a commencé à réduire la voilure de ce programme l'an dernier.

La BoJ a par ailleurs prolongé mardi d'un an l'échéance de remboursements de prêts qu'elle accorde aux banques commerciales via un programme spécial visant à les inciter à offrir davantage de crédits à l'économie réelle.

Pas de débats sur le statu quo

Le gouverneur de la BoJ, Haruhiko Kuroda, a encore enfoncé le clou du statu quo lors de sa conférence de presse mardi.

"Je ne pense pas que nous soyons prêts à discuter d'une normalisation" de la politique monétaire pour le moment, étant donné que l'inflation japonaise devrait rester encore loin de la cible de 2% "même à la fin de l'exercice 2023/24", a-t-il déclaré.

Le gouverneur a balayé l'idée de discuter d'une normalisation "juste parce que cela coïnciderait" avec la fin de son second et dernier mandat, en avril 2023.

L'institution nippone continue également "à écarter les inquiétudes croissantes concernant l'impact de la faiblesse du yen sur les bénéfices des entreprises et les revenus des ménages", a souligné Shigeto Nagai dans une note d'Oxford Economics, alors que la dépréciation de la devise nippone stimule aussi l'inflation, comme la flambée des coûts des matières premières.

La Bourse de Tokyo a d'abord été brièvement soulagée après les annonces de la BoJ, car elle "s'inquiétait d'une éventuelle surprise agressive" de la part de l'institution, selon l'analyste Masahiro Ichikawa de Sumitomo Mitsui DS Asset Management.

Cet enthousiasme a cependant été de courte durée: le marché tokyoïte a ensuite faibli pour finir dans le rouge, les taux négatifs ou quasi nuls de la BoJ ayant plombé les valeurs financières japonaises qui en souffrent depuis des années.

afp/al