PARIS (Reuters) - Le Premier ministre français, Michel Barnier, a appelé mardi à faire "chemin commun" pour éloigner les "épées de Damoclès" que sont les dettes financière et écologique, appelant les grandes entreprises et des "Français les plus fortunés" à contribuer à l'effort fiscal national.

Dans son discours de politique générale prononcé devant un hémicycle divisé et turbulent, l'ancien négociateur européen a mis sa mission sous le signe de "l'écoute", du "respect" et de la "confiance", invitant à "dégager des compromis" face à la "gravité du moment".

En matière budgétaire, "nous sommes collectivement sur une ligne de crête", a-t-il prévenu en préambule d'une intervention d'une heure vingt, ignorant les invectives des élus du Nouveau Front populaire qui ont préparé une motion de censure contre son gouvernement.

"Faire beaucoup avec peu, c'est la vie quotidienne de beaucoup de nos compatriotes", a dit Michel Barnier, citant le général de Gaulle qui demandait en son temps à "faire beaucoup avec peu, et à partir de presque rien."

Rappelant la dette abyssale de la France, supérieure à 3.200 milliards d'euros avec une charge qui constitue le deuxième poste de dépense de l'Etat derrière l'école, le Premier ministre a placé le pays sur une nouvelle trajectoire.

Objectif : faire passer le déficit budgétaire de "plus de 6%" du produit intérieur brut (PIB) cette année à 5% en 2025 et moins de 3% en 2029 conformément à l'engagement européen de la France. Le précédent exécutif s'était engagé à ramener le déficit dans les clous de Bruxelles d'ici 2027.

"Le premier remède à la dette c'est la réduction des dépenses", a dit Michel Barnier, appelant à lutter contre les doublons, les "rentes injustifiées", les fraudes "fiscale" et "sociale".

Au chapitre fiscal, il a demandé un "effort partagé dans une exigence de justice fiscale" avec une "participation au redressement collectif" des "grandes entreprises qui réalisent des profits importants" et des "Français les plus fortunés".

Alors que le pouvoir d'achat demeure une question primordiale, Michel Barnier a annoncé une "revalorisation du Smic de 2% dès le 2 novembre par anticipation".

CORRECTION DE LA RÉFORME DES RETRAITES

Sur la très décriée réforme des retraites de 2023, il a dit son attachement au système par répartition et demandé des corrections à la marge en matière de "retraite progressive", d'"usure professionnelle" et "d'égalité femme-homme".

Accusé de complaisance à l'égard de l'extrême droite, Michel Barnier a demandé à n'avoir "aucune tolérance" vis-à-vis du racisme, de l'antisémitisme, des entorses à la laïcité et "aucune remise en cause des lois" comme celles de Simone Veil légalisant l'interruption volontaire de grossesse et la procréation médicament assistée.

En matière de sécurité, Michel Barnier a demandé de s'inspirer du succès des Jeux olympiques d'été de Paris pour mieux organiser le travail des forces de l'ordre.

Face à la délinquance, il s'est dit favorable à "des peines courtes et immédiatement exécutées pour certains délits", un recours accru aux travaux d'intérêt général, des "retenues sur salaires et prestations sociales" et à la construction de places de prison à l'heure où la France compte environ 80.000 détenus pour 62.000 places.

Sur le chantier de l'immigration, qui a donné lieu à des propos durs du nouveau ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau, Michel Barnier a prôné l'augmentation de la durée de rétention des personnes soumises à une obligation de quitter le territoire français (OQTF) et la poursuite des contrôles aux frontières, à l'instar d'autres pays comme l'Allemagne.

En matière de service public de santé, les déserts médicaux seront combattus via un "programme Hypocrate" dans lequel les professionnels français et étrangers sont invités à s'engager.

Au niveau parlementaire, Michel Barnier a appelé de ses voeux "moins de textes" et "plus de temps pour en débattre" et s'est dit "prêt à une réflexion et une action sans idéologie sur le scrutin proportionnel", répondant à une demande de longue date de partis comme le MoDem et le Rassemblement national.

Le "dialogue" sur la loi sur la fin de vie, interrompu par la dissolution en juin, reprendra début 2025, a-t-il promis.

Chantre de la "fraternité", le Premier ministre a prôné l'organisation d'une consultation des Français, appelés à s'exprimer lors d'"une journée citoyenne" annuelle.

"Prenons soin ensemble de la France et des Français qui nous demandent de dépasser nos divisions", a plaidé Michel Barnier devant les députés.

(Reportage Elizabeth Pineau, édité par Kate Entringer et Blandine Hénault)

par Elizabeth Pineau