Genève (awp/ats) - Le Tribunal correctionnel de Genève a reconnu vendredi le magnat des mines Beny Steinmetz, 64 ans, coupable de corruption d'agents publics étrangers en Guinée et de faux dans les titres. Il l'a condamné à cinq ans de prison et au versement de 50 millions de francs suisses à l'Etat de Genève.

Les deux coaccusés du milliardaire franco-israélien ont eux aussi été condamnés. La directrice administrative des sociétés du Beny Steinmetz Group Resources (BSGR) écope de deux ans de prison avec sursis et doit verser 50'000 francs suisses de créance compensatrice pour les mêmes chefs d'inculpation. Seule la corruption a été retenue à l'encontre de l'homme de terrain qui est condamné à trois ans et demi de prison et au versement de 5 millions de francs suisses.

"Profit mirobolant"

Alors que la défense a plaidé l'acquittement, les juges ont considéré que les trois prévenus avaient bel et bien oeuvré de concert pour verser 8,5 millions de dollars de pots-de-vin entre 2006 et 2012 à Mamadie Touré, la quatrième épouse du président guinéen Lansana Conté, afin que BSGR obtienne des droits sur des mines du Simandou. Selon la Cour, tout a été fait pour brouiller les pistes des paiements et cacher des noms.

Sans expérience dans l'extraction de fer, BSGR voulait obtenir les concessions détenues par Rio Tinto et les revendre avec un profit immédiat, estime la Cour. Malade, le président Conté avait usé de sa position pour retirer les droits du géant minier anglo-australien et les octroyer à BSGR sur la base d'une promesse, même si les versements à Mamadie Touré ont eu lieu après sa mort en 2008.

Alors que BSGR a dépensé 160 millions de dollars pour deux concessions, il a tiré un "profit mirobolant" de 2,5 milliards lors de la vente de 51% des actions d'une de ses sociétés au Brésilien Vale. Beny Steinmetz en a profité à hauteur de plusieurs millions, mais pas la Guinéen, relèvent les juges, soulignant qu'il s'agit là d'un indice de corruption.

"Pouvoir décisionnel"

Pour le tribunal, M. Steinmetz n'est pas un simple conseiller de BSGR, comme il l'a affirmé. Il dispose d'un "pouvoir décisionnel", a été impliqué dans toutes les étapes importantes de l'attribution des droits et a rencontré plusieurs fois le président Conté. Selon le jugement, il a accepté dès 2006 l'intervention de tiers pour obtenir des concessions. Par la suite, il a collaboré activement pour cacher le rôle de Mme Touré.

Beny Steinmetz est aussi reconnu coupable de faux dans les titres en lien avec un certificat d'actions au contenu mensonger. La vente simulée d'une société offshore, qui détenait fictivement des terrains en Roumanie, a notamment servi à faire transiter une partie des fonds destinés à Mme Touré.

Prison aux USA

C'est un Français qui a permis à BSGR d'accéder au pouvoir guinéen grâce à Mme Touré. S'il n'avait pas de contact direct avec M. Steinmetz, cet homme de 58 ans a "collaboré intentionnellement à la corruption", trouvant les moyens de faire parvenir les fonds à la veuve du président et prenant soin de cacher leur provenance, car il savait que ces versements étaient illicites, notent les juges.

L'homme de terrain et ses deux associés ont reçu 34,5 millions de dollars de rémunération lors du rachat de leur société-écran par une société de BSGR. Il s'est rendu en Floride pour demander à Mme Touré de détruire des documents et de mentir. La conversation a été enregistrée par le FBI. Il a été condamné à deux ans de prison aux Etats-Unis pour obstruction à la justice.

Quant à l'administratrice à Genève, les juges retiennent qu'elle avait une connaissance approfondie du groupe et de sa composition. "Par ses agissements, elle a permis la mise en place du schéma corruptif et a participé à l'effacement du rôle des intermédiaires", relèvent-ils. Le mobile de cette Belge de 50 ans est égoïste, mais dans une moindre mesure que pour les deux autres prévenus, car elle a agi dans le cadre de son travail.

Appel annoncé

Le Ministère public, représenté par les procureurs Yves Bertossa et Caroline Babel Casutt, a salué ce jugement. Il n'a pas été entièrement suivi par les juges, en particulier dans l'appréciation des documents considérés comme des faux dans les titres.

Quant aux avocats des trois prévenus, ils ont d'ores et déjà annoncé qu'ils vont faire appel. "C'est une grande injustice", a commenté M. Steinmetz.