MINSK, 10 août (Reuters) - La police biélorusse a fait usage de canons à eau, de gaz lacrymogènes et de grenades assourdissantes pour réprimer des manifestations survenues dimanche alors que le président sortant Alexander Loukachenko, au pouvoir depuis 26 ans, était donné victorieux d'un nouveau mandat.

Des milliers de personnes sont descendues dans les rues de la capitale Minsk pour afficher leur solidarité avec l'opposition. Certains manifestants ont érigé des barricades avec des poubelles, a rapporté l'agence de presse RIA.

La police anti-émeute a bloqué des rues et au moins dix personnes ont été arrêtées dans un même lieu à Minsk, ont constaté des journalistes de Reuters, tandis que la presse locale a fait état d'arrestations et de heurts entre forces de l'ordre et contestataires dans d'autres villes du pays.

Selon des témoins, un car de transport pénitentiaire a percuté la foule dans la capitale. Toutefois aucune victime n'a été rapportée pour le moment. Les autorités ont dit n'avoir aucune information faisant état de blessés lors des manifestations.

Alexander Loukachenko, âgé de 65 ans, mène le pays d'une main de fer depuis 1994 mais s'est retrouvé face à une vague de colère pour sa gestion de l'épidémie de coronavirus, la situation économique dégradée et son non-respect des droits civiques.

L'ancien directeur de kolkhoze est donné victorieux de l'élection présidentielle avec 79,7% des suffrages, montrent des sondages de sortie des urnes validés par l'Etat.

Sa principale opposante, Svetlana Tikhanouskaïa, est créditée de 6,8% des voix. Cette ancienne professeur d'anglais est sortie de l'ombre après l'arrestation au mois de mai de son mari, le blogueur Sergueï Tikhanouski, qui s'était porté candidat et dont elle a repris le flambeau.

Jamais en un quart de siècle un scrutin en Biélorussie n'a été déclarée libre et équitable par des observateurs étrangers, et la commission électorale interdit à l'opposition de procéder à son propre décompte des voix.

L'OPPOSITION, "PAS UNE MENACE"

Veronika Tsepkalo, l'épouse d'un candidat exclu du scrutin qui a apporté son soutien à Tikhanouskaïa, a dit espérer que les forces de l'ordre "recouvrent leurs esprits et se rangent du côté du peuple, alors la nuit à Minsk se finira sans être ensanglantée".

Une répression musclée des nouvelles manifestations pourrait nuire aux tentatives de Loukachenko pour réparer les relations avec l'Occident alors qu'une rupture est survenue avec la Russie, traditionnelle alliée de la Biélorussie qui a tenté de la pousser à renforcer leur union économique et politique.

Les meetings de campagne de Tikhanouskaïa ont rassemblé des foules sans précédent depuis la chute de l'Union soviétique en 1991, et plusieurs centaines de partisans ont scandé son nom dimanche à son arrivée à un bureau de vote.

D'après des associations de défense des droits de l'homme, quelque 1.300 personnes ont été arrêtées récemment sur fond de durcissement de l'attitude des autorités, parmi lesquelles des observateurs électoraux indépendants et des membres de l'équipe de campagne Tikhanouskaïa.

Après avoir voté, Loukachenko a qualifié de rumeurs et d'accusations fantaisistes les craintes de répression exprimées par certains. Tikhanouskaïa et les siens, a-t-il dit, ne constituent pas une menace. "Ils ne sont même pas dignes qu'on mène une répression contre eux", a déclaré le président sortant.

Se présentant en garant de la stabilité mais qualifié de dictateur par les puissances occidentales, Loukachenko a accusé ses opposants d'être de mèche avec des soutiens étrangers pour déstabiliser le pays. (Andreï Makhovsky, avec Vasily Fedosenko; version française Henri-Pierre André, Nicolas Delame et Jean Terzian)