Paris (awp/afp) - Le secteur des cryptoactifs aura bientôt un premier cadre légal européen, une nécessité pour ce marché qui attire beaucoup d'investisseurs mais également beaucoup de controverses, dans un contexte d'effondrement du marché.

Après plusieurs mois de discussions, les négociateurs du Parlement européen et du Conseil de l'Union européenne ont trouvé jeudi soir, dernier jour de la présidence française de l'Union européenne, un accord provisoire sur une réglementation du marché des cryptoactifs (MiCA).

Ce projet de cadre légal, une première en Europe, prévoit d'imposer une série d'obligations aux acteurs du secteur afin de "protéger les investisseurs et de préserver la stabilité financière", selon un communiqué du Conseil de l'UE.

Il couvre les cryptomonnaies, comme le bitcoin, l'ethereum, les plateformes de négociation et les "émetteurs de soi-disant stablecoins", des cryptomonnaies qui se veulent arrimées à une devise. A l'inverse, les NFT, "jetons non fongibles" en français, en sont exclus.

Actuellement aucune règle n'existe au niveau européen pour encadrer l'achat, la vente ou l'échange de cryptoactifs, et les arnaques sont monnaie courante.

"L'accord trouvé sur le règlement MiCA est une bonne nouvelle", a estimé auprès de l'AFP Robert Ophèle, le président de l'AMF, qui juge qu'il "est urgent que l'Union européenne se dote de règles communes fortes pour encadrer les stablecoins et les plateformes de services sur cryptoactifs".

Une urgence à la fois pour les consommateurs et pour les acteurs qui "veulent arriver à une maturité du secteur", a assuré le ministère français de l'Économie vendredi.

Désormais les prestataires de services sur cryptoactifs (PSCA) devront disposer d'une autorisation des régulateurs nationaux pour exercer leurs activités au sein de l'Union européenne. En France, l'Autorité des marchés financiers a déjà mis en place un tel principe d'enregistrement qui regroupe à ce jour 39 entités.

Ils seront de plus considérés comme responsables en cas de perte des actifs détenus sur leur plateforme pour le compte de leurs clients. L'année passée des milliers de clients français avaient assuré avoir perdu entre 40 et 58 millions d'euros investis sur la plateforme Binance.

Lorsqu'un prestataire est domicilié hors de l'Union européenne, il sort du giron des régulateurs boursiers européens et les clients floués se retrouvent démunis.

Nouveau visage pour l'industrie

Un autre projet de législation, sur lequel un accord a aussi été trouvé mercredi, complètera le règlement MiCA : il s'agit de l'extension aux transferts de cryptoactifs des règles en matière de lutte contre le blanchiment qui s'appliquent actuellement aux transferts de capitaux.

Pour l'Association pour le développement des actifs numériques (Adan), ces "deux textes réglementaires majeurs vont changer le visage de l'industrie crypto-européenne" car ils constituent "un pas vers l'harmonisation des règles au sein des marchés européens" afin de "mieux protéger ses citoyens tout en luttant efficacement contre la criminalité financière".

L'UE a aussi décidé de s'atteler aux stablecoins dont les émetteurs devront constituer une réserve suffisamment liquide et chaque détenteur pourra "se faire rembourser à tout moment et gratuitement par l'émetteur".

En mai, les développeurs du stablecoin Terra avaient arrêté l'algorithme qui assurait sa stabilité face au dollar après un plongeon du cours.

Ce projet de cadre légal arrive dans un contexte de crise sur le marché des cryptoactifs: le bitcoin a perdu 70% depuis son sommet historique de novembre 2021 et l'ensemble du marché ne vaut plus que 900 milliards de dollars, deux tiers moins qu'à son apogée, selon le site Coingecko.

Ailleurs dans le monde, d'autres régulateurs se penchent sur le secteur des cryptoactifs. Aux États-Unis, c'est jusqu'ici le gendarme américain des marchés, la SEC, qui a pris la main sur le dossier, mais sous un angle essentiellement répressif, et plusieurs dizaines de propositions de loi ont été déposées au Congrès américain ces derniers mois.

Plus extrême, la Banque centrale de Chine a en septembre déclaré illégales toutes les transactions en cryptomonnaies.

L'accord provisoire doit encore être approuvé par le Conseil et le Parlement européen avant d'entrer en vigueur.

afp/rp