(Actualisé avec précisions, contexte et réactions)

* Trente-huit personnes tuées mercredi, selon l'émissaire de l'Onu

* Les forces birmanes ont tiré à balles réelles dans plusieurs villes

* Le parti d'Aung San Suu Kyi décide de mettre les drapeaux en berne

* Le Conseil de sécurité examinera la situation en Birmanie vendredi, selon des diplomates

4 mars (Reuters) - Les activistes pro-démocratie sont de nouveau descendus dans la rue jeudi en Birmanie pour protester contre le coup d'Etat militaire du 1er février, au lendemain de la journée la plus sanglante depuis le début des manifestations, lors de laquelle 38 personnes ont été tuées selon le bilan de l'Onu.

D'après la presse locale, la police a ouvert le feu jeudi matin pour disperser des manifestants à Pathein, ville située à l'ouest de Rangoun. Aucune victime n'a été signalée dans l'immédiat.

Faisant fi du danger, les activistes disent ne pas vouloir vivre sous le règne de la junte militaire et sont déterminés à continuer de faire pression pour obtenir la libération de la dirigeante démocratiquement élue, Aung San Suu Kyi, et la reconnaissance de la victoire du parti de celle-ci lors des élections législatives de novembre dernier.

"Nous savons que nous pouvons nous faire tirer dessus et être tués par balle, mais il n'y a aucun sens à rester en vie sous la junte", a dit un militant, Maung Saungkha, à Reuters.

En certains points de Rangoun, la principale ville birmane, les manifestants ont érigé des barricades et déployé des draps pour bloquer la mire des policiers.

D'importants rassemblements, pacifiques, ont également eu lieu dans d'autres villes du pays, notamment dans la région de Mandalay, à proximité du site archéologique bouddhique de Bagan, où des centaines de personnes ont défilé avec des photos d'Aung San Suu Kyi et une banderole appelant à sa libération, ont rapporté des témoins.

Cinq avions de combat ont survolé Mandalay jeudi matin, ont raconté des habitants.

D'après des témoins, la police et l'armée ont tiré mercredi à balles réelles sur les protestataires dans plusieurs villes.

"Aujourd'hui est le jour le plus sanglant depuis que le coup d'Etat s'est produit le 1er février. Nous avons eu aujourd'hui - dans la seule journée - 38 morts. Nous avons maintenant dénombré plus de 50 morts depuis le coup d'Etat et de nombreux blessés", a déclaré mercredi à New York l'envoyée spéciale des nations unies pour la Birmanie, Christine Schraner Burgener.

Le président français Emmanuel Macron a appelé pour sa part mercredi soir à la fin immédiate de la répression en Birmanie.

"VIOLENCE GRATUITE"

Richard Weir, chercheur à Human Rights Watch, estime que les forces de sécurité en Birmanie semblent désormais déterminées à mettre fin au mouvement de contestation en se livrant à de la "violence gratuite" et des "brutalités".

D'après l'ONG, un homme en garde à vue semble même avoir été abattu dans le dos.

Sollicité, le porte-parole du conseil militaire au pouvoir n'a pas répondu aux demandes de commentaire.

La Ligue nationale pour la démocratie (LND), le parti d'Aung San Suu Kyi a déclaré dans un communiqué que des drapeaux seraient mis en berne dans ses bureaux pour commémorer les victimes de la répression.

Le Conseil de sécurité de l'ONU doit se pencher vendredi sur la situation en Birmanie à l'occasion d'une réunion à huis clos, ont indiqué des diplomates.

Le rapporteur spécial de l'Onu, Tom Andrews, a estimé que la "brutalité systématique" de l'armée est désormais démontrée et il a exhorté les membres du Conseil de sécurité à regarder les images des scènes de violence.

Le porte-parole du département d'Etat américain, Ned Price, a déclaré que Washington était "consterné" par la violence et étudiait une réponse appropriée.

Les Etats-Unis souhaitent notamment que la Chine, qui a refusé de condamner le pustch du 1er février, joue un rôle constructif en Birmanie, a-t-il dit.

L'Union européenne a souligné pour sa part que des tirs sur des civils non armés et le personnel soignant constituaient une violation manifeste du droit international. L'UE a également dénoncé l'emprise accrue de l'armée sur les médias.

(Bureaux de Reuters; rédigé par Ed Davies et Robert Birsel; version française Jean Terzian et Claude Chendjou, édité par Jean-Stéphane Brosse)