Retour sur le le parcours de bitcoin et de l’ether

En 2024, bitcoin (BTC) s’est comporté comme un bulldozer. Le roi du Web3 a vu son prix passer de 44 000 $ à près de 95 000 $ en douze mois, soit une progression de +120%. L'ether (ETH), pourtant porté par de multiples catalyseurs (améliorations du protocole, narratifs DeFi, mise à jour Dencun), n’a progressé “que” de +55%, passant de 2 350 $ à environ 3 350 $.

Cette différentielle de performance s’est traduite par une chute nette du ratio ETH/BTC, qui est passé de 0,05 à environ 0,035 entre janvier et décembre. En clair, même si ETH montait, il se faisait dépasser par un bitcoin plus rapide, plus massif, plus recherché. L’année 2025 a mal commencé pour toute l’industrie. Début janvier, la décision de Donald Trump de rétablir des droits de douane massifs sur une large gamme de produits importés provoque une onde de choc sur tous les actifs risqués. Les bourses chutent, les matières premières se replient, et la crypto encaisse de plein fouet. Mais dans cet orage macroéconomique, si on exclut les stablecoins, bitcoin joue le rôle de valeur refuge dans l’écosystème crypto.

Du 1er janvier au 31 mars 2025, le prix du BTC recule de -11,8%, passant de 94 000 $ à environ 82 500 $. Pendant ce temps, Ethereum plonge : -45%, passant de 3 336 $ à 1 805 $ sur la même période. En trois mois, ETH efface l’intégralité de ses gains 2024. Ces derniers jours, sur fond d’apaisement sur le plan macroéconomique, l’ether a regagné du terrain en passant de 1 800 à 2 500 dollars en l’espace d’une semaine, mais il se négocie toujours 47% en dessous de son sommet historique de 2021.Voyons les principales raisons de cette contre-performance. 

BTC vs ETH - Depuis janvier 2024
Zonebourse

Adoption institutionnelle et flux d’investissement

Le 10 janvier 2024 marque une date clé : la SEC américaine approuve enfin les premiers ETF spot adossés à du bitcoin physique. Une révolution réglementaire qui permet aux investisseurs traditionnels de s’exposer au BTC sans passer par un échange crypto. BlackRock, Fidelity, Ark Invest… les géants de la gestion d’actifs se ruent sur ces produits. Résultat : des milliards de dollars d’entrées nettes, une explosion des encours sous gestion, et un BTC qui s’envole jusqu’à atteindre un nouveau sommet dès mars 2024.

Les flux dans les ETF Bitcoin Spot
SoSo Value

L'ether, lui, arrive plus tard à la fête. Ce n’est qu’à l’été 2024 que la SEC commence à approuver des ETF spot adossés à l’ETH. Plusieurs fonds sont validés, mais avec des restrictions importantes : absence de staking le staking consiste à verrouiller des cryptomonnaies (comme l’ETH) dans un protocole blockchain pour valider des transactions et sécuriser le réseau, en échange de récompenses pour éviter les débats juridiques, montants limités, stratégies prudentes. Fin 2024, les ETF ETH ne rassemblent qu’environ 6 milliards de dollars d’actifs sous gestion, bien loin des dizaines de milliards drainés par les ETF Bitcoin.

Flux dans les ETH Ethereum Spot
SoSo Value

Au-delà des chiffres, la dynamique psychologique est palpable. Bitcoin est désormais vu comme une réserve de valeur régulée, sûre et désormais légitimée. L'ether, lui, reste en zone grise. Son statut juridique aux États-Unis n’est pas clairement tranché entre "commodity" et "security". Cette incertitude réglementaire freine certains gestionnaires d’actifs qui préfèrent se tourner vers l’actif roi.

Les données on-chain confirment cette tendance. Selon CryptoQuant, entre février et mai 2025, plus de 400 000 ETH ont quitté les portefeuilles institutionnels (fonds, ETF…). En parallèle, le nombre d’ETH en staking, après avoir culminé à 35 millions en novembre 2024, est redescendu à 34,4 millions début 2025. Une baisse modeste, mais révélatrice : certains gros détenteurs réduisent leur exposition.

Même sur le terrain de l’adoption concrète, Ethereum souffre. Le rebond de la DeFi en 2024 n’a pas suffi à soutenir durablement l’activité sur le réseau. La TVL (TVL = La valeur totale verrouillée en dollars dans les applications décentralisées d'une blockchain) d’Ethereum chute de 35 % au T1 2025, principalement sous l’effet de la baisse du prix de l’ETH. Sa part de marché dans la finance décentralisée (DeFi) passe de 63 % à 53 %, grignotée par Solana, Arbitrum et consorts. Les NFT ? Toujours en sommeil depuis 2022. Le staking ? En léger reflux. Les Layer 2 ? En forte croissance, mais cela ne profite pas directement à l’ETH comme actif.

TVL par blockchain
DefiLlama

Évolutions technologiques (scalabilité, Ethereum 2.0, Layer 2, etc.)

Depuis “The Merge” en septembre 2022, Ethereum a initié la mue technique la plus ambitieuse de son histoire. Le passage de la preuve de travail (Proof of Work), gourmande en énergie, à la preuve d'enjeu (Proof of Stake) qui a drastiquement réduit la consommation électrique du réseau pour fonctionner a marqué un tournant : l’émission d’ETH sur le réseau a chuté drastiquement, la consommation énergétique s’est effondrée, et l’avenir du protocole s’est peu à peu dessiné autour de la scalabilité, c’est-à-dire la capacité d'une blockchain à traiter un grand nombre de transactions rapidement et à faible coût, sans compromettre sa sécurité ni sa décentralisation.

Nombre d'ethers crées depuis 2015
Etherscan

En avril 2023, la mise à jour "Shanghai" a permis le retrait des ETH stakés ("stakés" signifie que des ETH ont été immobilisés (mis en dépôt) par des utilisateurs pour participer à la validation des transactions sur la blockchain Ethereum, en échange de récompenses), jusque-là verrouillés. 

Et un an plus tard, en mars 2024, Ethereum déploie “Dencun”, une fusion des mise à jours (“hard forks” pour les initiés) Cancun et Deneb, ce qui pose les bases du sharding à venir (le sharding est une technique qui vise à diviser la blockchain en sous-réseaux appelés "shards", afin de traiter plusieurs transactions en parallèle et ainsi améliorer la scalabilité d’Ethereum) et optimise les données utilisées par les solutions en seconde couche (Layer 2), abaissant sensiblement les frais de transaction.

Ce progrès, salué techniquement, a toutefois entraîné une conséquence économique inattendue : une chute vertigineuse du burn d’ETH. Le "burn d’ETH" désigne la destruction volontaire d’une partie des frais de transaction payés en ether (ETH), ce qui réduit l’offre totale en circulation.

Depuis l’EIP-1559 (août 2021), Ethereum brûle une partie des frais de transaction, rendant son offre potentiellement déflationniste. Mais en 2024, avec des frais fortement abaissés, le volume d’ETH détruit s’est effondré. Résultat : l’offre totale est repartie à la hausse, de +0,3 à +0,5 % sur l’année, un contre-pied à la promesse de l’"ultra-sound money" Le concept d’"ultra sound money" désigne une cryptomonnaie, comme l’ether (ETH), dont l’offre devient déflationniste (elle diminue avec le temps), ce qui la rend encore plus rare que l’or ou le bitcoin, souvent qualifiés de "sound money".

Parallèlement, les solutions Layer 2 telles qu’Arbitrum, Optimism ou Base ont décollé. Leurs volumes explosent, captant une part croissante du trafic et des usages d’Ethereum. Si cela désengorge la chaîne principale, cela limite également les revenus de celle-ci : moins de transactions, moins de frais, moins d’ETH brûlés. Le paradoxe d’Ethereum se dessine : plus il se modernise, moins son jeton en profite directement.

Les données on-chain en témoignent. En 2024, malgré une hausse des prix crypto, le nombre de transactions et d’adresses actives sur Ethereum reste à des niveaux stagnants. L’engagement sur la couche de base ne retrouve pas l’effervescence de 2021, et la valeur capturable par ETH semble décrochée de l’essor de son écosystème.

Nombre de nouvelles adresses sur Ethereum
Glassnode

Face à cette complexité technico-économique, Bitcoin joue une partition inverse. Sa stratégie est celle de la continuité : aucune mise à jour majeure depuis Taproot en 2021, aucun changement de consensus. Bitcoin reste la référence de la preuve de travail, stable, prévisible, rassurante pour les investisseurs traditionnels. Mais la feuille de route pour Ethereum est encore longue et pourrait, peut-être bien, attirer de nouveau massivement les utilisateurs et les investisseurs. Un point complet sur l'avenir d'Ethereum à retrouver très vite dans les colonnes de Zonebourse.