Depuis le rallye massif faisant culminer le cours du bitcoin à hauteur de 69000$ le 10 novembre, le cours a chuté de près de 40% depuis ce plus haut historique, en affichant un prix de 41 100$ au réveil ce samedi 4 décembre. Le pancake du matin a eu une autre saveur pour certains lors du petit-déjeuner. La capitalisation boursière du marché des cryptomonnaies a elle aussi encaissé le choc depuis son plus haut de novembre. Après avoir tout juste atteint un poids de 3000 milliards de dollars, le régime de ce week-end entre autres, l’a fait dégringoler à 2200 milliards de dollars à l’heure actuelle.

Des liquidations punitives

Selon Coinglass, en 24 heures, 80% des liquidations étaient des positions longues sur les plateformes d’échange. Ce n’est pas moins de 2,5 milliards de dollars de positions qui ont été liquidées en une journée sur l’ensemble du marché des crypto-actifs : 

Total Liquidations
Source : Coinglass

Le marché à terme Bitcoin est le temple de l'appât du gain. L'effet de levier allant jusqu’à 125 sur différentes plateformes peut provoquer des réactions en chaîne à l’image du bain de sang de ce weekend. Les contrats à terme sont des produits dérivés qui permettent aux investisseurs d’acheter un actif à un prix convenu, à une date future. En revanche, grâce à l’effet de levier, une petite quantité de capital initial permet d’obtenir une exposition à un actif nettement plus élevée que le montant nominal. Autrement dit, les investisseurs se risquant à ce type de contrat, leur permet de mettre en place un capital de base plus faible pour récolter des récompenses plus élevées, tant que le prix de l’actif monte. Cependant, si les prix chutent, les investisseurs peuvent se débarrasser de leurs positions afin de minimiser les pertes, avant de se faire liquider à cause de l’effet de levier initialement engagé. Car oui, si l’effet de levier permet d’augmenter la taille de sa position initiale, la contrepartie est le risque de se voir liquider sa position à différents prix en fonction de la taille de l’effet de levier. L’augmentation du nombre de contrats à terme des dernières semaines et le risque de liquidation inhérent à ces contrats ont créé des ventes de panique lors de la baisse du cours, autrement dit, les traders ont cherché à quitter le navire avant qu’il ne soit trop tard (même si visiblement beaucoup d’entre eux ont coulé avec le rafiot). 

Prenons du recul : facteurs exogènes

Premièrement, la fin d’année arrive à grands pas et les investisseurs qui ont investi sur le marché des cryptomonnaies sont susceptibles d’engranger une partie des bénéfices avant la période des fêtes. 

Deuxièmement, bien que les gouvernements réfléchissent sur les questions de la régulation des actifs numériques, d’un point de vue international rien n’est fixé de manière homogène quant à l’interdiction ou l’adoption généralisée des crypto-devises. Entre le Salvador qui adopte le bitcoin comme monnaie légale, la Chine qui interdit le minage de cryptomonnaies mais en même temps développe sa propre monnaie numérique de banque centrale et les ETF Bitcoin qui fleurissent, entre autres, font que l'échiquier mondial de l’adoption des cryptomonnaies est hétérogène et donc sème le doute chez les investisseurs. 

Troisièmement, les craintes autour du variant Omicron et notamment les potentielles restrictions qu’il pourrait engendrer ont un impact négatif sur le marché boursier et donc par répercussion sur les actifs numériques. 

Cette liste non exhaustive ne prend pas en compte les facteurs endogènes du marché des cryptomonnaies, comme l’offre et la demande, le changement d’opinion dans les différentes communautés, les limites d’utilisation des différentes blockchains, les conditions de minage des cryptos etc.

Une chute à relativiser

Les investisseurs de longue date sur le marché des actifs numériques sont bien conscients du risque de volatilité extrême inhérent aux cryptomonnaies. Le marché offre tout de même une hausse de près de 180% depuis le 1er janvier malgré la récente chute de ce weekend. Du côté du bitcoin, depuis la chute du cours du krach Covid de mars 2020, le jeton a gagné plus de 1000%, et sur l’année 2021 plus de 60%. Faisons un tour d’horizon des chutes du cours de plus de 20% depuis le krach du Covid. 

Chutes du cours de plus de 20% sur le jeton BTC (Unité de temps hebdomadaire depuis mars 2020)
Source : ProRealTime

On remarque que régulièrement, le cours a tendance à “fortement retracer”. Ces baisses relativement fortes ont pour conséquence de créer des vents de panique importants, mais lorsque nous dézoomons, ces baisses sont finalement accompagnées de hausses bien plus importantes. 

L’analyse des données “on-chain”

En plus du prix, l’analyse des données sur la blockchain Bitcoin permet de compléter les tendances du prix. Place au graphique et nous commentons après.

Accumulation de pièces Bitcoin des détenteurs à court terme (1j - 6 mois / 2009 - 2021)
Source : Glassnode

Sur ce graphique nous observons que globalement l’omniprésence des détenteurs à court terme de Bitcoin, c'est-à-dire l'âge des pièces comprises entre 1 jour et 6 mois, se positionne relativement proche des pics du prix. Autrement dit, beaucoup de nouveaux investisseurs viennent se positionner aux niveaux des nouveaux sommets du cours du Bitcoin. A l’heure actuelle on remarque que ces pièces représentent moins 50% des jetons en circulation, ce qui est bien loin des pics des précédents marchés haussiers. On observe que plus de 70% des pièces en période d’euphorie haussière ont une durée de vie de moins de 6 mois, contrairement aux périodes de baisse où la tendance s’inverse complètement.

Accumulation de pièces Bitcoin des détenteurs à long terme (6 mois - 10 ans entre 2009 et 2021)
Source : Glassnode

La tendance est clairement inversée pour ces détenteurs de longue durée. Pendant les périodes obscures du cours du Bitcoin, les détenteurs à long terme accumulent de l’offre, alors que pendant les périodes d’euphorie, les vieilles mains distribuent leurs pièces coûteuses entre les mains des taureaux spéculateurs (ce qui permet de retourner la tendance en faveur des ours, vendant des pièces bon marché à perte). Un comportement complètement inversé par rapport aux jeunes mains comme on a pu le voir précédemment. Nous pouvons constater que le modus operandi de la “smart money” est similaire au fil du temps : accumuler de l’offre bon marché dans les phases de “bear market” pour réaliser des bénéfices des mois/années plus tard dans les phase d’euphorie de “bull market”. A l’heure actuelle, et en gardant en perspective les données du passé, on remarque que ces vieilles mains accumulent des jetons, alors que lors des précédents pics haussiers, cette accumulation est très très faible.

En guise de conclusion, que pouvons-nous déduire du fort mouvement baissier de ce weekend ? Comme nous l’avons vu, l'appât du gain lié aux contrats à terme sur les cryptos ont eu pour conséquence de faire fondre le prix du bitcoin à vitesse grand V par l’effet des liquidations. Les facteurs exogènes rendent sceptiques les acteurs du marché quant à la poursuite de la tendance sur les cryptomonnaies après un marché haussier de grande ampleur depuis le début de l’année. L’analyse on-chain des données Bitcoin nous permet de relativiser ces chutes si nous la comparons avec les données du passé, en mesurant les comportements des acteurs à court et long terme actuels. Finalement nous avons l’impression que le marché est tiraillé dans tous les sens entre la peur d’Omicron, la punition des trader-rêveurs, le flou juridique des cryptomonnaies et la smart money qui accumule des jetons dans la panique. Nous ne sommes toujours pas à l'abri des réactions en chaîne des liquidations sur les marchés à terme… Et certains y verront une opportunité d’achat pendant que d’autres y verront, peut-être, le début d'un grand cycle baissier.