Paris (awp/afp) - Le taux à dix ans de l'Italie a continué à souffrir mercredi des frictions au sein de son gouvernement, sur un marché de la dette par ailleurs recherché du fait des tensions commerciales et donc en pleine détente.

"Les déclarations de Matteo Salvini qui assume de ne pas respecter les règles budgétaires européennes ont engendré du stress sur la dette italienne", a observé auprès de l'AFP Eric Vanraes, gérant obligataire de la banque suisse Eric Sturdza.

Et selon lui, "il est encore plus marqué sur les échéances de court terme et donc sur la question du financement du pays à brève échéance".

La poussée du rendement italien a en effet débuté avec des propos du vice-Premier ministre italien, Matteo Salvini, en marge d'un déplacement à Vérone (nord).

"Nous dépenserons tout ce que nous devons dépenser jusqu'à ce que nous arrivions à un taux de chômage de 5%, et si quelqu'un à Bruxelles n'est pas content, ce n'est pas notre problème", a-t-il affirmé mardi en se disant même prêt à s'affranchir de la limite des 3% de déficit public ou des 130-140% de dette par rapport au PIB.

La réaction du patron du Mouvement 5 étoiles (MS5, antisystème), Luigi Di Maio, l'autre vice-Premier ministre, ne s'est pas fait attendre: "il me semble irresponsable de faire augmenter le spread en parlant de dépasser le rapport dette/PIB".

"Avant de tirer sur la dette/PIB, mettons-nous à réduire tout ce qui n'a pas encore été réduit ces dernières années en terme de dépenses inutiles et de grande évasion (fiscale)", a-t-il ajouté.

M. Salvini, en pleine campagne électorale, a surenchéri: "il faut" dépasser les 3%, "c'est mon devoir, c'est mon droit de dépasser les règles européennes qui sont en train d'affamer les familles italiennes".

Le ministre de l'Economie, Giovanni Tria, a tenté de calmer les esprits en rappelant que "le gouvernement était au travail" pour que les objectifs, proposés par le gouvernement et approuvés par le Parlement, "soient atteints dans le cadre d'une politique de soutien à la croissance et à l'emploi".

Elections européennes proches

Cet échange vif s'est répercuté sur le marché de la dette et le taux d'emprunt à dix ans de l'Italie a poursuivi son ascension à 2,744% contre 2,727% la veille. Et l'écart avec l'Allemagne (spread) s'est amplifié à 284 points de base, après être monté jusqu'à 291, soit son plus haut niveau depuis novembre 2018.

"Cela s'inscrit dans un contexte électoral qui pèse. Nous sommes dans la dernière ligne droite avant les élections européennes et cela se traduit par un durcissement des discours", a noté M. Vanraes.

L'écart entre l'Italie et le reste du marché a en outre été accentué du fait que les actifs obligataires sont privilégiés ces derniers temps par des investisseurs inquiets des tensions commerciales entre la Chine et les Etats-Unis.

"Les inquiétudes sur l'Italie viennent s'ajouter à celles sur le commerce. Et cela a d'ailleurs relégué au second plan des chiffres meilleurs que prévu de la croissance allemande", selon M. Vanraes.

Négociateurs américains et chinois se sont séparés la semaine dernière sans accord. Mais le président américain a toutefois distillé une note d'espoir en évoquant une rencontre potentiellement "fructueuse" avec son homologue chinois lors du sommet du G20 au Japon fin juin.

A 18H00 (16H00 GMT), le taux d'emprunt à 10 ans de l'Allemagne a baissé à -0,100% contre -0,072% mardi à la clôture du marché secondaire, où s'échange la dette déjà émise.

Celui de la France a suivi la même trajectoire à 0,301% contre 0,324%, tout comme celui de l'Espagne à 0,949% contre 0,966%.

Le taux d'emprunt à 10 ans du Royaume-Uni a baissé à 1,066% contre 1,099%.

Aux États-Unis, le rendement à 10 ans refluait à 2,384% contre 2,410%, à l'instar de celui à 30 ans à 2,827% contre 2,849%. Celui à deux ans s'établissait de son côté à 2,172% contre 2,197%.

afp/rp