Paris (awp/afp) - La France a augmenté de 5 milliards d'euros, à 200 milliards, le montant de la dette qu'elle veut émettre sur les marchés financiers en 2019, un nouveau record destiné à financer le creusement du déficit budgétaire lié aux mesures prises face à la crise des "gilets jaunes".

"La taille du programme d'émission moyen-long terme n'est pas classique puisqu'il s'agit du plus gros programme d'émission jamais réalisé" par la France, a commenté jeudi lors d'un point presse Anthony Requin, directeur général de l'Agence France Trésor (AFT), chargée de placer la dette du pays sur les marchés.

Mais "ces 5 milliards supplémentaires ne sont pas dramatiques quand vous voyez la taille du programme de financement de l'État" a-t-il relativisé, ajoutant qu'il n'était "pas évident d'identifier une dégradation de la qualité de crédit de la France à ce stade".

Pour autant, l'année 2019 va être "compliquée" car "nous n'avons pas une très belle visibilité sur l'environnement macroéconomique, qui comprend beaucoup de nuages", a admis M. Requin.

Ce montant record de 200 milliards d'euros d'obligations à émettre, contre 195 milliards annoncés en septembre comme en 2018, doit permettre de combler une nouvelle augmentation des besoins de financement de l'État, qui correspondent principalement aux dettes arrivant à échéance et au déficit pour l'année, passés à 236,6 milliards d'euros l'an prochain, contre 227,6 milliards d'euros estimés en septembre et 197,2 milliards en 2018, a précisé l'AFT.

Une différence de 9 milliards d'euros imputable à un creusement du déficit budgétaire de l'État, qui devrait, selon l'AFT, s'établir désormais à 107,7 milliards d'euros l'an prochain, alors qu'il était évalué à 98,7 milliards d'euros en septembre, contre 80 milliards en 2018.

Le président français Emmanuel Macron a annoncé en décembre plusieurs mesures, évaluées à quelque 10 milliards d'euros, afin d'apaiser la crise des "gilets jaunes", qui devraient conduire la France à un déficit public de 3,2%, au-delà du fameux seuil des 3,0% fixé par les règles européennes.

Creusement du déficit

Pour financer ce nouvel accroissement du déficit, l'AFT prévoit, outre le recours à 5 milliards d'euros d'émissions de dette supplémentaires, de mobiliser 4 milliards de trésorerie en plus par rapport à ce qu'elle avait anticipé il y a deux mois.

La France doit également financer l'amortissement de sa dette, qui correspond au rachat de dettes arrivant à échéance, à hauteur de 130,2 milliards d'euros, dont 29,7 milliards de rachats de titres arrivant à échéance en 2019.

Pour ce faire, outre les 200 milliards d'euros d'émissions obligataires nets des rachats de dette désormais prévues en 2019, l'AFT aura recours, comme déjà annoncé, à une augmentation de 15 milliards d'euros de l'encours de sa dette à court terme et de 11 milliards des dépôts des correspondants du Trésor, comme par exemple le Fonds pour l'innovation.

Le Trésor a des correspondants qui viennent faire des dépôts à long terme, comme les collectivités locales notamment, ce qui leur vaut une rémunération contractuelle et constitue autant de dette à ne pas émettre.

"Si la confiance demeure sur la dette française, il n'y a pas de raison qu'il y ait de fortes variations de taux" d'intérêt, a encore estimé M. Requin, se disant "plutôt confiant sur l'attitude des investisseurs étrangers".

"Nous sommes concentrés sur ce qui se passe en France mais il ne faut pas perdre de vue la situation globale sur les marchés internationaux de capitaux avec une inquiétude sur la force de la croissance mondiale et d'éventuels signes de ralentissement (...), qui a occasionné des dégagements depuis les actifs risqués comme les actions vers l'obligataire", a rappelé M. Requin.

"Ce choc à la baisse" sur les taux d'intérêt des obligations américaines "s'est partiellement transmis" aux obligations européennes, a-t-il complété.

Mais dans l'écartement entre les taux allemands et français à dix ans ("spread") observé depuis quelques semaines, "il est difficile de faire la part de ce qui résulte du mouvement de fuite vers la qualité, d'un facteur idiosyncratique qui pourrait être une petite inquiétude (sur la dette française), soit liée au phénomène du mouvement des gilets jaunes soit à l'anticipation par le marché d'un déficit budgétaire plus important", a expliqué M. Requin.

afp/jh