par Raoul Sachs

Le paysage boursier se modifie peu à peu depuis que la directive européenne sur les marchés d'instruments financiers (MIF) est entrée en vigueur dans l'Union européenne en novembre 2007. Cette directive met fin au monopole des Bourses traditionnelles et oblige les intermédiaires à faire la preuve de la "meilleure exécution" (best execution) des ordres de leurs clients en allant notamment chercher la plate-forme qui offre le meilleur prix.

Mais, pour l'instant, les Bourses traditionnelles conservent l'essentiel de la liquidité.

La méga panne informatique qui a paralysé pendant sept heures lundi le London Stock Exchange n'a paradoxalement pas profité aux MTF comme Chi-X ou Turquoise qui ont vu leurs volumes d'activité décroître ce jour-là, illustrant ainsi la grande prudence des intervenants vis-à-vis de ces nouveaux acteurs.

"Les MTF grignotent des parts de marché mais plus de 90% du volume se fait sur les marchés traditionnels", rapporte Dominique Ceolin, président d'ABC Arbitrage, qui estime qu'il est encore trop tôt pour juger de la pertinence ou non des MTF.

Une des principales caractéristiques des MTF déjà en place, comme Chi-X - déjà opérationnelle en novembre 2007 - ou Turquoise - en vitesse de croisière depuis le début septembre - est d'offrir sur une seule plate-forme électronique la négociation d'actions cotées sur plusieurs marchés européens avec des tarifs très concurrentiels et des cotations à la troisième décimale.

Si les grandes Bourses traditionnelles, LSE, Deutsche Börse ont réagi classiquement en abaissant leurs tarifs, Nyse-Euronext a riposté de manière plus agressive en diversifiant son offre et ses services pour couvrir toute la gamme des plates-formes et des services permis et réglementés par la MIF.

Dernière initiative de Nyse-Euronext : le lancement en novembre d'une MTF paneuropéenne permettant de négocier à terme toutes les grandes valeurs (blue chips) des principaux grands indices européens, au-delà des marchés cash d'Euronext (Amsterdam, Bruxelles, Lisbonne et Paris).

"Le lancement de la MTF est prévu pour novembre 2008, avec l'introduction progressive d'actions pan-européennes (...), qui comprendra la couverture de tous les composants des principaux indices qui ne sont pas encore cotés sur les marchés d'Euronext", a indiqué NYSE Euronext.

TURQUOISE EN PISTE

Elle compte coter sur son MTF, qui fonctionnera avec un carnet d'ordre central, quelque 300 composants des indices phares des Bourses européennes.

Turquoise, créée par neuf des plus grandes banques d'investissement de la planète qui font environ 50% du volume quotidien sur les actions européennes, pourrait devenir un sérieux concurrent des Bourses traditionnelles. Ses actionnaires sont : Goldman Sachs, Merrill Lynch, Citigroup, Morgan Stanley, Deutsche Bank, Crédit suisse, UBS, BNP Paribas et Société générale.

Depuis le début septembre, 1.267 valeurs cotées sur 13 marchés européens peuvent être négociées sur Turquoise dont environ 270 sont négociées en toute transparence sur les prix et les volumes et un millier en "darkpool", a précisé Duncan Higgins, responsable de la relation client.

Turquoise vise une part de marché de 5% en Europe d'ici à la fin de l'année.

Les "darkpools" sont des MTF de négociation de gros blocs d'actions réservés aux investisseurs institutionnels et qui leur garantissent un total anonymat. La MIF n'impose pas de publicité immédiate des prix et des volumes.

NYSE Euronext, avec HSBC et BNP Paribas, a créé un "darkpool" dénommé "Smartpool" qui doit être opérationnel très prochainement et qui offrira à la négociation des institutionnels des valeurs cotées sur 14 marchés européens.

Lancée en mars 2007, Chi-X est la première MTF qui existait lors du lancement de la MIF et cote les indices phares de 11 bourses européennes. Depuis novembre dernier, sa part de marché a progressé. Chi-X revendique une part de marché d'environ 20% sur le Footsie et d'environ 15% en Europe continentale.

Chi-X a été la première plate-forme à offrir des prix avec trois décimales. NYSE Euronext a suivi depuis début septembre.

Nasdaq OMX Europe cote depuis le 26 septembre 25 valeurs du FTSE 100 et, à partir du 3 octobre, l'intégralité des FTSE 100 et FTSE 250, 20 valeurs nordiques de quatre marchés : de l'indice OMX20 danois, l'OBX25 norvégien, l'OMXS30 de Stockholm, et l'OMCH25 finlandais. Fin octobre, les valeurs de tous les grands indices à l'exception de l'Irlande, de la Suisse, de l'Espagne et de l'Italie dont le calendrier de couverture n'est pas encore fixés.

L'américain BATS va lancer son MTF européen en novembre et couvrira aussi les principaux indices européens.

Si la négociation est ouverte à la concurrence, l'atomisation de la compensation et du règlement-livraison en Europe reste un obstacle à la "meilleure exécution". Chacune des MTF a le sien de même que les Bourses traditionnelles.

Pour sa nouvelle MTF "blue chips", NYSE Euronext cherche un partenaire capable de compenser sur une base paneuropéenne.

"NYSE Euronext n'a pas encore choisi de chambre de compensation, mais le choix se portera sûrement sur une chambre de compensation pan-européenne (EuroCCP ou EMCF). Nous sommes à l'étape de la discussion", a déclaré à Reuters, Cees Vermaas, directeur générale des ventes Europe de la société de marché.

Edité par Jacques Poznanski