Les ministres des Affaires européennes des Vingt-Sept, réunis mardi à Bruxelles, ont adopté leur mandat commun de négociation.

A Londres, le gouvernement britannique a de son côté validé mardi son propre mandat de négociation, qui sera publié jeudi.

Un premier cycle de discussions aura lieu de lundi à jeudi à Bruxelles et un autre se déroulera à Londres dans le courant du mois de mars, a dit le négociateur européen Michel Barnier, en précisant que l'UE souhaitait lancer 10 groupes de négociations parallèles sur des thèmes tels que le commerce, la sécurité ou la politique étrangère.

"Ce seront des négociations complexes, exigeantes, très difficiles", a-t-il déclaré, en insistant sur le calendrier serré pour tenter de parvenir à un accord, Londres refusant de faire durer les négociations au-delà de fin 2020.

Le Royaume-Uni a quitté officiellement l'UE le 31 janvier dernier après trois ans de discussions délicates qui n'ont pas permis d'aboutir à une solution définitive sur la question de la frontière entre l'Irlande du Nord et la République d'Irlande -seule frontière terrestre entre le bloc et le Royaume-Uni - et la façon d'éviter le rétablissement d'une séparation physique susceptible de réveiller les tensions communautaires.

Alors que Bruxelles et Londres tiennent un discours ferme à l'approche du début du premier cycle de négociation lundi prochain, l'Irlande a prévenu que même un accord commercial basique pourrait s'avérer impossible à conclure d'ici à la fin de l'année si Londres ne respectait pas ses engagements aux termes de l'accord de retrait.

"RESTAURER NOTRE INDÉPENDANCE", DIT-ON À LONDRES

"S'il n'y a pas de progrès sur les infrastructures nécessaires (...) dans les prochains mois, cela sera un très mauvais signal sur la probabilité de parvenir à un accord raisonnable d'ici à la fin de l'année", a déclaré à la presse le ministre irlandais des Affaires étrangères Simon Coveney à son arrivée à Bruxelles.

"L'objectif principal du Royaume-Uni dans ces négociations est de s'assurer que nous puissions restaurer notre indépendance économique et politique au 1er janvier 2021", a pour sa part rappelé le porte-parole du Premier ministre britannique Boris Johnson.

Selon l'accord complexe de séparation, l'Irlande du Nord reste dans la zone douanière britannique mais les biens en provenance du reste du Royaume-Uni transitant par ce territoire et à destination de l'Irlande ou du reste de l'UE se verraient appliquer des tarifs douaniers.

Le mandat adopté par les Vingt-Sept vise à préserver le Royaume-Uni - qui reste dans le cadre de l'union douanière et du marché unique jusqu'au 31 décembre - des quotas et des barrières douanières.

En échange, Londres s'engagerait à ne pas revoir à la baisse ses normes environnementales, sociales, fiscales et ses règles en matière d'aide publique.

Mais le gouvernement de Boris Johnson a déjà refusé de s'engager sur de telles bases, soulignant que son objectif prioritaire dans les négociations est "l'indépendance politique et économique".

"CONTRAINTE TEMPORELLE IMMENSE"

S'il s'avérait impossible de parvenir à un accord commercial complet, Londres se dit prêt à accepter à partir de 2021 des tarifs douaniers et des quotas comparables à ceux prévus dans l'accord qui unit l'UE et le Canada, voire des échanges commerciaux régis par les règles élémentaires de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), moins favorables.

"Si nous ne parvenons pas à maintenir cette proximité réglementaire, alors nous devrons (...) appliquer des tarifs ou des quotas", a déclaré aux journalistes la secrétaire d'Etat française chargée des Affaires européennes, Amélie de Montchalin.

"Il ne s'agit pas d'une vengeance, mais bien d'une position rationnelle sur le plan économique", a-t-elle ajouté.

De fait, le mandat de négociation européen précise que tout nouveau traité entre l'UE et le Royaume-Uni, du fait de la proximité géographique de ce dernier, devra "prévenir toute distorsion dans le commerce et tout avantage concurrentiel déloyal afin d'assurer une relation durable" entre les deux parties.

Le ministre néerlandais des Affaires étrangères Stef Blok a déclaré que les discussions s'annonçaient complexes.

"La contrainte temporelle est immense, les intérêts sont énormes, c'est un traité très compliqué donc ça va être très difficile", a-t-il déclaré.

La France, par la voix d'Amélie de Montchalin, a rappelé qu'il était "nécessaire de privilégier un bon accord plutôt que de se soumettre à la pression du temps", a précisé le Quai d'Orsay dans un communiqué.

A l'heure actuelle, l'UE est destinataire de 45% des exportations britanniques et le Royaume-Uni s'approvisionne auprès du bloc communautaire pour 53% de ses importations.

(Avec Jan Strupczewski, Elizabeth Piper et William James ; version française Nicolas Delame, Jean-Stéphane Brosse et Myriam Rivet, édité par Jean-Michel Bélot)

par Gabriela Baczynska et Marine Strauss