Selon cinq sources du secteur, des plans d'urgence sont déjà prêts afin de faire face à un mouvement de panique affectant les actions, les obligations et les devises dès le lundi 21 octobre. Et des traders se préparent à manger et dormir sur leur lieu de travail pour assurer une permanence 24 heures sur 24 à partir de cette date.

Les hauts dirigeants d'au moins deux grandes banques devraient se réunir dans des "salles de contrôle" dédiées au Brexit pour superviser les opérations financières et assurer la liaison avec les autorités de supervision.

La loi dite "Benn Act" adoptée par le parlement britannique le mois dernier prévoit que si Londres n'a pas conclu un accord avec les autres pays de l'UE lors du Conseil européen le 17 octobre, le Premier ministre, Boris Johnson, devra solliciter un report du Brexit au plus tard le 19 octobre.

Les députés se réuniront en séance extraordinaire ce jour-là - un samedi, alors que la Chambre des communes ne siège habituellement pas le week-end - pour débattre de la suite des événements.

Si Boris Johnson refuse de demander un report, le scénario du "no deal" sera alors l'issue la plus probable, expliquent les sources bancaires. Le lundi 21 octobre, premier jour ouvré suivant ce constat, pourrait donc être marqué par d'importants mouvements de marché.

PAS DE PANIQUE POUR L'INSTANT

"Tout le monde prend conscience du fait que l'ouverture des marchés le lundi matin sera un moment important du processus", a dit à Reuters un dirigeant bancaire d'un établissement de crédit international.

Des banques, des assureurs, des gérants de fonds et des plates-formes de transactions basées en Grande-Bretagne ont déjà installé des "hubs" hors de Grande-Bretagne afin d'assurer la continuité de leurs activités avec l'Union.

Même si aucun accord n'est conclu et aucun report demandé, les marchés pourraient craindre une démission du cabinet Johnson, un blocage entre le gouvernement et le Parlement ou encore des recours judiciaires sur le "Benn Act" susceptibles de secouer les marchés, explique un banquier.

Pour l'instant, les marchés ne montrent aucun signe particulier de panique, estimant à moins de 50% la probabilité d'un "no deal". La livre sterling évolue dans ses limites de fluctuation des dernières semaines et la volatilité implicite, une mesure des anticipations en matière de fluctuation des cours, reste contenue.

Une deuxième source d'une banque internationale a expliqué que des mesures étaient prêtes afin de faire face à d'éventuelles conditions de marché "cahoteuses" à partir du 21 octobre.

Alors que ce jour-là marque aussi le début des vacances scolaires d'automne en Grande-Bretagne, certaines banques ont demandé à leurs salariés d'être "raisonnables" en matière de congés et de voyages pendant cette période.

"Nous continuons de nous préparer à un scénario de Brexit dur, ce qui pourrait signifier des effectifs renforcés dans les salles de marché", explique la source.

La date officielle prévue du Brexit, le 31 octobre, étant un jeudi, de nombreux marchés européens seront ouverts le lendemain. Mais une partie des banques pourraient avoir changé d'autorité de tutelle dans la nuit, un basculement qui nécessiterait officiellement un week-end afin de permettre de procéder à des tests.

Autre difficulté potentielle: le 1er novembre étant férié dans plusieurs pays de l'Union, certains régulateurs pourraient ne pas être opérationnels ce jour-là, a prévenu l'AFME, l'Association des marchés financiers en Europe.

La Banque d'Angleterre a déclaré mercredi que les établissements de crédit, les assureurs, les courtiers et le système financier britannique dans son ensemble s'étaient préparés à un Brexit sans accord.

Cette issue pourrait provoquer une forte baisse des actifs financiers britanniques et de la livre sterling mais les banques disposent de plus de 1.000 milliards de livres d'actifs liquides leur permettant de faire face à leurs obligations pendant plusieurs mois sans avoir à rechercher de nouveaux financements, a précisé la banque centrale.

(Avec Sujata Rao-Coverley, Marc Angrand pour le service français, édité par Jean-Michel Bélot)

par Huw Jones et Sinead Cruise