(Actualisé avec réactions, détails, contexte)

par Elizabeth Piper et Kylie MacLellan

LONDRES, 10 décembre (Reuters) - Theresa May a annoncé lundi le report sine die du vote prévu mardi sur le Brexit à la Chambre des Communes le temps, a dit la Première ministre britannique, de renégocier certaines clauses du projet d'accord, un scénario que les Européens ont aussitôt rejeté.

Confrontée à une convergence des oppositions au texte entériné à Bruxelles le 25 novembre, Theresa May n'a pas eu d'autre solution que de reporter le vote des députés à une date non précisée afin de ne pas être mise en minorité.

La principale pierre d'achoppement concerne la clause de sauvegarde ("backstop") qui doit empêcher le rétablissement d'une frontière physique entre l'Irlande du Nord et la République d'Irlande, supprimée depuis les accords de paix de 1998.

Les plus farouches partisans du Brexit, comme le député conservateur Jacob Rees-Mogg, estiment que cette disposition doit tout simplement être supprimée. Selon eux, cela réglerait la plupart des problèmes posés par le texte.

Ces tenants de la ligne dure ne semblent pas prêts à se contenter d'une limitation dans le temps de la clause de sauvegarde qu'ils voient comme un assujettissement permanent du Royaume-Uni à l'Union européenne.

Il appartiendra au gouvernement de décider d'une nouvelle date pour le vote des députés, laissant à Theresa May le temps d'obtenir des concessions de l'UE dans l'intervalle.

Malgré des propos que Theresa May a voulu rassurants, plusieurs députés britanniques ont émis des doutes sur la capacité de la Première ministre à convaincre ces interlocuteurs.

Leurs craintes ont été rapidement confirmées par le président du Conseil européen Donald Tusk qui a exclu une renégociation du "backstop" sans fermer totalement la porte au dialogue. "Nous sommes prêts à discuter de la manière de faciliter la ratification (de l'accord) par le Royaume-Uni", a-t-il dit.

Les Européens pourraient éventuellement accepter de modifier la déclaration politique sur les relations futures entre l'UE et le Royaume-Uni qui doit être jointe à l'accord de divorce, mais même cette hypothèse reste très incertaine. Ils pourraient également publier une déclaration d'intention pour aider Theresa May à convaincre ses parlementaires, dit-on à Bruxelles.

L'ÉVENTUALITÉ D'UN "NO DEAL"

Paris et Berlin, les deux plus influents interlocuteurs de Londres dans ce long processus de divorce, sont eux aussi venus doucher l'effet d'annonce de la chef du gouvernement britannique.

La ministre française chargée des Affaires européennes, Nathalie Loiseau, a jugé qu'une sortie sans accord du Royaume-Uni le 29 mars 2019 était "de plus en plus probable" car aucun autre compromis que celui conclu par les négociateurs britanniques et européens n'était possible.

Le ministre allemand des Affaires étrangères, Heiko Maas, a exprimé une position similaire en déclarant ne pas voir "ce qui pouvait être changé" au texte obtenu à l'arraché le mois dernier après un an et demi de négociations laborieuses et ardues.

Consciente des défections probables dans son camp et de l'opposition déterminée du Parti travailliste de Jeremy Corbyn, la Première ministre a prudemment décidé de surseoir au vote prévu mardi.

"Si nous organisions le vote comme prévu demain, l'accord aurait des chances importantes d'être rejeté", a expliqué Theresa May aux députés, tout en leur répétant que son texte était le meilleur possible.

"Nous allons donc reporter le vote prévu demain et nous n'allons pas diviser la chambre en cette période", a-t-elle poursuivi, précisant que le gouvernement allait travailler dans l'intervalle à un plan de secours dans l'éventualité d'un "no deal".

Malgré ce pas de retrait de Theresa May, l'opposition travailliste a annoncé qu'elle déposerait une motion de censure contre le gouvernement lorsque le moment serait le plus opportun pour que son initiative soit couronnée de succès.

Le Labour, dont le chef de file Jeremy Corbyn entretient une position ambiguë sur la question du Brexit, reste déterminé à provoquer des élections générales anticipées dont il espère tirer les bénéfices.

Les libéraux démocrates, favorables au maintien dans l'UE, ont annoncé qu'ils joindraient leurs voix à celles des travaillistes sur une telle motion.

Ces turbulences politiques ont pesé sur la livre sterling qui est tombée à 1,2505 dollar en cours de séance, soit son plus bas niveau depuis avril 2017. La monnaie britannique s'échangeait à 1,50 contre le billet vert le jour du référendum sur le Brexit le 23 juin 2016.

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LE POINT sur les négociations du Brexit: (Pierre Sérisier pour le service français)