* Le gouvernement dément une prise de pouvoir par l'armée
* Les mutins exigent la démission de responsables de la
sécurité
* Des soldats impliqués dans le putsch de 2015 parmi les
détenus
* Les manifestations prévues à Ouagadougou interdites
(Actualisé avec précisions)
par Anne Mimault Thiam Ndiaga
OUAGADOUGOU, 23 janvier (Reuters) - Des tirs soutenus ont
retenti dimanche de plusieurs camps militaires au Burkina Faso
et le siège du parti au pouvoir a été incendié alors que des
soldats réclament davantage de soutien du gouvernement dans leur
lutte contre les militants islamistes, ainsi que la démission
des chefs de l'armée et des services de renseignement.
Le gouvernement a appelé au calme, démentant des
spéculations diffusées sur les réseaux sociaux selon lesquelles
l'armée aurait pris le pouvoir ou détenu le président Roch
Kaboré.
Des tirs nourris ont d'abord été entendus dans le camp de
Sangoulé Lamizana, dans la capitale Ouagadougou, qui abrite
l'état-major de l'armée et une prison dont des détenus sont des
soldats impliqués dans une tentative de coup d'État manquée en
2015.
Selon un journaliste de Reuters, ces coups de feu ont pu
être entendus dès 05h00 et des soldats ont été vus en train de
tirer en l'air dans le camp, ainsi que sur une base aérienne
située près de l'aéroport international. Un témoin a également
signalé des tirs dans une caserne située à Kaya, à environ 100
km au nord de Ouagadougou.
L'ambassade des Etats-Unis a fait état pour sa part de coups
de feu dans des bases militaires à Ouagadougou et dans des bases
à Kaya et Ouahigouya, une ville dans le nord du pays.
Dans la capitale, un journaliste de Reuters a par ailleurs
contasté que des manifestants avaient incendié et pillé le siège
du Mouvement populaire pour le progrès (MPP) de Roch Marc
Christian Kaboré, le président du Burkina Faso.
S'adressant aux journalistes devant le camp de Sangoulé
Lamizana alors que des soldats tiraient en l'air derrière lui,
l'un des mutins a énuméré une série d'exigences, parmi
lesquelles la démission du chef d'état-major de l'armée et du
chef du service de renseignement.
Il a également réclamé davantage de moyens et une formation
appropriée pour l'armée, qui a subi de lourdes pertes ces
derniers mois face aux militants liés à Al-Qaïda et à l'État
islamique.
Le gouvernement a confirmé que des coups de feu avaient été
tirés dans certains camps mais a démenti des rumeurs, diffusées
sur les réseaux sociaux, selon lesquelles l'armée aurait pris le
pouvoir.
S'exprimant à la télévision nationale, le ministre de la
Défense, le général Bathelemy Simpore, a déclaré que la raison
de ces tirs n'était toujours pas claire.
"Le chef de l'Etat n'a pas été arrêté, aucune institution du
pays n'a été menacée", a-t-il dit. "Pour l'instant, nous ne
connaissons pas leurs motivations ni ce qu'ils demandent. Nous
essayons d'entrer en contact avec eux."
Des centaines de personnes sont descendues dans les rues
pour soutenir les mutins, scandant notamment ""Libérez le pays
!". Près de la place de la Nation, dans le centre-ville de
Ouagadougou, la police a fait usage de gaz lacrymogènes pour
disperser environ 300 manifestants.
Une centaine de manifestants se sont également rassemblés
près du camp de Sangoulé Lamizana, où ils ont entonné l'hymne
national.
NetBlocks, qui assure une veille des blocages d'internet, a
déclaré que l'accès au web avait été interrompu vers 10 heures
dans le pays.
CRAINTES DE COUPS D'ÉTAT
Les gouvernements d'Afrique de l'Ouest et du Centre sont en
état d'alerte après des coups d'État survenus au cours des 18
derniers mois au Mali et en Guinée. L'armée a également pris le
pouvoir au Tchad l'année dernière après la mort du président
Idriss Deby sur le champ de bataille.
Les autorités burkinabées ont arrêté au début du mois une
douzaine de soldats soupçonnés de complot contre le
gouvernement.
Ces arrestations ont suivi un chamboulement au sein de
l'état-major, en décembre, que certains analystes ont interprété
comme une tentative de Roch Marc Christian Kaboré de renforcer
son soutien au sein de l'armée.
La recrudescence d'actions violentes menées par des
militants islamistes liés à Al-Qaïda et à l'État islamique au
Burkina Faso ont provoqué la mort de plus de 2.000 personnes
l'année dernière et suscité en novembre des manifestations
virulentes appelant à la démission du président.
Des manifestations supplémentaires étaient prévues samedi,
mais le gouvernement les a interdites et la police est
intervenue pour disperser les centaines de personnes qui
tentaient de se rassembler à Ouagadougou.
Parmi les détenus de la prison de Sangoulé Lamizana figure
le général Gilbert Diendere, qui était l'un des principaux
alliés de l'ancien président du Burkina Faso, Blaise Compaoré,
renversé lors d'un soulèvement en 2014.
Après avoir dirigé une tentative de coup d'État ratée
l'année suivante contre le gouvernement de transition, Gilbert
Diendere a été condamné en 2019 à 20 ans de prison.
(Reportage Thiam Ndiaga et Anne Mimault, avec Ange Aboa, rédigé
par Aaron Ross et Bate Felix; version française Benjamin Mallet
et Claude Chendjou)