Dans le jargon du régulateur, CFD inclut l’ensemble des produits de trading sur marge, y compris le spot Forex, quel que soit le modèle d’exécution (dealing desk, stp ou ecn). L’ensemble de l’industrie européenne des brokers en ligne est donc concerné par cette nouvelle législation, dont voici les grandes lignes :
  • Interdiction des options binaires ;
  • Réduction du levier pour les produits FX/CFD :
    • 30 :1 pour les paires majeures,
    • 20 :1 pour les paires mineures, l’or et les principaux indices,
    • 10 :1 pour les matières premières et les autres indices,
    • 5 :1 pour les actions,
    • 2 :1 pour les cryptomonnaies ;
  • Clôture de tout ou partie des positions dès lors que 50% de la marge est consommée ;
  • Protection contre les soldes négatifs ;
  • Restrictions sur les incitations à négocier ;
  • Durcissement des messages d’avertissement sur les risques, incluant l’obligation pour les courtiers de présenter clairement le pourcentage de perdants parmi ses clients particuliers.
Conséquences pour les courtiers FX/CFD

Pour les markets makers dont le modèle économique repose sur une incitation à trader avec un fort effet de levier qui leur permet d’encaisser rapidement les pertes de leurs clients, le coup est rude et de nombreux dealers européens cherchent déjà à s’installer dans d’autres juridictions.

Pour leurs confrères agissant en modèle d’agence sans assurer la contrepartie des transactions, il n’est pas si évident que cette nouvelle régulation les pénalise. S’ils devront dans un premier temps répondre aux nouvelles exigences en matière de fonds propres, pour mieux se prémunir contre de potentiels soldes négatifs, tout en constatant une baisse de leurs volumes de transaction lié à un levier moindre, l’amaigrissement de la concurrence des market makers et l’augmentation de la durée de vie des comptes de leurs clients pourraient bien leur être salutaires à long terme.

Observons les précédents. Au Japon où l’effet de levier a été réduit à hauteur de 1 :25, l’industrie du trading en ligne est florissante et les courtiers enregistrent les volumes les plus élevés au monde. Aux Etats-Unis aussi, la CFTC a fait le ménage en abaissant le levier à 1 :50, permettant aux acteurs les plus sérieux du secteur de se partager le marché américain.

Dans chacun de ces cas, une régulation plus stricte a permis d’assainir l’offre globale en protégeant les investisseurs les moins qualifiés.

Conséquences pour les investisseurs particuliers

Parmi la batterie de mesures de l’ESMA, la réduction du levier fait particulièrement réagir la communauté des investisseurs particuliers. Bien que les faibles marges demandées jusqu’à présent par les brokers (fréquemment jusqu’à 1 :500) soient très souvent à l’origine de leur faillite, beaucoup comptaient toujours sur l’effet de levier pour satisfaire leurs ambitions utopistes et atteindre des objectifs irréalistes. Des process plus que jamais voués à l’échec.

Lorsque d’aucuns stigmatisent le fait que le trading en ligne est sur le point de mourir à cause de ces restrictions, rappelons qu’en levier 30, une variation de seulement 1,67% sur l’ensemble de ses positions suffira à consommer 50% de sa marge. 1,67%, c’est environ 200 pips sur EUR/USD. Bref, toujours de quoi vider un compte à vitesse grand V pour ceux qui en raffolent.

A cause de niveaux de marge requise bien trop faibles jusqu’ici, le trading en ligne allait justement disparaître et la décision de l’ESMA va au contraire permettre de le pérenniser.

Contourner les restrictions : une mauvaise idée

Le premier réflexe des parieurs compulsifs et des drogués du levier va consister à rechercher un broker hors-UE. Ici il faut bien comprendre que les règles de l’ESMA s‘appliquent à tout le monde dès lors que l’investisseur réside dans l’UE.

De la même façon que les courtiers européens ne peuvent proposer un levier supérieur à 1 :50 aux clients américains par exemple, les courtiers étrangers qui respectent les décisions des régulateurs internationaux appliqueront les mesures de l’ESMA à leurs clients européens à compter du 1er Août.

Les détracteurs de ces progrès pointent donc le risque que la situation avantage les brokers offshore non régulés qui s’affranchissent bien volontiers du cadre tracé par la loi. Certes, quelques traders particuliers pourraient être tentés de contourner les lois européennes en transférant leur capital vers une île paradisiaque où sévissent une foultitude d’intermédiaires financiers. Mais une fois que leurs fonds auront disparu avec leurs nouveaux propriétaires, il sera difficile pour eux de plaider l’ignorance et la naïveté ou de masquer la raison pour laquelle ils ont choisi cette alternative.

Concernant Chypre, au centre de nombreux amalgames, rappelons que le pays est membre de l’UE et que les courtiers entassés à Limassol dépendent directement de la directive MIFII et de l’ESMA. Les niveaux de levier s’ajusteront donc là-bas comme partout ailleurs en Europe.

Notons enfin que les règles de l’ESMA ont pour vocation de protéger les particuliers peu qualifiés et qu’elles ne s’appliqueront par conséquent pas aux investisseurs professionnels. Pour obtenir un tel statut, vous devez déclarer correspondre à deux des trois affirmations suivantes :
  • Avoir passé en moyenne 10 ordres de taille significative durant chacun des quatre derniers trimestres.
  • Posséder un portefeuille d’investissement, dont vos comptes épargne, de plus de 500 000 euros.
  • Avoir travaillé pendant au moins un an dans le secteur de la finance à un poste nécessitant une connaissance des produits dérivés.
Aucun justificatif ne vous sera demandé par votre courtier mais une fois qu’un levier prohibitif aura fait dérailler votre martingale, votre déclaration pourra être dégainée par votre broker pour contrer toute plainte potentielle contre lui.

Encore une fois, tout ceci ne s’applique que si vous résidez dans l’Union européenne, sans quoi vous êtes soumis à la juridiction de votre pays de résidence. En Suisse par exemple, les niveaux de marge restent encore beaucoup moins exigeants que ce qui est prévu par l’ESMA.