Servier est une entreprise à part. Le scandale du Mediator®, médicament commercialisé de 1976 à 2009 et interdit depuis, a eu un fort retentissement sur l'image du groupe et sur les salariés eux-mêmes. De hauts responsables, dont Jacques Servier, président fondateur du groupe décédé en 2014, ont eu à répondre de leurs actes devant la justice. « À l'époque, nous nous étions sentis trahis par nos dirigeants, j'osais à peine dire que je travaillais chez Servier ; pourtant, c'était une entreprise réputée dans la région, les salariés étaient bien traités », résume Marie-Pierre Renaud, élue CFDT suppléante au CSE.

Des salariés déstabilisés par le changement de cap

Si la page n'est pas complètement tournée (le procès est en cours), d'autres préoccupations sont à l'ordre du jour. Olivier Laureau, ancien directeur financier qui a pris la suite de Jacques Servier en 2014, a souhaité donner une nouvelle impulsion à la stratégie du groupe et améliorer sa rentabilité. En 2016, l'annonce d'une restructuration de l'entité recherche et développement (R&D) et d'une importante « délocalisation » vers Paris-Saclay à l'horizon 2020 plonge les salariés dans une incertitude angoissante. « Avant 2014, la gestion de l'entreprise était plutôt paternaliste, nous étions très protégés, même si nous nous doutions que la direction dissimulait des choses, se souvient Marie-Pierre. Nous étions bercés par le message officiel selon lequel tout allait pour le mieux. L'arrivée de nouveaux dirigeants à partir de 2016 nous a fait basculer dans une ère marquée par la quête de performance, comme si Servier voulait jouer dans la cour des grands de la Big Pharma alors que nous restions un acteur modeste. Les salariés ont été très déstabilisés. Notre présence leur a permis de trouver un espace de parole, d'avoir un soutien moral. » La section syndicale de Biologie Servier, qui a vu le jour en 2018, ne cesse de faire des adhésions, gagnant peu à peu la confiance des salariés. L'équipe du début, constituée d'une dizaine de militants, s'est agrandie jusqu'à compter plus de 180 adhérents dans le groupe.

Pour inciter les salariés à rejoindre le site de Saclay, la direction propose en 2019 un accord de mobilité : 1 500 euros pour les salariés qui acceptent de travailler en région parisienne, 1 500 euros supplémentaires de prime de déménagement pour ceux qui décident de s'y installer. « Vu notre chiffre d'affaires, c'était une mauvaise plaisanterie ! », se souvient le délégué syndical Éric Martinez. La CFDT exprime son désaccord et, après un rapide état des lieux des accords conclus dans d'autres entreprises, réclame une prime de 15 000 euros, doublée en cas de déménagement. La direction ne souhaite pas aller au-delà de 4 000 euros, plus 8 000 si déménagement… La décision s'appliquera de façon unilatérale, le délégué syndical n'ayant pas donné son aval : « C'est notre capacité à instaurer un rapport de force qui était en jeu ! »

À ce processus de délocalisation s'ajoute un nouvel élément. La direction de Servier a annoncé le 9 septembre une vaste réorganisation de toute la R&D, qui implique la suppression de 287 postes dans le cadre d'une rupture conventionnelle collective (RCC). Plusieurs entités sont concernées : Biologie Servier à Gidy, Technologie Servier à Orléans, et des instituts de recherche à Suresnes et Croissy-sur-Seine. La RCC ne peut se faire que sur la base du volontariat, certes, mais l'objectif de la direction est de supprimer 20 % des effectifs de la R&D. « Cette annonce n'a fait que réactiver un climat déjà très anxiogène ces dernières années, explique Éric. J'ai vu les visages se fermer et des collègues que nous n'avions jamais vus auparavant venir se renseigner. » La CFDT décide alors d'organiser une réunion ouverte à tous pour informer les salariés sur le fonctionnement de la RCC. « J'étais le premier à trouver que cette RCC avait des allures de PSE déguisé, note le délégué syndical. Mais après consultation du syndicat, de nos experts et des avocats, nous avons un éclairage différent. Certes, c'est un outil qui facilite la tâche de l'employeur mais il peut se révéler plus intéressant qu'un PSE. Il était important que les salariés soient parfaitement informés. » La direction tient toujours à son projet de relocalisation à Saclay, reporté en raison de la crise sanitaire à 2022 puis 2023. « La RCC qui nous est proposée est, si j'ai bien compris, une première cartouche, explique Éric. À nous de bien négocier pour alimenter le pot commun et que cela serve de base si d'autres RCC devaient être envisagées. » Tout ce qui peut être négocié le sera : portabilité des droits, majoration des indemnités de départ, etc.

Des réunions d'information tout au long de la négociation

Le délégué syndical compte poursuivre ses réunions d'information tout au long de la négociation. « Les salariés doivent pouvoir bénéficier d'une communication au fil de l'eau », souligne Éric. Avec l'aide du Syndicat chimie-énergie du Centre-Val de Loire, le DS a proposé à la direction un accord de méthode, de façon à cadrer la négociation et à fixer le calendrier et les moyens alloués, fournissant même à ses interlocuteurs un document modèle. « Un accord de méthode, c'est une grande première chez nous ! », s'exclame Éric, qui se prépare à sa première réunion de négociation de la rupture conventionnelle collective. Côté dialogue social, Servier devient une entreprise comme une autre.

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La Sté CFDT - Confédération Française Démocratique du Travail a publié ce contenu, le 28 décembre 2020, et est seule responsable des informations qui y sont renfermées.
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