Cour de justice de l'Union européenne

COMMUNIQUE DE PRESSE n° 116/17

Luxembourg, le 9 novembre 2017

Presse et Information

Arrêt dans l'affaire C-98/15 María Begoña Espadas Recio/Servicio Público de Empleo Estatal (SPEE)

Le système utilisé en Espagne pour déterminer la base de calcul de la durée de la prestation de chômage des travailleurs à temps partiel vertical est contraire au droit de l'Union

En effet, dès lors que la majorité de cette catégorie de travailleurs est constituée de femmes, ce système implique une différence de traitement au détriment de ces dernières

Mme María Begoña Espadas Recio, qui relève de la catégorie des travailleurs à temps partiel de type vertical1, a travaillé en tant que femme de ménage pendant plus de 12 ans et demi de manière ininterrompue. Après la cessation de sa relation de travail, Mme Espadas Recio a demandé à bénéficier des prestations de chômage. Le Servicio Público de Empleo Estatal (service public pour l'emploi, Espagne, ci-après « SPEE ») lui a accordé le bénéfice de 420 jours de prestations de chômage au lieu des 720 jours auxquels elle estimait avoir droit. Pour retenir cette durée, le SPEE s'est fondé sur une réglementation espagnole qui prévoit que, dans le cas d'un travail à temps partiel, si la durée de la prestation de chômage est déterminée en fonction des jours de cotisation au cours des six années qui précèdent, il y a lieu de ne prendre en compte que les seuls jours effectivement travaillés (en l'occurrence 1 387 jours), et non les six années de cotisation dans leur ensemble. Considérant qu'elle avait versé des cotisations pour l'intégralité des six dernières années, Mme Espadas Recio a formé un recours devant le Juzgado de lo Social n° 33 de Barcelona (tribunal du travail n° 33 de Barcelone, Espagne). Selon Mme Espadas Recio, l'exclusion des jours non travaillés aux fins du calcul de sa prestation de chômage revient à instaurer une différence de traitement au détriment des travailleurs à temps partiel de type vertical.

Le juge espagnol relève que cette catégorie de travailleurs est doublement pénalisée, étant donné, d'une part, que le salaire mensuel moins élevé en raison du travail à temps partiel entraîne une prestation de chômage d'un montant proportionnellement inférieur et, d'autre part, que la durée de cette prestation est réduite puisque seuls les jours travaillés sont pris en compte alors même que la période de cotisation est plus étendue. Le juge espagnol ajoute qu'il est établi que la réglementation en cause affecte une proportion bien plus importante de femmes que d'hommes. Il demande ainsi à la Cour de justice si la directive sur l'égalité de traitement entre hommes et femmes en matière de sécurité sociale2 s'oppose à la législation espagnole en cause, lorsqu'il est constaté que la majorité des travailleurs à temps partiel vertical est constituée de femmes qui sont affectées négativement par cette législation.

Par son arrêt de ce jour, la Cour déclare que la directive s'oppose à une législation qui, dans le cas du travail à temps partiel « vertical », exclut les jours non travaillés du calcul des jours pour lesquels les cotisations ont été payées et qui réduit ainsi la période de paiement de la prestation de chômage, lorsqu'il est constaté que la majorité des travailleurs à temps partiel « vertical » est constituée de femmes qui sont affectées négativement par cette législation.

1 Le travail à temps partiel est dit « vertical » lorsque la personne qui l'exerce concentre ses heures de travail sur quelques jours ouvrables de la semaine et « horizontal » lorsque la personne qui l'exerce travaille tous les jours ouvrables de la semaine.

2 Directive 79/7/CEE du Conseil, du 19 décembre 1978, relative à la mise en œuvre progressive du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en matière de sécurité sociale (JO 1979, L 6, p. 24).

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Tout d'abord, la Cour souligne que les données statistiques fournies par le juge espagnol ne sont pas contestées. Ensuite, elle indique que les travailleurs à temps partiel vertical qui relèvent du champ d'application de la mesure nationale en cause sont tous affectés négativement par celle-ci et qu'aucun travailleur de cette catégorie ne saurait tirer un avantage de l'application d'une telle mesure.

La Cour estime que, étant donné que 70 à 80 % des travailleurs à temps partiel vertical sont des femmes, il est évident qu'un nombre beaucoup plus important de femmes que d'hommes est affecté négativement par la mesure nationale en cause. Elle en conclut que cette mesure constitue une différence de traitement au détriment des femmes.

Le gouvernement espagnol fait valoir que le principe de « cotisation au système de sécurité sociale » justifie l'existence de la différence de traitement constatée. Selon ce gouvernement, dès lors que le droit à la prestation de chômage et la durée de cette prestation dépendraient uniquement de la période pendant laquelle un travailleur a travaillé ou a été inscrit au système de sécurité sociale, il conviendrait, afin de respecter le principe de proportionnalité, de ne tenir compte que des jours réellement travaillés. Tout en indiquant qu'il appartient en dernier lieu au juge espagnol d'apprécier si l'objectif précité est effectivement celui poursuivi par le législateur national, la Cour relève que la mesure nationale en cause n'apparaît pas apte à assurer la corrélation qui doit exister entre les cotisations versées par le travailleur et les droits auxquels il peut prétendre en matière de prestation de chômage. En effet, il résulte de la législation espagnole en cause qu'un travailleur à temps partiel vertical ayant versé des cotisations pour chaque jour de tous les mois de l'année reçoit une prestation de chômage pendant une période plus courte qu'un travailleur à temps plein ayant procédé au paiement des mêmes cotisations.

RAPPEL: Le renvoi préjudiciel permet aux juridictions des États membres, dans le cadre d'un litige dont elles sont saisies, d'interroger la Cour sur l'interprétation du droit de l'Union ou sur la validité d'un acte de l'Union. La Cour ne tranche pas le litige national. Il appartient à la juridiction nationale de résoudre l'affaire conformément à la décision de la Cour. Cette décision lie, de la même manière, les autres juridictions nationales qui seraient saisies d'un problème similaire.

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Le texte intégral de l'arrêt est publié sur le site CURIA le jour du prononcé.

Contact presse: Gilles Despeux (+352) 4303 3205

Des images du prononcé de l'arrêt sont disponibles sur « Europe by Satellite » (+32) 2 2964106

La Sté CURIA - European Court of Justice a publié ce contenu, le 09 novembre 2017, et est seule responsable des informations qui y sont renfermées.
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Document originalhttps://curia.europa.eu/jcms/jcms/p1_570998/fr/

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