par Daniel Ramos

LA PAZ, 11 novembre (Reuters) - Pillages, affrontements, barricades : la Bolivie a plongé dans le chaos lundi dans les heures qui ont suivi la démission du président socialiste Evo Morales.

Arrivé au pouvoir en 2006, le premier président indigène de l'histoire bolivienne a annoncé son départ dimanche, qu'il a confirmé lundi dans une lettre à l'assemblée législative, après avoir été abandonné par l'armée sur fond de violences à la suite de l'annonce controversée de sa réélection le 20 octobre.

Sa démission, ainsi que celle de son vice-président, crée une vacance du pouvoir dans l'attente des résultats d'un nouveau scrutin encore hypothétique.

"J'ai peur de ce qui va se passer. La ville est sens dessus dessous. Il y a des bagarres entre voisins", a déclaré une secrétaire de La Paz, Patricia Paredes, âgée de 25 ans.

Des bandes ont sillonné La Paz et d'autres villes durant la nuit. Des entreprises ont été attaquées, pro et anti-Morales se sont affrontés et des bâtiments ont été incendiés.

La plupart des écoles et commerces sont restés fermés, les transports publics étaient à l'arrêt et les routes bloquées.

Evo Morales, qui est âgé de 60 ans, a quitté la Paz. La rumeur le dit toujours en Bolivie.

Il a expliqué qu'il avait choisi de démissionner pour contribuer à restaurer la paix.

Mais il a réaffirmé lundi qu'il était la victime d'un complot ourdi par ses adversaires politiques, citant Carlos Mesa, son rival à la présidentielle, et Luis Fernando Camacho, l'un des chefs de file de la contestation.

"Le monde et nos patriotes boliviens rejettent ce coup d'Etat", a dit le président démissionnaire sur Twitter. "Ils m'ont ému jusqu'aux larmes. Ils ne m'ont jamais abandonné. Je ne les abandonnerai jamais."

Plusieurs alliés du dirigeant socialiste dans la région, parmi lesquels le président élu argentin Alberto Fernandez, ont eux aussi dénoncé un coup d'Etat.

"POLITIQUES ET CRIMINELS CHERCHENT TOUS À PROFITER DE LA SITUATION"

Le Mexique lui a proposé l'asile.

"C'est un coup d'Etat parce que l'armée a réclamé la démission du président, ce qui viole l'ordre constitutionnel", a estimé le chef de la diplomatie mexicaine, Marcelo Ebrard.

Au Venezuela, des opposants du président Nicolas Maduro ont célébré la démission de Morales, qualifié de "dictateur", espérant que Maduro serait le prochain sur la liste.

La Russie a apporté son soutien à Evo Morales, accusant l'opposition de violences.

Une vidéo largement partagée sur internet montre des personnes à l'intérieur de la propriété du président démissionnaire, dont les murs sont recouverts de graffitis.

Waldo Albarracin, figure de l'opposition bolivienne, a de son côté déclaré sur Twitter que sa maison avait été incendiée par des partisans de Morales.

"Les gens essaient de semer le chaos", a déclaré Edgar Torrez, un homme d'affaires de 40 ans, habitant La Paz. Pour lui, "politiques et criminels cherchent tous à profiter de la situation".

Aux termes de la loi, le président du Sénat est chargé d'assurer l'intérim en cas d'absence de président et de vice-président. Mais la présidente du Sénat, Adriana Salvatierra, a elle aussi quitté ses fonctions dimanche soir.

Les parlementaires devraient se réunir lundi soir pour s'accorder sur la mise en place d'une commission intérimaire ou sur l'identité d'un parlementaire chargé d'expédier les affaires courantes.

La deuxième vice-présidente du Sénat Jeanine Añez a annoncé qu'elle était disposée à assumer la présidence intérimaire, "seulement pour faire le nécessaire afin de convoquer des élections transparentes".

Sous la présidence de Morales, la Bolivie a affiché l'un des plus forts taux de croissance d'Amérique latine et son taux de pauvreté a été réduit de moitié. Mais sa volonté de rester au pouvoir en briguant un quatrième mandat lui a fait perdre une partie de ses soutiens, y compris parmi la communauté indigène. (Avec Gram Slattery, Monica Machicao à La Paz, Dave Graham à Mexico, Tom Balmforth à Moscou, Jean-Stéphane Brosse pour le service français)