Renouveau

En avril dernier, l’édition britannique du magazine Wired avait intitulé son ouvrage « Il est temps de copier la Chine », avec une photo de Lei Jun, fondateur de Xiaomi (fabricant de téléphone portable), fondée en 2010 et considérée comme la 3ème licorne avec la plus grosse valorisation (45 milliards de dollars en avril 2015). Elle se place devant Didi Chuxing, (concurrent d’Uber ayant racheté Uber China cette année), et derrière ANT Financial (entreprise chinoise valorisée à 60 milliards de dollars) et la désormais bien connue société Uber valorisée à 62.5 milliards de dollars.

Startups HUB et Licornes

Le co-fondateur et CEO d’Uber, Travis Kalanick, prédisait lors d’une conférence à Pékin il y a quelques mois qu’il y aurait plus d’innovations, d’inventions et d’entrepreneurs en Chine que dans la Silicon Valley d’ici 5 ans. Cet élan de la scène des startups chinoises s’est accentué après l’introduction en Bourse du groupe Alibaba en 2014, qui a levé 25 milliards de dollars, soit la plus grosse introduction en bourse de l’histoire. La Chine compte aujourd’hui 45 licornes, le deuxième pays en possédant le plus derrière les Etats-Unis (109) selon les données de Crunchbase. Cependant, sur ces 45 licornes, plus de 75% le sont devenues sur l’année 2015 et l’année 2016, et fait de la Chine la plus grande génératrice de licornes en 2016. Plusieurs facteurs permettent à la Chine de devenir l'un des principaux acteurs de l’écosystème des startups.

Facteurs de réussite

 La technologie et notamment son utilisation pour la fabrication des smartphones et leurs utilisations ont joué un rôle majeur. Bien que cela soit vrai dans la majorité des pays, cela est d’autant plus notable pour la Chine pour deux raisons. Premièrement, beaucoup de pays développés avaient déjà une population connectée grâce aux ordinateurs de bureaux et portables contrairement à la Chine. Deuxièmement, cela a permis l’expansion rapide du nombre de personnes connectées avec aujourd’hui  709.6 millions d’utilisateurs Internet. Parmi ces utilisateurs, 92.5% d’entre eux accèdent à Internet depuis un Smartphone et s’en servent de plus en plus pour effectuer des achats. En effet, le nombre d’achat sur Internet représentait 189.6 milliards de dollars en 2012 avec 5.27% de ces dépenses effectuées depuis un mobile, contre 707.2 milliards de dollars prévus pour 2016 avec le mobile représentant 63% des ventes. Des estimations pour les prochaines années indiquent que les dépenses sur Internet devraient effleurer le trilliard de dollars, soit une opportunité grandissante pour les startups chinoises.

Un second facteur jouant un rôle dans l’essor de la scène chinoise des startups est le manque d’entreprises de services. La moitié du marché est desservi par des entreprises bien établies ce qui laisse des opportunités pour les startups. Par ailleurs, la plupart des meilleures startups chinoises sont dans le milieu de l’O2O (Online to Offline), offrant des applications mobiles permettant par exemple la livraison de repas ou encore le transport de personnes.

Le gouvernement joue lui aussi un rôle important. Il a ouvert plus de 1600 incubateurs high-tech depuis 2014. En milieu d’année 2015, le conseil d’Etat Chinois a mis en place des nouvelles directives, argumentant qu’il était impératif d’intensifier les reformes structurelles en boostant les efforts de mise en place d’une stratégie basée sur le développement de l’innovation. Une des décisions se traduisait par la suppression de tous les obstacles institutionnels afin de promouvoir l’entrepreneuriat et l’innovation de façon massive. De plus, le gouvernement a créé le plus gros fonds commun pour startups de la planète l’an dernier, d’une valeur de 220 milliards de dollars. Selon Jamie Lin, co-fondateur d’AppWorks, il y a une quantité d’argent faramineuse bloquée en Chine car le gouvernement refuse qu’il sorte du pays. Cet argent n’a donc pas d’autre endroit où aller que dans les startups, et sa grande majorité est placé dans des fonds dirigés par le gouvernement et ses agences locales.

Enfin, l’économie de la Chine a elle aussi joué son rôle. Face au ralentissement de la croissance du pays, les startups sont perçues comme l’une des rares classes d’actifs qui possèdent un véritable potentiel de croissance. C’est pour cette raison que les entrepreneurs chinois n’ont pas eu de mal à lever des fonds en capital-risque, sociétés de capitaux privés ou de géant de l’Internet comme Alibaba et Baidu. En 2000, la Chine avait environ 100 entreprises de capital-risque, contre plus de 10.000 aujourd’hui en incluant les sociétés de capitaux privés. Les investissements provenant de ces sociétés sont passés de 6.6 milliards de dollars en 2013 à plus de 50 milliards de dollars dans les neufs premiers mois de cette année.

Limites

L’écosystème des startups chinoises offre donc des possibilités d’investissements qui semblent être infinies, démontrant leur fort potentiel à créer de nouvelles licornes. Cependant, certaines questions viennent à se poser quant à la santé de ces startups avec des investissements de plusieurs dizaines de millions de dollars avec des valorisations fulgurantes après seulement quelques mois ou années d’existences.

Jenny Lee, associée directeur à GGV Capital, affirme qu’une licorne papier reste une licorne papier tant qu’elle ne prouve pas qu’elle est capable de démontrer la valeur qu’elle apporte à ses clients et qu’ils sont prêts à payer pour son offre. Certains investisseurs et analystes doutent que toutes ces licornes puissent garder ce genre de valorisations pendant que d’autres pensent qu’avoir un surplus d’investissement tire l’innovation vers le bas et non l’inverse. L’exemple illustrant le phénomène de ces licornes reste Xiaomi. Clay Shirky, professeur agrégée de l’université de Shanghai, estime que la société a perdu près de 90% de sa valeur durant les 18 derniers mois. Si elle cherchait à lever des fonds aujourd’hui, elle devrait le faire à une valorisation entre 4 et 10 milliards de dollars. Il le démontre en comparant l’entreprise au Groupe Lenovo, coté en bourse, qui détient autant de parts de marché que Xiaomi et qui est aussi l’un des leaders voire le leader mondial des fabricants d’ordinateurs, actuellement valorisé à 7 milliards de dollars. Il en conclut par dire que la valorisation de Xiaomi ne peut être 6 fois supérieure à celle de Lenovo.

Nouveau Leader

La question qui vient à se poser est de savoir combien de ces licornes le sont véritablement. L’exécution et le développement de chacune d’entre elles nous le démontrera. En attendant, la Chine pourrait bien être entrain de détrôner les Etats-Unis sur l’un de leurs domaines de prédilection, créer les meilleures entreprises mondiales.

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