Pékin (awp/afp) - Les exportations de la Chine se sont effondrées de plus de 20% en février, tandis que ses importations aggravaient leur repli: un nouveau signal d'alarme pour la santé économique du géant asiatique, toujours empêtré dans sa guerre commerciale avec les Etats-Unis.

La Chine, première puissance marchande du globe, a vu ses exportations plonger le mois dernier de 20,7% sur un an, alors qu'elles avaient enregistré en janvier un rebond surprise, a annoncé l'administration des Douanes.

Ce recul, à l'unisson d'une conjoncture internationale morose, est quatre fois plus marqué qu'attendu par les analystes sondés par l'agence Bloomberg.

Dans le même temps, la demande du pays s'est encore affaiblie: ses importations ont reculé de 5,2%, après une baisse de 1,5% en janvier, à contre-courant de la quasi-stabilisation anticipée par le marché.

"Ces chiffres renforcent l'idée que la récession commerciale de la Chine a débuté", estime Raymond Yeung, analyste de la banque ANZ. Pour lui, "il y a peu de raisons d'attendre un rebond sur le court terme".

Même en tenant compte du décalage calendaire des congés du Nouvel an lunaire, "ces statistiques sont décevantes", confirmait Julian Evans-Pritchard, du cabinet Capital Economics. Les exportations sur les deux mois conjugués de janvier-février ont reculé de 4,7%.

La publication a intensifié le plongeon de la Bourse de Shanghai, qui a clôturé en chute de 4,40%, tout en plombant à l'ouverture les marchés européens.

Demande mondiale morose

Avec la détérioration durable du commerce extérieur, pilier crucial de la croissance, l'équation se complique pour Pékin: le régime fait face à un vif essoufflement de l'activité en Chine, tandis que ses pourparlers avec Washington patinent sans résultat concret.

Alors que l'abyssal déséquilibre des échanges sino-américains reste une obsession de l'administration Trump, ces chiffres pourraient néanmoins rasséréner quelque peu l'hôte de la Maison Blanche.

La Chine a ainsi enregistré en février un excédent commercial mensuel inhabituellement bas, à seulement 4,12 milliards de dollars, très nettement inférieur à celui de janvier (39,2 milliards). Et l'excédent avec les seuls Etats-Unis a fondu à 14,7 milliards de dollars, réduit de moitié sur un mois.

Pour l'heure, le conflit douanier entre les deux premières puissances mondiales continue de pénaliser les entreprises chinoises: leurs exportations vers les Etats-Unis se sont effondrées de 29% le mois dernier.

"Les surtaxes douanières américaines ont pesé", mais les chiffres de vendredi apportent surtout "une nouvelle confirmation du refroidissement général de la demande mondiale", commente Julian Evans-Pritchard.

Selon lui, "un accord sino-américain pourrait doper un peu les exportations mais sera insuffisant pour contrer les vents adverses". L'OCDE a sabré mercredi ses prévisions pour la croissance mondiale, tandis que la Banque centrale européenne rognait jeudi les siennes pour la zone euro.

Le reflux persistant des importations, lui, "reflète le ralentissement de l'économie chinoise, laquelle devrait rester sous pression dans les prochains mois", abonde Louis Kuijs, analyste du cabinet Oxford Economics.

Miné par la guerre commerciale et ses efforts de désendettement, le géant asiatique a enregistré en 2018 une croissance économique de 6,6%, sa plus faible depuis 28 ans, et le Premier ministre Li Keqiang a annoncé mardi un objectif encore réduit pour 2019, "entre 6% et 6,5%".

"Se couper de l'avenir"

Les indicateurs s'assombrissent de concert: en février, la progression de l'activité manufacturière est tombée au plus bas depuis trois ans. En janvier, un baromètre des prix du secteur industriel a frôlé la contraction.

Facteur alarmant: le constructeur sud-coréen Hyundai envisage de réduire sa production en Chine, tandis que le fabricant japonais de puces Renesas Electronics dit vouloir suspendre des projets d'usines dans le pays.

Dans ce contexte, à l'heure où Pékin muscle ses mesures de relance de l'activité en Chine, il devient impératif pour lui de trouver un compromis avec Washington.

Donald Trump a assuré jeudi que les négociations "avançaient bien", mais l'ambassadeur américain à Pékin, Terry Branstad, a rappelé vendredi que les deux pays n'étaient pas encore prêts à signer un accord: "Nous n'y sommes pas encore", a-t-il indiqué au Wall Street Journal.

De son côté, le ministre chinois des Affaires étrangères Wang Yi a fustigé vendredi les membres de l'administration Trump appelant à "se détacher" de l'économie chinoise: "Se détacher de la Chine, c'est se couper d'opportunités, de l'avenir, c'est se couper du monde", a-t-il martelé.

afp/buc