LONDRES (Reuters) - La Banque centrale européenne (BCE) devrait opter pour une nouvelle forte augmentation de ses taux d'intérêt jeudi pour juguler l'inflation mais ce qu'elle décidera de faire ensuite paraît plus incertain.

Dans le cadre du Forum économique mondial de Davos, la présidente de la BCE, Christine Lagarde, a souligné la nécessité pour la politique monétaire de "maintenir le cap".

"Les responsables de la BCE pensent qu'ils doivent tuer l'inflation et n'arrêteront les hausses de taux que lorsqu'ils verront une amélioration importante des perspectives d'inflation", a déclaré Carsten Brzeski, responsable mondial de la macroéconomie chez ING.

Pour les investisseurs, la réunion de jeudi suscite cinq questions clés :

1/ Que va décider la BCE ?

Pour les observateurs, il ne fait guère de doute que la BCE relèvera son taux de dépôt d'un demi-point de plus jeudi, pour le porter à 2,50%. La conférence de presse de Christine Lagarde à partir de 13h45 GMT concentra tous les regards.

Les signes de ralentissement de l'inflation ont incité les marchés à revoir à la baisse leurs anticipations sur le niveau auquel les taux pourraient culminer, à environ 3,3%. Les responsables de la BCE ont déjà remis en question les orientations des marchés et les anticipations sur le taux terminal pourraient remonter vers 3,5% si des perspectives économiques plus favorables venaient à encourager de nouveaux messages plus restrictifs.

"La BCE doit être 'hawkish'", a déclaré Eoin Walsh, chez TwentyFour Asset Management. "Je ne sais pas si (Christine) Lagarde dira que la fixation du taux terminal par le marché est trop basse, mais je m'attends à ce qu'elle réaffirme que la BCE continuera à relever les taux."

2/ La BCE donnera-t-elle des indications pour le mois de mars et au-delà ?

Les marchés l'espèrent car les perspectives au-delà de la réunion du 2 février sont très incertaines. Certains membres du comité - dont les gouverneurs des banques centrales des Pays-Bas et de Slovaquie - sont favorables à une forte hausse de taux en mars.

Des membres, parmi les plus "colombes" de l'institution, s'y opposent, compte tenu de la modération de l'inflation globale. Fabio Panetta, membre du directoire de la BCE, estime que la banque centrale ne devrait pas s'engager à prendre de mesures spécifiques au delà de février.

"On s'est demandé récemment pourquoi les marchés ne comprenaient pas ce que la BCE allait faire ensuite", a déclaré Carsten Brzeski chez ING. "Une partie de l'explication est que les marchés sont trop optimistes, mais il est aussi question de la communication chaotique de la BCE et qui nous devrions écouter."

3/ La BCE va-t-elle parler "resserrement quantitatif" ?

La BCE prévoit de réduire le portefeuille d'obligations accumulées ces dernières années dans le cadre du programme d'achats APP de 15 milliards d'euros en moyenne par mois de mars à juin. UBS s'attend à ce que la banque réaffirme que le rythme de ce "resserrement quantitatif" au-delà de juin sera décidé ultérieurement alors que d'autres économistes s'attendent à une accélération du processus.

"La BCE fournira des indications supplémentaires sur le bilan, y compris sur la manière dont les différents programmes APP seront gérés et, ce qui est important, sur le débouclage prévu des avoirs entre pays", estime Patrick Saner, responsable de la stratégie macroéconomique chez Swiss Re.

4/ A quelle vitesse l'inflation sous-jacente est-elle susceptible de diminuer ?

Les prévisions actualisées de la BCE n'étant pas attendues avant mars, Christine Lagarde sera probablement interrogée sur la manière dont la BCE perçoit l'évolution de l'inflation sous-jacente.

Les chiffres de l'inflation de janvier dans la zone euro, qui seront publiés la veille de la réunion de la BCE, pourraient tomber à point nommé.

D'après le consensus Reuters, les prix à la consommation dans les 20 pays du bloc monétaire sont attendues en hausse de 9,1% après +9,2% et le taux d'inflation hors énergie et produits alimentaires non transformés à 6,9% comme un moins plus tôt.

5/ La BCE est-elle plus optimiste sur les perspectives de croissance ?

Mario Centeno, le gouverneur de la banque centrale portugaise, estime qu'une récession peut être évitée. L'activité du secteur privé a connu une croissance inattendue en janvier, selon les premiers résultats de l'enquête PMI pour la zone euro, et JPMorgan, à l'instar de Goldman Sachs, a relevé ses prévisions de croissance économique. La banque américaine table sur une croissance de 1% au premier trimestre, contre une contraction de 0,5% précédemment.

"Oui, la BCE reconnaîtra certainement l'amélioration du contexte de croissance intérieure et extérieure", a déclaré Patrick Saner de Swiss Re.

"En fait, cela lui permettra également de faire valoir que les taux doivent augmenter et rester à ce niveau pendant un certain temps, car un environnement de demande plus fort entrave un recul de l'inflation sous-jacente, ce qui est le plus important."

(Dhara Ranasinghe et Stefano Rebaudo à Milan; graphiques Vincent Flasseur et Kripa Jayaram, version française Laetitia Volga, édité par Blandine Hénault)

par Dhara Ranasinghe et Stefano Rebaudo