Comme les crypto-actifs étaient un nouvel objet à appréhender et qu’il n’est pas question de ne pas taxer (hérésie !), l’administration fiscale a un peu tâtonné dans la mise en place d’un régime adapté. Néanmoins, après de valses hésitations, un régime assez clair s’est dégagé en 2019. Encore en vigueur aujourd’hui, il a été simplifié davantage par la loi de finances 2022, avec une application à l’objectif 2023. Nous vous présenterons donc dans ces lignes le régime d’imposition actuellement applicable, mais également celui qui le sera à partir du 1er janvier 2023.  

Simplicité et exhaustivité ne faisant que rarement bon ménage, surtout en matière fiscale, précisons dès à présent que nous allons vous présenter les grandes lignes de la fiscalité applicable, en faisant abstraction de certaines des subtilités qui font toute la saveur de la fiscalité (qu’elle soit au demeurant française ou étrangère).  

DÉJÀ, QU’EST-CE QUI EST IMPOSABLE ? 

Et oui, avant de parler d’opérations imposables, faisons déjà le point sur ce que sont des “actifs numériques” au sens fiscal et qu’on appellera le plus souvent “crypto” ou « crypto-actifs » dans ces lignes par souci de simplicité. 

Sont donc concernés :  

  • toutes les crypto-monnaies, y compris les stablecoins (enfin… a priori ! mais pour votre santé mentale on vous épargnera les débats juridiques sur le sujet et on considérera que les stablecoins sont des crypto-actifs dont les plus-values sont imposées selon les modalités décrites ci-après) 
  • et les jetons, définis comme “des biens incorporels représentatifs de droits”, et regroupant essentiellement les tokens émis lors d’ICO 

Quid des fameux NFT (non-fungible tokens) ? Comme leur nom l’indique, ces jetons ne sont pas interchangeables. Du fait de cette unicité, ils ne constituent pas une crypto-monnaie. Et bien qu’ils soient dénommés “jetons”, ils ne semblent pas en détenir les caractéristiques : un Crypto Punk, pour prendre un exemple concret de NFT, est en effet un objet en soi. Certes incorporel, mais un objet malgré tout. Certains NFT pourraient à l’inverse être qualifiés de jetons au sens fiscal mais là aussi, pour votre santé mentale, faisons simple : les NFT ne sont pas des “actifs numériques” au sens fiscal. Ils ne sont donc pas concernés par le régime d’imposition des plus-values qu’on va dérouler ci-dessous, mais par le régime des plus-values sur bien meubles de l’article 150 UA du Code général des impôts, au même titre qu’un bateau ou une œuvre d’art traditionnelle.  

QUELLES OPÉRATIONS SONT IMPOSABLES ? 

Ce qui est imposable, ce sont les opérations susceptibles de générer une plus-value, à savoir : 

  • La cession d’un actif numérique en contrepartie d’une devise ayant cours légal 
  • L’échange d’un actif numérique contre un bien ou un service 
  • L’échange de cryptos avec soulte  

Vous êtes donc imposable lorsque vous changez vos cryptos contre une monnaie fiat (ou monnaie fiduciaire, de son vrai nom en français) et ce, même si votre argent reste sur la plateforme d’échange.  

Vous êtes également imposable chaque fois que vous utilisez les cryptos comme monnaie afin d’acquérir un bien ou un service.  

En revanche, vous n’êtes pas imposable pour la simple détention de cryptos ou si vous échangez des cryptos entre elles. Sauf à ce que cet échange ne s’accompagne d’une soulte, c’est-à-dire d’une somme d’argent.  

Dernière info, et d’importance, quant aux opérations imposables : vous n’êtes imposés que lorsque le montant total des cessions réalisées dans l’année dépasse 305€. En deçà de ce montant, les plus-values réalisées sont tout simplement exonérées ! 

QUELLE IMPOSITION ? 

Après quelques errements, la loi de finances 2019 a instauré un régime d’imposition spécifique pour les actifs numériques, cohérent et aligné sur celui des valeurs mobilières : les plus-values sur crypto-actifs sont imposées au taux global de 30% (12,8% d’imposition forfaitaire et 17,2% de prélèvements sociaux).  

Bon... en fait, c’est un tout petit peu plus complexe que ça. Vous êtes imposés au taux global de 30% si vous êtes une personne physique réalisant à titre occasionnel des plus-values sur crypto-actifs dans le cadre de la gestion de votre patrimoine privé. Mais si l’administration fiscale considère, au vu de la fréquence de vos opérations et du montant de vos plus-values, que ce n’est pas votre cas, votre plus-value est imposable dans le régime des BIC (bénéfices industriels et commerciaux). A moins que votre plus-value ne provienne pas du trading de crypto mais soit la contrepartie de votre activité de minage, auquel cas vous relevez du régime des BNC (bénéfices non commerciaux).  

Simple, non ?  

Pas vraiment. C’est d’ailleurs sur ce point que la loi de finances 2022 est intervenue. A partir du 1er janvier 2023, les choses sont donc simplifiées :  

  • Si vous êtes un “investisseur privé” : vous êtes toujours imposé au taux global de 30%. Avec une nouveauté cependant : vous pourrez, à l’instar de ce qui a cours pour les plus-values classiques, opter pour l’imposition au barème progressif de l’impôt sur le revenu. Option qui, pour faire simple, n’a d’avantage que lorsque votre TMI (taux marginal d’imposition) est inférieur à 12,8%, c’est-à-dire lorsque vos revenus sont inférieurs à 26 070€ (montant 2022 pour un contribuable seul) 

NB : cette option sera ouverte pour les cessions réalisées à partir du 1er janvier 2023, donc ne pourra être exercée qu’en 2024, à l’occasion de l’imposition des revenus 2023. 

  • Dans tous les autres cas : c’est le régime des BNC qui prévaut

Exit donc la notion d’opérations “occasionnelles” ou “à titre habituel” pour déterminer votre régime d’imposition, qui, en plus d’être floue et à l’appréciation totale de l’administration fiscale en cas de contrôle, n’est pas du tout adaptée à l’univers des crypto-actifs : un particulier peut en effet réaliser un nombre important d’opérations sur l’année et bénéficier de plus-values conséquentes, sans que cela ne constitue aucunement une activité professionnelle ou assimilée, de sorte que le risque de requalification sous le régime actuel est réel ! La différence entre un investisseur privé et un investisseur professionnel se fera donc à partir de 2023 sur la seule base de critères purement qualitatifs (qui n’ont cependant rien d’objectif, dites bonjour à l’appréciation mouvante de l’administration fiscale) : sophistication des techniques employées, savoir-faire déployé, ou, et c’est un peu plus surprenant, bénéfice de frais préférentiels en contrepartie d’un engagement à trader un certain volume par mois.  

Notez que ce régime « simplifié » ne choquera pas outre mesure les habitués des marchés, puisqu’il est strictement identique à celui applicable aux plus-values sur actions.  

COMMENT CALCULER VOS PLUS OU MOINS-VALUES ? 

En réalité, la spécificité du régime d’imposition des crypto-actifs réside dans le mode de calcul des plus-values. Attention, il va falloir suivre attentivement.  

Pour calculer les plus ou moins-values sur actions, c’est simple : on se contente de faire la différence entre le prix de cession et celui du prix d’acquisition. Logique, me direz-vous.  

En matière de cryptos, on raisonne différemment : au lieu de retenir le prix d’acquisition réel des actifs, on retient une proportion du prix d’acquisition du portefeuille pris dans sa globalité. Pour cela on applique la formule suivante et ce, à chaque opération imposable : 

 Prenons le temps d’expliciter chacun des éléments de cette formule :  

Le prix de cession 

Le prix de cession est le prix réel perçu à l’occasion de la cession ou la valeur de la contrepartie en biens ou services obtenue, réduit dans tous les cas des frais supportés par le cédant. Ces frais déductibles sont essentiellement de deux ordres : frais payés aux plateformes lors de la cession et frais payés aux mineurs en contrepartie de la validation de l’opération. 

En tout état de cause, le prix de cession doit être établi en euros, par application si nécessaire du taux de change à la date de chaque opération.  

La valeur globale du portefeuille 

La valeur globale du portefeuille est égale à la somme des valeurs des actifs numériques détenus par le foyer fiscal du cédant, évalués au moment de l’opération imposable et ce, quel que soit leur support de conservation (plateforme d’échanges, serveur personnel, hardware wallet, etc.). Or comme on le sait, les cryptos n’ont pas de cours officiel ! Pour établir cette valeur, le fisc accepte donc que le contribuable ait recours aux historiques de cotation moyenne journalière sur les principales plateformes d’échange, disponibles sur divers sites internet. Cela suppose néanmoins de tenir des comptes détaillés et documentés de toutes vos opérations sur crypto. 

Le prix total d’acquisition  

Afin de tenir compte des cessions préalables, il faudra penser, à chaque nouvelle opération imposable, à réduire le prix total d’acquisition de la somme des fractions de capital initial (voir exemple chiffré ci-dessous). 

A la fin, il n’y a plus qu’à prendre l’ensemble des plus et moins-values réalisées au cours d’une même année et à les additionner, pour obtenir une plus-value nette, qui seule sera imposée. À moins que vous n’obteniez une moins-value nette, qui ne pourra pas être imputée sur les éventuelles plus-values réalisées sur actions, en ce qu’elles sont de nature différente, mais qui ne pourra pas non plus, et c’est là une particularité du régime d’imposition des cryptos, être imputée sur les plus-values cryptos réalisées au cours des années suivantes. Votre éventuelle moins-value nette sur crypto est donc une perte sèche, sans compensation, qu’il conviendra tout de même de déclarer (voir formalités plus bas). 

Prenons un exemple chiffré pour rendre toutes ces belles paroles un peu plus concrètes : 

En février, un contribuable ouvre un compte et acquiert pour 1 000 € de Dogecoin. 

En mars, la valeur de son portefeuille atteint 1 300 € ; il décide de sécuriser son gain en réalisant une cession à hauteur de 500 €. 

La plus-value dégagée est donc égale à : 500 – (1000 x 500 / 1300) = 500 – 385 = 115 € 

En août, il échange 50 Dogecoin contre 10 Ripple. Il s’agit d’une opération intercalaire, qui n’est pas imposable. 

Au mois de septembre, la valeur de son portefeuille atteint désormais 1 100 € ; il s’achète un ordinateur portable d’une valeur de 700 € avec une partie de son portefeuille. 

Pour déterminer la plus-value réalisée à cette occasion, il convient au préalable de minorer le prix total d’acquisition de la fraction de capital initial de 385 € déduite lors de la précédente cession. La plus-value réalisée lors de l'achat de l'ordinateur portable est donc égale à : 700 – [(1000 – 385) x 700 / 1100] = 700 – 391 = 309 €  

Lors de sa déclaration annuelle, le contribuable devra donc déclarer une plus-value globale de 115 + 309 = 424 € 

COMMENT DÉCLARER ? 

Première chose à faire, si vous possédez un compte sur une plateforme de crypto étrangère : déclarer l’existence de ce compte, à l’aide du formulaire dédié, le formulaire 3916 bis.  

NB : Le contribuable négligent risque une amende de 750 € par compte non déclaré, portée à 1 500 € lorsque la valeur vénale du compte non déclaré a été supérieure à 50 000 € à un moment quelconque au cours de l’année d’imposition concernée. 

Deuxième étape : détailler l’ensemble des cessions réalisées par votre foyer fiscal au cours de l’année, avec calcul des plus ou moins-values, sur le formulaire 2086 qui sera annexé à votre déclaration de revenus.  

Il conviendra d’y indiquer, pour chaque cession :  

  • le prix de cession, avec les frais éventuels 
  • le prix total d’acquisition du portefeuille en détaillant la somme des prix et valeurs d’acquisition à retenir 
  • la valeur globale du portefeuille 
  • le montant de la plus ou moins-value réalisée

A noter que si le montant total des cessions n’excède pas 305€, vous n’avez à indiquer sur l’annexe que le prix de chaque cession en détaillant, le cas échéant, les frais supportés et la soulte reçue ou versée. 

Troisième et dernière étape : reporter votre plus-value ou moins-value nette sur votre déclaration de revenus. Plus précisément, il s’agit des cases 3AN et 3BN du formulaire 2042 C

Vous voilà en règle avec les impôts ! 

VOUS PRENDREZ BIEN QUELQUES ASTUCES POUR FINIR ? 

Vous êtes atteint de phobie administrative ? Excel vous donne des boutons ? Voici quelques “astuces” pour vous simplifier la vie : 

1/ Échanger vos cryptos contre des stablecoins, tels que le Tether (USDT) ou l’USD Coin (USDC), plutôt que contre des euros sonnants et trébuchants. Vous aurez l’avantage de sécuriser votre gain en vous rattachant à une monnaie fiat mais sans concrétiser de plus-value dans la mesure où vous restez investi en crypto actifs.  

2/ Recourir aux produits dérivés. Il est en effet possible de trader les cryptos sans en détenir, grâce aux CFD et autres produits dérivés. Inconvénient : avec l’effet de levier, le risque est décuplé. Avantage : les plus et moins-values réalisées sur les dérivés relèvent du régime traditionnel d’imposition des instruments financiers. Vous êtes donc toujours imposé à 30%, mais avec la possibilité de pouvoir compenser vos éventuelles moins-values avec les plus-values réalisées par ailleurs sur d’autres actifs et de pouvoir, le cas échéant, imputer votre moins-value nette sur les dix années à venir.  

3/ Faire appel à un professionnel du chiffre. Cela représente un coût certain mais si vous avez réalisé des plus-values conséquentes et/ou de nombreuses opérations, prendre l’attache d’un professionnel peut s’avérer pertinent et vous éviter un coûteux redressement fiscal. 

4/ Solution moins coûteuse, mais qui nécessitera que vous mettiez la main à la pâte : avoir recours à des solutions logicielles fiscales et comptables qui permettent de tracer, agréger et reporter les informations des comptes que vous y importez. C’et toujours plus fiable qu’un fichier Excel maison ! 

Disclaimer :  

Le présent guide a pour objet de présenter la situation applicable au 1er janvier 2022 au regard du droit français.Les informations présentées ici sont exclusivement de nature générale et ne visent pas la situation particulière d’une personne, physique ou morale. Le traitement fiscal dépend de la situation de chacun. 

Les informations ainsi présentées ne sont pas exhaustives. Il est par ailleurs possible qu’elles ne soient pas exactes ou à jour. En cas de doute, rapprochez-vous du centre des impôts compétent ou consultez un spécialiste habilité à fournir un conseil fiscal. 

Surperformance SAS décline toute responsabilité pour les usages faits des informations contenues dans ce guide.