Publié le 27/05/2020
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Par Bruno Cabrillac

Une pandémie est caractéristique des défis qui ne peuvent être surmontés que par une action mondiale. Malgré un contexte pré-crise lourd de tensions géopolitiques et commerciales, cette nécessaire coordination internationale a bien été au rendez-vous dans le domaine économique. Cependant, la phase de sortie de crise exacerbera les conflits d'intérêts et constituera un « stress test » pour le multilatéralisme.

Graphique 1. Types de mesures prises par les Gouvernements en réponse à la crise du Covid-19 (en % du nombre des pays du G20+)Source : FMI, avril 2020.

Note : Le G20+ comprend l'Espagne; mesures financières: garanties publiques d'emprunt, prêts publics etc. ; mesures sociales : transferts aux ménages ; mesures fiscales : baisses ou remises d'impôts, délais de paiement etc. ; mesures réglementaires : restrictions aux licenciements, suspension des loyers.

Un choc mondial, un diagnostic partagé, des réponses nationales de même nature

En apparence, la réponse à la crise sanitaire a été essentiellement nationale. Pourtant, l'OMS y a joué un rôle essentiel. Ainsi, en raison des recommandations de l'OMS mais aussi des effets endogènes de la mondialisation (propagation des idées, des comportements et des politiques), un grand nombre de pays ont mis en place des stratégies de réponse sanitaire similaires. À la mi-avril, 4,5 milliards de personnes étaient confinées.

Comme pour les mesures sanitaires, il faut souligner la réactivité des instances multilatérales en matière économique. Le 16 mars, les Chefs d'État du G7 reconnaissent que « la pandémie de COVID-19 est […] une crise sanitaire internationale, qui fait également peser des risques majeurs sur l'économie mondiale ». Le 26 mars, la déclaration finale du Sommet des Chefs d'État du G20 est encore plus explicite : « La pandémie de COVID-19, qui est sans précédent, est un puissant rappel de nos interactions et de nos vulnérabilités communes. Le virus ne connaît pas de frontières. La lutte contre cette pandémie exige une réponse internationale transparente, robuste, coordonnée, à grande échelle. »

Ce consensus sur le diagnostic s'accompagne d'un consensus sur le traitement. Il faut traiter la crise sous tous ses aspects : « notre priorité absolue va à la lutte contre la pandémie et ses conséquences directes sur le plan sanitaire, économique et social » (G20). Il faut mobiliser « tous les moyens à la disposition de nos gouvernements » (G7) avec « des mesures immédiates et fortes pour soutenir nos économies, protéger les travailleurs et les entreprises, en particulier les petites et moyennes entreprises, les secteurs les plus affectés et les personnes vulnérables grâce à une protection sociale adéquate » (G20). Plus encore que lors de la grande crise financière, la réponse a été universelle : le site du FMI qui recense, en temps réel, les mesures prises, montre que presque tous les pays ont mis en place des mesures de soutien de leur économie.

Le consensus sur le diagnostic et le traitement facilite une coordination de fait de mesures qui ont été prises au plan national. Le deuxième volet du Plan d'actions du G20, publié le 15 avril, est consacré à la réponse d'urgence à la crise pour soutenir l'économie. Presque partout, les politiques monétaires y ont contribué largement. Comme le notent Odendahl et al., « les banques centrales ont été très actives dans le cadre de leurs mandats en mettant en œuvre diverses mesures à grande échelle en un mois, c'est-à-dire beaucoup plus rapidement que lors des crises précédentes ». Le recensement fait par le FMI montre aussi une grande convergence tant dans la nature que dans le champ des mesures (graphique 1) prises par les gouvernements.

Les sceptiques remarqueront qu'il s'agit plus d'une mise en cohérence ex-post que d'une stratégie ex-ante. Ils souligneront que, si le virus « ne connaît pas de frontières », les États ont massivement recours aux restrictions de mouvements internationaux de personnes. Ils objecteront également que l'ampleur de ce soutien varie considérablement d'un pays à l'autre, plus que lors de la grande crise financière : par exemple, le plan de relance budgétaire est évalué par le FMI (fin avril) à 1% du PIB en Inde et à 11% aux États-Unis tandis que l'action de la FED est beaucoup plus vigoureuse que celle de la Reserve Bank of India. Mais, d'une part, cette convergence « automatique » des mesures d'urgence nationales est en large partie un effet de la mondialisation ; d'autre part, les mesures sanitaires, notamment de confinement, ont eu des effets économiques différents, appelant une réponse différenciée.

L'aide aux pays en développement : un grand effort de solidarité internationale

Le troisième volet du Plan d'actions du G20 retrace un effort coordonné sans précédent pour aider les pays en développement à faire face à cette crise. Les banques multilatérales de développement se sont engagées à des financements d'urgence à hauteur de 200 milliards de dollars. Le FMI a assoupli les règles qui régissent ses financements, en augmentant les plafonds et en réduisant les délais d'engagement et de déboursement ; il a aussi créé, le 16 avril, un instrument de court terme plus adapté à des besoins de ressources extérieures importants et urgents. Ces mesures doivent permettre une mobilisation des ressources du FMI, équivalente à 1000 milliards de dollars, pour les pays qui ont besoin de ressources extérieures. En outre, plusieurs pays, dont la France, se sont engagés à augmenter leur contribution au Fonds du FMI qui finance les prêts aux pays pauvres. La mesure la plus emblématique de cet effort est un moratoire temporaire sur le service de la dette des pays les plus pauvres du 1er mai jusqu'à la fin 2020, portant potentiellement sur environ 35 milliards de dollars. Tous les grands créanciers officiels bilatéraux y participent, grâce à un accord inédit entre le Club de Paris et des États n'en faisant pas partie, tels la Chine et l'Inde. Au total, ce sont 30 pays créanciers qui se sont mis d'accord pour geler les échéances de 77 pays parmi les plus pauvres.

On pourra regretter que l'allocation générale de DTS qui aurait permis de distribuer 500 milliards de DTS de liquidité internationale supplémentaire (en 2009, une allocation de 250 milliards avait été décidée) ait été ajournée en raison de l'opposition des États-Unis. On pourra également remarquer que cet effort de solidarité est sans commune mesure avec les plans de soutien des économies du G20. Il n'en demeure pas moins que la rapidité et l'ampleur de cet effort de solidarité multilatérale sont sans précédent.

La phase de sortie de crise sera un « stress test » pour la coopération internationale

Le Plan d'actions du G20 comprend également un volet conçu pour être évolutif sur la phase de sortie de crise, en réaffirmant que la coordination internationale sera un élément clé de sa réussite. Or, la phase de sortie de crise la mettra à rude épreuve, car cinq facteurs poussent à des comportements non coopératifs.

Les sorties de crise seront probablement désynchronisées.

Les États seront tous plus endettés et dans des proportions encore plus divergentes : les différences de vue et d'intérêt sur la nécessité, le calendrier et le rythme d'une amélioration de la soutenabilité des finances publiques s'en trouveront exacerbées.

Les politiques mises en place sont en large partie destinées à soutenir l'offre, c'est-à-dire les entreprises ; or, par nature, ce type de soutien peut être non coopératif notamment dans un contexte de surcapacités dans certains secteurs (par exemple sur l'acier) et de polémiques sur les subventions aux entreprises.

Les ruptures engendrées par la crise sanitaire (tant du côté de l'offre que de la demande) qui s'ajoutent à celles engendrées par la transition énergétique et la digitalisation accroissent le besoin ou la tentation de politiques industrielles nationales.

De profondes divergences de vues sont déjà apparentes sur le « monde d'après », notamment sur la priorité à la lutte contre le changement climatique ou contre les inégalités.

Dans ce contexte, la sortie de crise sera, bien plus qu'en 2009, un véritable « stress test » pour le multilatéralisme. Le fait que le Plan d'actions du G20 marque une volonté de coordination internationale ex ante de la sortie de crise, bien qu'insuffisant, est néanmoins un bon signe.

Enfin, le Plan d'actions du G20 comprend un volet qui propose de tirer les leçons de cette crise pour renforcer la gouvernance mondiale et, singulièrement, le rôle du G20. Un volet certes peu ambitieux mais qui a le mérite d'exister. On n'avait pas besoin de cette crise pour être conscient que la gouvernance mondiale n'avait pas suivi le rythme de la mondialisation. Pour autant, le retard pris ne doit pas cacher le chemin parcouru par la gouvernance mondiale dont les deux dernières grandes étapes, l'Accord de Paris et la réponse à la crise du Covid-19 ne doivent pas être sous estimées.

Mis à jour le 27/05/2020 16:04

La Sté Banque de France a publié ce contenu, le 27 mai 2020, et est seule responsable des informations qui y sont renfermées.
Les contenus ont été diffusés par Public non remaniés et non révisés, le27 mai 2020 14:32:01 UTC.

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