* L'avocat général pour un avis favorable

* Risque de procès inéquitable selon ses avocats

par Chine Labbé

PARIS, 17 septembre (Reuters) - Les avocats de Yoo Somena, dont la famille est propriétaire du ferry qui a fait naufrage le 16 avril en Corée du Sud, ont demandé mercredi à la justice française de ne pas donner d'avis favorable à son extradition, qui serait selon eux "indigne".

Visée par une demande d'extradition de Séoul, Yoo Somena, qui est incarcérée depuis près de quatre mois à Fresnes (Val-de-Marne), est accusée de détournements de fonds qui seraient à l'origine de négligences dans la maintenance du Sewol.

Ces négligences auraient, selon la justice sud-coréenne, contribué à son naufrage.

Soupçonnée de cinq faits de détournement via une compagnie de design qu'elle dirige, la fille Yoo, 47 ans, encourt une peine de 45 ans de prison en Corée, a dit mercredi le président de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris.

Mais cette peine pourrait être assortie de travaux forcés, selon ses conseils, qui se réfèrent au code pénal sud-coréen.

"C'est quelque chose d'inacceptable", a dit à l'audience Me Hervé Temime, soulignant que sa cliente ne risque que sept ans de prison au maximum en France pour les faits reprochés.

"Rendre un avis favorable à cette extradition alors que (Yoo Somena) est susceptible d'encourir une peine avec travaux forcés, c'est (...) indigne."

L'avocat général s'est prononcé mercredi pour un avis favorable à son extradition. "La Corée du Sud n'est pas la Corée du Nord", a-t-il dit, soulignant qu'on lui reprochait le détournement d'un peu plus de six millions d'euros.

La cour d'appel de Paris se prononcera le 5 novembre.

En cas d'avis défavorable, l'extradition de Yoo Somena sera impossible. Si l'avis de la cour est au contraire favorable, la décision reviendra alors au gouvernement.

"LYNCHAGE MÉDIATIQUE"

Le 16 avril dernier, le naufrage du Sewol a coûté la vie à plus de 300 passagers dont de nombreux enfants, une tragédie qui a mis toute le pays en émoi. Le Premier ministre a dû démissionner en raison des nombreuses critiques visant la gestion par son gouvernement du naufrage.

La Corée du Sud soupçonne des détournements de fonds commis par plusieurs membres de la famille Yoo, à qui appartient l'opérateur du ferry et une myriade de sociétés, d'être à l'origine de négligences ayant contribué au naufrage.

Juste après la catastrophe, elle a mené une véritable chasse à l'homme à l'encontre du père de famille, Yoo Byung-un, 73 ans. Son corps a été retrouvé au mois de juin et identifié depuis.

L'un des frères de Yoo Somena est actuellement en prison en Corée du Sud et son autre frère est introuvable.

Installée en France depuis 2013, Yoo Somena, dont le fils de 16 ans est scolarisé dans le pays, est apparue très émue mercredi, séchant des larmes à l'évocation du nom de son père.

Pour la troisième fois, la cour a refusé de la libérer, invoquant des risques de fuite.

Ses avocats estiment que rien dans l'enquête menée "à la va-vite" en Corée du Sud par une équipe spéciale ne permet d'établir un lien entre elle et le Sewol.

Victime d'un "lynchage médiatique" comme tous les membres de la famille Yoo, elle ne pourra pas bénéficier d'un procès équitable, estime Me Rachel Lindon. (édité par Yves Clarisse)