* Le chef de l'Etat français défend "les coronabonds"

* Sujet clivant au sein du bloc, Berlin s'y oppose

PARIS, 16 avril (Reuters) - Les populistes gagneront en Italie, en Espagne et peut-être en France si l'Union européenne ne parvient pas à se montrer solidaire à l'égard des pays du bloc les plus éprouvés par l'épidémie de coronavirus et à s'accorder sur la question des "coronabonds", estime Emmanuel Macron dans une interview au Financial Times publiée jeudi.

Les pays de la zone euro sont convenus le 9 avril d'un ensemble de mesures d'urgence pour environ 500 milliards d'euros afin de tenter de soutenir l'activité fortement affectée par l'épidémie mais des divergences persistent sur les modalités du financement d'un futur plan de relance.

Le désaccord porte notamment sur le recours à des instruments de dette commune ("conorabonds"). Le clivage oppose des pays comme l'Allemagne et les Pays-Bas, résolument hostiles à ce mécanisme, à des pays plus touchés par l'épidémie et plus endettés, comme l'Italie ou la France, qui y sont favorables .

"Si on ne sait pas faire ça aujourd'hui, je vous le dis, les populistes gagneront aujourd'hui, demain, après-demain en Italie, en Espagne, peut-être en France et ailleurs", met en garde Emmanuel Macron dans un entretien au Financial Times.

"C'est évident parce qu'ils (les populistes-NDLR) diront : 'qu'est-ce que c'est que cette aventure que vous me proposez ?" Ces gens là ne vous protègent pas quand vous avez une crise, ils ne vous protègent pas le lendemain, ils n'ont aucune solidarité avec vous'", estime le chef de l'Etat français.

"EFFONDREMENT" DE LA ZONE EURO

"'Lorsque vous avez les migrants qui arrivent chez vous, ils vous proposent de les garder. Lorsque vous avez l'épidémie qui arrive chez vous, ils vous proposent de la gérer. Ils sont sympathiques, au fond'", a-t-il poursuivi, en imaginant l'argumentaire des partis populistes.

"'Ils sont pour l'Europe quand il s'agit d'exporter vers chez vous les biens qu'ils produisent, ils sont pour l'Europe quand il s'agit d'avoir votre main-d'œuvre bon marché et de produire des équipements de voitures qu'on fait plus dans nos pays, mais ils ne sont pas pour l'Europe quand il faut mutualiser."

Pour le chef de l'Etat français, les premières réponses apportées par la Commission européenne, notamment en terme de financement du chômage partiel, sont les bonnes mais il faut aller plus loin.

"Nous sommes à un moment de vérité qui consiste à savoir si l'Union européenne est un projet politique ou un projet de marché uniquement", estime-t-il. "Moi, je pense que c'est un projet politique."

"Si on n'y va pas, il y a un vrai risque d'effondrement de la zone euro et de l'idée européenne", poursuit-il. "On ne peut pas avoir un marché unique où on sacrifie certains."

"Donc nous sommes au moment de vérité où il n'est plus possible d'avoir, je ne parle pas du passé, mais un financement des dépenses que nous sommes en train d'engager dans le cadre de la lutte contre le Covid-19 et que nous aurons à engager dans la relance qui ne soit pas mutualisé parce que nous sommes devant une vraie politique de relance", ajoute Emmanuel Macron. "Nous allons devoir faire une relance."

La question des "coronabonds" sera de nouveau à l'ordre du jour de la prochaine visionconférence des chefs d'Etat et de gouvernement de l'Union européenne prévue le 23 avril prochain. (Marine Pennetier, édité par Nicolas Delame)