Wuhan (awp/afp) - Des milliers de Chinois célèbrent mercredi la fin du bouclage de Wuhan, la ville à l'origine du Covid-19, mais la pandémie qui a déjà fait plus de 80.000 morts dans le monde continue de s'étendre notamment en Europe et aux Etats-Unis, provoquant une récession sans précédent depuis la Seconde guerre mondiale.

Des dizaines de milliers de passagers se sont rués dans les gares de Wuhan, à la faveur de la levée du blocage imposé fin janvier dans cette mégapole de 11 millions d'habitants.

"Je me suis levée à 4 heures aujourd'hui. Ça fait tellement de bien!", explique Hao Mei, une jeune femme de 39 ans avant de monter dans le train pour rejoindre ses enfants qu'elle n'a pas pu voir pendant plus de deux mois.

L'aéroport local a recommencé à accueillir des passagers et des milliers d'automobilistes ont pris la route pour quitter la ville. Les contrôles sanitaires restent toutefois stricts. Seuls deux morts ont été recensé au cours des dernières 24 heures en Chine.

Si la pandémie apparaît sous contrôle dans ce pays, trois mois après que le premier décès y a été rapporté, elle poursuit son périple mortel à travers le monde, notamment aux Etats-Unis où près de 2000 patients ont trouvé la mort en 24 heures, un record.

Continent le plus touché avec plus de 57'300 décès, l'Europe a commencé à prendre la mesure de l'impact économique dévastateur que la pandémie aura pour elle comme pour le reste du monde.

Chute des PIB

Premier des grands pays industrialisés à publier ses chiffres de croissance, la France, a annoncé mercredi une baisse d'environ 6% de son produit intérieur brut (PIB) au premier trimestre, qui a pourtant encore été partiellement épargné par la pandémie.

Locomotive du continent, l'Allemagne ne devrait guère mieux s'en sortir: ses instituts tablent sur un recul de près de 10% au deuxième trimestre, après une baisse limitée à un peu moins de 2% sur les trois premiers mois.

L'Organisation internationale du travail (OIT) a prévenu que 1,25 milliard de travailleurs risquent d'être directement affectés par la crise à travers la planète, où plus de 4 milliards de personnes, soit plus de la moitié de l'humanité, sont contraintes ou incitées par leurs autorités à rester chez elles.

Face à cette crise inédite, l'UE continue de se déchirer: après une nuit de discussions, ses 27 ministres des Finances ne sont pas parvenus à s'entendre sur une réponse économique commune.

"Mon objectif reste le même: un filet de sécurité européen solide contre les retombées du Covid-19 (pour protéger les travailleurs, les entreprises et les pays) et s'engager dans un plan de relance important", a assuré Mario Centeno, le président de l'Eurogroupe, qui a annoncé une reprise des pourparlers jeudi.

Barre des 100'000 morts

Mais l'Allemagne, comme les Pays-Bas, ont réaffirmé dans la matinée leur refus catégorique d'une mutualisation des dettes publiques pour relancer l'économie.

Aux Etats-Unis, l'administration du président Donald Trump a engagé de nouvelles discussions avec le Congrès pour débloquer 250 milliards de dollars supplémentaires en faveur des petites et moyennes entreprises afin de préserver l'emploi.

M. Trump, très remonté contre l'Organisation mondiale de la santé (OMS), qu'il accuse de favoriser la Chine, a menacé mardi soir de lui couper les vivres.

Le bilan de la pandémie approche la barre des 100'000 morts dans le monde. Ce comptage, à partir de sources officielles, est toutefois en dessous de la réalité, de nombreux morts hors des hôpitaux n'étant ni testés, ni comptabilisés.

La France a été mardi le quatrième pays à franchir la barre des 10'000 morts, après l'Italie, l'Espagne et les Etats-Unis.

L'Espagne a pour sa part annoncé mercredi une deuxième hausse consécutive du nombre de décès (+757 en 24 heures), pour un total de 14'555 morts.

Une crise s'ajoutant à la crise

Dans l'Etat de New York, le plus touché des Etats-Unis, les autorités s'accrochent néanmoins à une lueur d'espoir. "La moyenne sur trois jours est en baisse, ce qui est une bonne nouvelle", a souligné le gouverneur Andrew Cuomo.

Idem en Italie, pays le plus endeuilé (plus de 17.000 morts), où la situation s'est notamment stabilisée à Rome, avec "une légère baisse du nombre des admissions", que constate Girolamo De Andreis, coordinateur infirmier à l'hôpital Tor Vergata.

Le sud du pays, encore relativement épargné, craint toutefois le pire si la vague devait frapper de plein fouet son système hospitalier souvent en bout de course.

Comme à Locri, en Calabre, où l'hôpital local offre selon l'un de ses médecins "un service digne du tiers-monde" avec son manque chronique de docteurs, son scanner qui fonctionne un jour sur deux et les infiltrations mafieuses.

Le Covid-19, "c'est une crise qui vient s'ajouter à la crise", s'alarme le maire de la localité, Giovanni Calabrese.

En Grande-Bretagne, le Premier ministre Boris Johnson a passé sa deuxième nuit en soins intensifs après avoir été contaminé par le coronavirus. "Il s'en tirera, c'est un battant", a affirmé le ministre des Affaires étrangères, Dominic Raab, qui le remplace aux commandes du pays.

Confinement cinq étoiles

Si le virus frappe indifféremment puissants et anonymes, il n'en contribue pas moins à accentuer les inégalités.

Dans plusieurs régions des Etats-Unis, le Covid-19 tue ainsi de façon disproportionnée les Noirs, population souvent plus pauvre et exposée.

Confinés dans des palaces cinq étoiles à leur retour de l'étranger, de riches Koweïtiens se sont attirés des critiques sur les réseaux sociaux pour s'être plaints d'une "tache de café non nettoyée".

Les armées ne sont pas épargnées: la France a annoncé qu'une quarantaine de marins du porte-avions Charles de Gaulle étaient soupçonnés d'être contaminés.

Un défi auquel est également confrontée l'ONU pour ses 110'000 Casques bleus déployés dans une quinzaine d'opérations dans le monde.

A Bruxelles, la Commission européenne a finalement renoncé à rendre publiques mercredi ses recommandations pour une sortie coordonnée de la période de confinement, tandis que l'Autriche et le Danemark annonçaient des plans pour lever progressivement les restrictions.

afp/jh