La commission des sanctions estime que la société aurait dû rendre publique plus tôt l'information. Nous ne détaillerons pas ici cette affaire, qui a d'ailleurs été brillamment relatée ici. En revanche, nous allons nous pencher sur l'un des événements qui l'ont provoqué, sous l'angle de la sécurité.
 
Pourquoi la sécurité ? Remontons à la journée du 15 juillet 2014, et prenons place dans un Eurostar Londres-Paris. Ce jour-là, un banquier de Lazard est du voyage. Il est alors conseiller d'Iliad pour le projet sur T-Mobile US, une opération connue d'un nombre très restreint de personnes. C'est d'ailleurs sur ce dossier qu'il travaille pendant le trajet d'un peu moins de 2h30, en utilisant ponctuellement ses téléphones. Pas pour passer des coups de fil, non, mais pour envoyer des messages écrits. Il ne s'intéresse pas vraiment à son voisin de siège, qui ne porte pas l'uniforme standard de la City. Mais l'habit ne fait pas le moine et la place d'à côté est occupée par un banquier d'UBS "en civil". D'un œil, il capte des bribes d'échanges écrits par le banquier de Lazard. Notamment le fait que Xavier Niel est censé "devenir CEO de T-Mobile".
 
Soupçonnant qu'il se trame quelque chose d'important, notre espion improvisé transmet les informations à l'un de ses collègues spécialisé dans les télécoms. Lequel comprend vite de quoi il retourne et s'empresse de monter une équipe spéciale constituée de quatorze banquiers d'UBS pour aller proposer à Iliad un financement. Aucun des trois protagonistes d'origine n'a retiré d'avantage personnel, mais la commission des sanctions a mis en cause les deux banquiers d'UBS pour avoir agi en dehors de leurs fonctions normales en partageant l'information avec leurs collègues. La position finale de l'AMF, attendue dans les semaines à venir, sera très intéressante.
 
Humain, trop humain
 
Au-delà de sa dimension financière, cette affaire illustre très bien la nécessité de protéger ses informations, que vous soyez banquier d'affaires, dirigeant ou salarié. Les responsables de la sécurité informatique en entreprise savent très bien que la très grande majorité des compromissions est due à un comportement humain : ouverture d'un email vérolé, code de session scotché sous le PC portable… ou imprudence dans un lieu public. Pour en revenir à l'exemple du train, vous avez probablement déjà été l'auditeur passif d'une conversation entre collègues assis à deux sièges de vous, ou partagé sans le vouloir les discussions téléphoniques de votre voisin dans le TGV. Ce voisin qui vous a peut-être laissé en garde son PC allumé le temps d'aller aux toilettes ou à la voiture bar. Les informations ainsi obtenues ne sont pas forcément anodines, qui plus est sur des liaisons où les professionnels pullulent, comme l'Eurostar entre Londres et Paris.
 
Moralité ? Dans un monde hyperconnecté, protégez vos données avec les outils adéquats… mais restez aussi vigilants dans le monde réel, un coup d'œil par-dessus l'épaule est si vite arrivé.