Ce marché pourrait peser 108 milliards de dollars (90 milliards d'euros) en 2021 contre 3,9 milliards en 2016, estimait le cabinet suisse Digi-Capital dans un rapport publié en 2017, dont 25 milliards pour la réalité virtuelle et 83 milliards pour la réalité augmentée (contre respectivement 2,7 milliards et 1,2 milliard en 2016).

Les casques de réalité virtuelle offrent un univers créé de toutes pièces dans lequel évolue l'utilisateur. La réalité augmentée, portée par son utilisation dans les smartphones, superpose des éléments virtuels à notre vision du monde réel.

Ces deux technologies ont été démocratisées par l'industrie du jeu vidéo depuis 2016. La réalité virtuelle s'est fait connaître grâce à la commercialisation auprès du grand public des casques d'entreprises comme HTC, Oculus VR, filiale de Facebook, ou encore Sony. La réalité augmentée, elle, a connu un franc succès avec le jeu Pokemon Go à l'été 2016.

"Le secteur grand public et celui de l'industrie sont complémentaires. Le B to C (business to consumer, NDLR) est très innovant dans ces technologies et, dans le B to B, il nous arrive de reprendre ces innovations une fois qu'elles sont perfectionnées", souligne Frédéric Bochu, directeur de l'ingénierie industrielle de l'équipementier aérospatial Safran.

MENUISIER DU FUTUR

"Les technologies des hardwares (casques et lunettes) sont arrivées à maturité et permettent aujourd'hui un développement plus important d'applications industrielles, comme par exemple pour de la formation, de la manutention ou encore de la conception de produit", explique François-Xavier Leroux, associé chez Deloitte Digital.

"Les grands progrès des réalités virtuelle et augmentée ont été accrus par l’assemblage avec d’autres technologies telles que la modélisation 3D et l’internet des objets", précise-t-il.

D'autres, comme François Chopard, directeur général de Starburst Accelerator, un incubateur dédié aux start-up de l'aérospatial, se montrent plus prudents sur l'essor des applications industrielles à court terme.

"Ces technologies nécessitent que les entreprises soient capables d'entièrement numériser leurs produits", dit-il en estimant qu'il faudra encore deux à trois ans avant leur véritable déploiement.

Les logiciels et usages professionnels commencent pourtant à se déployer dans un marché toujours dominé par les applications destinées au grand public.

La société Mimbus, implantée en Haute-Garonne, a créé des simulateurs pour apprendre les métiers manuels. Parmi ses clients, on compte des centres de formation publics et des entreprises privées telles que BASF et Carglass.

Un futur menuisier, par exemple, voit dans le verre de ses lunettes de réalité augmentée où couper le bois et des voyants s'affichent devant ses yeux lorsqu'il commet des erreurs. Des capteurs sur ses mains lui font ressentir la résistance de la planche lorsqu'il la découpe avec sa scie virtuelle, le tout sans abîmer le morceau de bois.

"Nos solutions permettent de diviser le temps de formation jusqu'à dix fois, accroissent la sécurité de l'apprentissage puisque tout est virtuel, et réduisent les coûts de formation pour nos clients qui ne gaspillent plus de matière première", précise Emilie Christe, responsable marketing de Mimbus.

L'entreprise, fondée en 2011, affiche pour 2017 un chiffre d'affaires de 1,5 million d'euros, réalisé pour moitié à l'international.

TECHNOLOGIES COMPLÉMENTAIRES

Certains grands groupes français ont déjà perçu les importantes perspectives de croissance de ce marché. Safran a pris en septembre 2016 des parts dans Diota, spécialisée dans les logiciels de réalité augmentée.

"Cela nous permet d'avoir directement accès aux logiciels de réalité augmentée pour développer nos propres applications industrielles, tout en accompagnant Diota, qui du statut de start-up est déjà passé à celui de PME", explique Frédéric Bochu (Safran).

L'équipementier aérospatial a déjà mis au point plusieurs usages industriels des logiciels de cette société créée en 2009, dont un qui signale les défauts électriques en visualisant sur une tablette numérique les câbles à l'intérieur des parois des avions.

Sur son site Safran Nacelles du Havre, le groupe a aussi utilisé la réalité virtuelle pour concevoir des nacelles du programme A330neo d'Airbus.

Dans l'industrie, les deux technologies sont complémentaires : la réalité virtuelle est utilisée en amont pour visualiser le design et l'industrialisation des produits, tandis que la réalité augmentée est omniprésente sur les chaînes de montage et la maintenance en aval.

NOUVELLE GÉNÉRATION DE CASQUES

Beaucoup d'observateurs voient l'année 2018 comme l'an 1 des réalités virtuelle et augmentée.

"L'an 1 commencera vraiment, selon moi, à partir de Noël 2018 quand la nouvelle génération de casques sera sortie", insiste Tom Gauthier, fondateur de V-Cult, autre entreprise française, qui aide notamment des groupes de distribution à visualiser leurs futurs magasins ou produits en réalité virtuelle.

Ces futurs casques encore plus performants devraient accroître les possibilités d'applications industrielles, en parallèle du développement d'autres technologies de pointe telles que l'intelligence artificielle.

Les lunettes de réalité augmentée de la start-up américaine Magic Leap, qui a jusqu'ici levé 1,9 milliard de dollars, sont notamment très attendues en 2018, concurrentes potentielles de la prochaine version des HoloLens de Microsoft.

Le taiwanais HTC a, quant à lui, présenté son nouveau casque de réalité virtuelle, le HTC Vive Pro, au CES cette semaine.

(Edité par Dominique Rodriguez)

par Thierry Tranchant

Valeurs citées dans l'article : Airbus SE, Safran, Microsoft Corporation, BASF, Sony Corp, HTC Corp, Facebook