Non-exhaustive, ladite liste recense néanmoins quelques-uns des suspects habituels, dénominateurs communs à de nombreuses fraudes et malversations auxquelles ont recours des managements peu scrupuleux pour berner leurs investisseurs. 
 
1. Traçabilité des profits : peut-on retrouver au bilan les profits indiqués au fil des comptes de résultats – en clair, une fois retraités des dividendes et des rachats d'actions, les capitaux propres ont-ils évolué comme le cumul des profits le laisserait supposer ? 
 
2. Conversion du résultat net en cash : à l'aide des tableaux des flux de trésorerie, peut-on clairement réconcilier le résultat net avec le profit cash réel – ou "free cash-flow" dans le jargon des analystes – c'est-à-dire, dans les grandes lignes, le cash-flow moins les investissements requis dans le financement de l'exploitation, la maintenance des immobilisations et la croissance à long terme.
 
3. Qualité du chiffre d’affaires : l'entreprise a-t-elle une base diversifiée de clients bien identifiés, ou dépend-t-elle d'un seul ou de quelques grands comptes ?
 
4. Croissance suspecte : la croissance de l'entreprise est-elle très supérieure à celle de son marché, ou la moyenne de son industrie ? Si oui, deux options : soit elle fait quelque chose de remarquable, soit ses performances relèvent de la science-fiction.
 
5. Profil de marge : si ses marges sont très supérieures à celles de ses pairs, c'est que l'entreprise étudiée fait quelque chose de remarquable, par exemple dans le contrôle de ses coûts ou le développement de son image de marque, ou que ses performances relèvent – là aussi – de la science-fiction.
 
6. Croissance des actifs opérationnels en ligne avec celle du chiffre d’affaires : les immobilisations en lien avec la production et le besoin en fonds de roulement augmentent-ils proportionnellement à l'augmentation du chiffre d’affaires ? Si un décalage trop important existe, soit l'entreprise fonctionne avec un levier opérationnel très élevé, soit il y a anguille sous roche – car les ventes ne tombent pas du ciel : il faut mobiliser des actifs pour les réaliser.
 
7. Augmentation inhabituelle des revenus reportés (« deferred income ») : ce mécanisme comptable intervient lorsque le client a payé pour un bien ou un service que l'entreprise n'a pas encore rendu dans sa totalité ; parfaitement légitime dans certaines activités (par exemple les abonnements en ligne), il l'est cependant beaucoup moins dans d'autres cas de figure – mais il faut ici faire preuve de discernement. 
 
8. Facturations alambiquées entre les filiales : il arrive que différentes filiales d’une même entreprise se facturent d'importants montants les unes aux autres, en toute opacité ; il faut alors chercher le niveau des ventes "externes" et, surtout, bien comprendre l'impact de ces facturations internes sur le résultat consolidé.
 
9. Gains exceptionnels récurrents : les entreprises reportent à la suite de leurs résultats opérationnels des gains dits "exceptionnels", généralement issus de ventes d'actifs réalisées à une valeur supérieure à la valeur amortie ; lorsque ces derniers sont de plus en plus réguliers – et par extension de moins en moins exceptionnels – c'est généralement qu'il y a quelque chose à compenser du côté des profits issus de l'activité courante.
 
10. Croissance inhabituelle des créances clients en proportion du chiffre d'affaires : cela signifie qu'une partie toujours plus large des ventes est réalisée à crédit, et que le cash n'est pas encaissé en contrepartie du bien ou service délivré ; le signal d’alarme est encore plus fort lorsque la durée des crédits accordés aux clients est sans cesse rallongée.
 
11. Rotations des inventaires au ralenti : si les inventaires "tournent" de moins en moins lorsque le chiffre d'affaires augmente, cela signifie – au moins en théorie – que les stocks s'entassent à défaut d'être monétisés. Cet indicateur est un signe avant-coureur de banqueroute dans les petites entreprises industrielles ou chez les détaillants et, à titre d'anecdote, un dénominateur commun à de nombreuses fraudes parmi les entreprises chinoises cotées à Singapour ou à Hong Kong.
 
12. Comptabilité agressive : les libertés prises par certains managements – avec la complicité de leurs auditeurs – n'ont d'autres limites que leur créativité ; dépenses de recherche et développement injustement capitalisées, actifs surpayés et donc portés survalorisés au bilan, "profits" issus d'acquisitions réalisées pour un prix supposé moindre que la valeur comptable des entreprises rachetées ("bargain purchases"), revenus reconnus précipitamment, etc.
 
13. Rémunération excessive du management : le signal est particulièrement suspect lorsque la performance de l'entreprise se révèle décevante.
 
14. Tierces parties ("related parties') parasites : il arrive – notamment en Asie – que certaines entités tierces détenues par le management facturent l'entreprise, par exemple pour fournir des prestations de conseil ou des stocks de matière premières ; plus grave, ces facturations sont parfois très supérieures aux prix couramment observés sur le marché. Les sociétés cotées qui recourent à ces mécanismes sont en fait des véhicules conçus pour transférer l'argent des poches des actionnaires vers celles des dirigeants.
 
15. Démissions en série du personnel clé : par exemple des directeurs financiers – généralement bien placés pour connaître la réalité des cash-flows de l’entreprise – ou des administrateurs membres du comité d’audit. 
 
16. Vente des actions détenues par le management : s’il existe une dichotomie entre un management qui multiplie les communications triomphantes mais vend pourtant les actions qu’il détient, c’est sans doute que les premières sont moins sincères qu’il n’y paraît…