Le Premier ministre Keir Starmer, partisan du maintien dans l’UE en 2016, veut démontrer que cette relance profite concrètement aux Britanniques. Une manière de désamorcer les accusations de "trahison du Brexit", notamment de la part de Nigel Farage, leader de Reform UK. A Londres, Starmer doit conclure un accord d’alignement renforcé avec l’Union lors d’un sommet avec Ursula von der Leyen et Antonio Costa.

Le contexte mondial a changé depuis la sortie effective du Royaume-Uni en 2020. Au cœur de ce rapprochement : un pacte de défense et de sécurité qui permettrait aux entreprises britanniques d'accéder à un programme européen de réarmement de 150 milliards d’euros. Un enjeu majeur pour les industriels britanniques, confrontés depuis plusieurs années aux contraintes de la sortie du marché commun. 

Les négociations menées tout le week-end auraient abouti à un accord qui sera entériné aujourd'hui. 

Export, Erasmus et formalités allégées

Ce réchauffement intervient dans un contexte géopolitique instable : offensive russe en Ukraine, menaces sur l’ordre international portées par Donald Trump… Autant d’éléments qui poussent les capitales à renforcer leurs partenariats stratégiques.

Le Royaume-Uni a récemment signé un accord commercial avec l’Inde et obtenu des allègements tarifaires des Etats-Unis. De son côté, l’UE accélère ses propres négociations avec des pays comme le Canada, le Japon ou Singapour.

Londres espère notamment réduire les contrôles aux frontières et la paperasserie qui freinent les exportations agroalimentaires. Autre mesure attendue : un accès facilité des Britanniques aux portiques électroniques dans les aéroports européens.

En contrepartie, le Royaume-Uni pourrait accepter un programme de mobilité pour les jeunes et envisager un retour dans Erasmus+. La France pousse aussi pour un accord de long terme sur la pêche, sujet toujours sensible depuis le Brexit.

Un exercice d’équilibriste pour Starmer

Le référendum de 2016 a profondément divisé le pays, sur l’immigration, la souveraineté ou le commerce. Depuis, cinq Premiers ministres se sont succédé, et les relations avec Bruxelles se sont dégradées.

Si une majorité de Britanniques regrettent aujourd’hui le Brexit, peu souhaitent revenir dans l’UE. Nigel Farage reste populaire, ce qui limite les marges de manœuvre de Starmer.

Mais le Premier ministre a su établir un lien solide avec Emmanuel Macron, notamment sur le dossier ukrainien. N’ayant pas été associé aux luttes politiques du Brexit, Starmer jouit d’un a priori plus favorable à Bruxelles.

Des efforts mutuels qui pourraient porter leurs fruits

L’accord reste contraint par l’engagement de Starmer à ne pas réintégrer le marché unique ni l’union douanière. Il cherche toutefois un accès renforcé à certains secteurs, malgré la réticence de l’UE au "cherry picking" sans contreparties.

Pour alléger les règles sur les échanges alimentaires, Londres devra accepter un certain alignement sur les normes européennes. Starmer entend présenter cela comme un compromis utile pour faire baisser les prix.

Le volet pêche promet des tensions avec Farage, tandis que l’opposition conservatrice qualifie déjà la rencontre de "sommet de la reddition".

Un ancien conseiller commercial des deux côtés de la Manche estime qu’il faut "briser le tabou" de l’alignement réglementaire, au bénéfice des agriculteurs et des PME.

Selon les analystes, le volet défense équilibre l’accord et renforce sa légitimité. Comme le résume Allie Renison, ex-responsable du commerce au gouvernement britannique : "Quand les perturbations sont si visibles, toute réduction des frictions avec son principal partenaire va dans le bon sens."