PARIS (Reuters) - Pris en étau entre une majorité présidentielle qui les courtise pour voter ses lois et une extrême droite désireuse de s'ancrer dans les territoires, Les Républicains (LR) se choisissent un président pour jeter les bases d'un avenir politique incertain.

Les 91.000 adhérents revendiqués du parti désignent ce week-end parmi trois candidats celui qui les mènera vers des jours meilleurs, six mois après le score calamiteux de leur candidate Valérie Pécresse à l'élection présidentielle (4,78%).

Le scrutin électronique s'ouvre samedi à 18h00 pour se clore dimanche à la même heure. Un second tour est possible le week-end suivant.

Le député Eric Ciotti, son collègue Aurélien Pradié et le patron des sénateurs, Bruno Retailleau, briguent la tête d'une formation convalescente qui compte une soixantaine de députés, contrôle le Sénat et tente de résister à l'"alliance" proposée par Emmanuel Macron pour réformer le pays.

"Cela fait six ans qu'on nous dit qu'on est morts, que Macron va faire main basse sur nous. Or on est là, on tient, on est la première force politique en termes d'adhérents et d'implantation territoriale", a dit à Reuters Annie Genevard, présidente par intérim de LR.

Favori du scrutin, Eric Ciotti assume de fermes positions en matière sécuritaire et identitaire, au point d'avoir dit préférer le polémiste Eric Zemmour à Emmanuel Macron lors de la dernière campagne présidentielle.

CIOTTI SOUTIENT LA CANDIDATURE DE WAUQUIEZ EN 2027

"Pour que la France reste la France", il propose de "réhabiliter la valeur travail, lutter contre la violence et le désordre dans les rues, stopper l'invasion migratoire et la montée de l'islamisme", comme il l'a dit fin novembre lors d'une réunion militante en Eure-et-Loir.

L'élu de 56 ans a connu une campagne agitée, qui l'a vu notamment rejeter des accusations d'emplois fictifs concernant son ex-épouse, Caroline Magne. S'il l'emporte, il souhaite que le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes, Laurent Wauquiez, s'engage rapidement pour la présidentielle de 2027.

Face à lui, Bruno Retailleau, 62 ans, se présente en chantre de la "rupture" et de la lutte contre "les idéologies de la déconstruction que sont l'islamisme et le wokisme." Lui veut attendre les élections européennes de 2024 pour engager LR sur la route de l'Elysée.

"Le macronisme mourra de sa belle mort avec Emmanuel Macron", a dit le Vendéen à Reuters dans son bureau du Sénat. "En 2027, le risque c'est un deuxième tour entre Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen. Seule la droite peut proposer un projet sérieux, crédible, qui nous sorte de cette alternative."

Plus jeune et plus méconnu, Aurélien Pradié, 36 ans, entend représenter la "droite populaire", qui défend "la valeur travail".

A la différence de ce dernier, Bruno Retailleau et Eric Ciotti n'excluent pas de voter la réforme des retraites du gouvernement si le texte leur convient - avec un possible report de l'âge légal de départ à la retraite de 62 à 64 ou 65 ans. Vendredi dans Le Parisien, la Première ministre, Elisabeth Borne, estime "pouvoir trouver un chemin" avec LR sur ce texte en préparation.

Le camp présidentiel compte aussi sur eux pour la future loi sur l'immigration que les candidats LR jugent pour l'heure trop timorée, amenant leurs détracteurs à les accuser de faire le jeu du Rassemblement national de Marine Le Pen, deuxième force politique à l'Assemblée.

"NI MACRONISME, NI LEPÉNISME"

"Nous n'avons aucune préférence, chaque parti fait ce qu'il veut", dit une porte-parole du groupe Renaissance. "Mais nous regrettons que LR glisse vers l'extrême droite".

Vendredi sur France Inter, le nouveau président du RN, Jordan Bardella, a jugé intéressantes les campagnes d'Eric Ciotti et Bruno Retailleau, tout en invitant les électeurs LR à rejoindre son camp "national".

Si LR se range derrière le slogan "ni macronisme, ni lepénisme", force est de constater que le parti a aidé l'exécutif à faire adopter nombre de projets de loi - celui sur le pouvoir d'achat notamment - d'Emmanuel Macron, qui ne dispose que d'une majorité relative à l'Assemblée.

"C'était des textes d'intérêt national, dans lesquels nous retrouvions nos convictions", se défend Bruno Retailleau. "Nous déposerons, le moment venu, une motion de censure."

Pour le député LR Philippe Gosselin, tout peut arriver d'ici 2027, même pour un parti qui a perdu 10 millions d'électeurs depuis l'ère Nicolas Sarkozy (2007-2012), qui s'est lui-même récemment rapproché d'Emmanuel Macron.

"Quatre ans et demi c'est un siècle", a-t-il dit à Reuters dans les couloirs de l'Assemblée. "On a un jeu de cartes réduit, mais on n'a pas encore perdu, et pas dit notre dernier mot. Donc haut les coeurs !"        

(Reportage Elizabeth Pineau, édité par Sophie Louet)

par Elizabeth Pineau