Message aux allergiques à la politique monétaire, aux phobiques des taux et plus généralement à tous ceux à qui Jerome Powell, Christine Lagarde ou Andrew Bailey donnent des boutons : la journée va être difficile. Après la décision de la Fed sur ses taux hier, qui fait les gros titres et sur laquelle je reviens un peu plus bas, la Banque du Brésil a relevé ses taux cette nuit pour la 11e fois consécutive. Plus tard dans la journée, la Banque Nationale Suisse (9h30) et la Banque d'Angleterre (13h00) rendront elles aussi leurs verdicts. Hier, la BCE a tenu une réunion ad hoc, c’est-à-dire d'urgence, après avoir constaté que les rendements des obligations allemandes et italiennes partaient un peu trop loin en sens opposé. C'est ce qu'on appelle la fragmentation et je reviens là-dessus aussi un peu plus loin.

Qu'il est loin le temps où les banquiers centraux rivalisaient d'ingéniosité pour remporter le titre de gouverneur le plus sympa de la planète finance. Dans la cour de récré, l'américain Jerome a longtemps été le plus populaire parce qu'il distribuait tout le temps des bonbons à tout le monde. La petite européenne Christine n'arrêtait pas de le suivre avec admiration, accompagnée de sa bande de copines jamais d'accord entre elles. Seul dans son coin, le japonais Haruhiko essayait vainement de faire monter le prix de ses billes pendant que personne ne s'intéressait aux bonnes idées de l'anglais Andrew.

Désormais, l'ambiance est à la remontée des taux directeurs à marche forcée, pour réduire l'argent en circulation et répondre au problème d'inflation global qui menace toutes les économies. Mais qui dit réduction des sources de financement dit ralentissement économique. Comme c'est dit et écrit un peu partout depuis plusieurs mois, la question à plusieurs centaines de milliards de dollars est de savoir s'il est possible de garder suffisamment de contrôle sur le freinage pour éviter le tête à queue, pour employer une métaphore automobile. Le conducteur principal s'appelle Jerome Powell et c'est le patron de la banque centrale américaine, qui donne le "la" compte tenu de la puissance économique des Etats-Unis et de son dollar. Il est donc logique que les réunions de la Fed, comme celle qui a eu lieu hier, constituent des marqueurs majeurs pour l'économie en général et les marchés financiers en particulier.

Hier soir, la banque centrale américaine a donc annoncé une hausse de taux massive de 75 points de base. Ce qui signifie que l'accès principal à l'argent coûte désormais 1,5 à 1,75%, contre 0,75% à 1% précédemment et 0 à 0,25% du début 2020 au début 2022. C'est ce que le marché prévoyait depuis quelques jours, il n'a donc pas été surpris. Initialement, les investisseurs tablaient sur un resserrement monétaire de 50 points de base, mais les derniers chiffres de l'inflation ont forcé la Fed à agir plus fermement. Toutefois, Jerome Powell a expliqué que les hausses d'une telle ampleur ne sont pas la norme, tout en prévenant que la réunion de juillet devrait encore entraîner un relèvement de 50 à 75 points de base, en fonction des données macroéconomiques qui seront remontées d'ici là. Le discours a entraîné une baisse marquée du rendement des obligations d'Etat américaines, parce que le marché avait peur d'indications encore plus agressives. C'est aussi ce qui a permis aux indices actions américains de confirmer leur rebond, avec un Nasdaq qui a par exemple gagné 2,5%, mettant fin à une hémorragie de cinq séances consécutives dans le rouge.

Comme à chaque fois, il faut attendre que la poussière retombe pour jauger des réelles implications des annonces de la Fed. Actuellement, le marché pense "OK, la Fed a décidé de prendre le problème de l'inflation à bras le corps mais elle a l'air de penser que l'économie ne sera pas confrontée à un atterrissage brutal, même si elle a abaissé ses prévisions de croissance et abandonné les mentions d'un marché du travail fort dans sa communication". Mais on sait que la frontière est ténue avec un sentiment du genre "OK, la Fed a décidé de prendre le problème de l'inflation à bras le corps, mais elle s'est bien plantée dans son évaluation de la situation depuis deux ans et elle ne maîtrise pas bien les ondes de choc provoquées par une hausse des taux jusqu'à plus de 3% d'ici la fin de l'année".

Dans l'actualité des banques centrales, c'est la BCE qui s'est distinguée hier en convoquant une réunion ad hoc (comprendre d'urgence) pour agir contre la "fragmentation" de la zone euro. Pour faire simple, contrairement à la Fed, la BoE ou la BoJ, la BCE est la banque centrale de plusieurs pays qui ont une monnaie en commun mais n'ont pas tous les mêmes caractéristiques. Notamment au niveau du financement : l'Allemagne paie sa dette beaucoup moins cher que l'Italie ou la Grèce. Quand la situation économique se tend et que la BCE est forcée d'agir, par exemple en relevant ses taux comme cela se profile, les investisseurs ont tendance à privilégier le papier émis à Berlin plutôt qu'à Rome. Mais il ne faut pas que l'écart se creuse trop, parce que c'est un signal d'alarme pour la stabilité du bloc. L'écartement des spreads obligataires a réveillé de douloureux souvenirs, comme ceux du début de la dernière décennie. Pour anticiper, la BCE a donc annoncé hier, au sortir d'une réunion de crise, qu'un nouvel instrument sera bientôt déployé pour éviter une trop grande disparité de rendements. Concrètement, il s'agit de rassurer les marchés financiers sur la dette italienne dans un contexte de relèvement des taux, donc d'argent moins abondant. L'annonce a fonctionné : les rendements obligataires européens se sont assagis hier et le spread entre la dette allemande et la dette italienne s'est réduit. On le voit, même si la BCE a prévu de relever ses taux de 75 points de base d'ici la fin septembre, elle doit continuer à jouer les pompiers de service.

Fin de ce gros pavé sur les banques centrales qui, vous l'avez compris, ont contribué hier à rassurer un peu jusque sur les marchés actions. On reste dans une configuration très fragile en attendant le prochain round de publication de résultats d'entreprises, qui débutera la semaine du 11 juillet.

Dans l'actualité du jour, on retrouve aussi des prix du pétrole en baisse, une nouvelle réduction unilatérale des exportations de gaz russe vers l'Allemagne et quelques réunions investisseurs avec présentation d'objectifs de moyen terme, dont celle de Dassault Systèmes.

Les marchés européens étaient prudemment haussiers en préouverture. Les "futures" américains sont repassés dans le rouge pendant que je rédigeais ce matin. En Asie Pacifique, les actions japonaises gagnent 0,8% en clôture, mais les autres places sont en baisse. Le CAC40 a finalement ouvert en baisse de 0,4% à 6008 points.

Les temps forts économiques du jour

La Banque nationale suisse (9h30) et la Banque d'Angleterre (13h00) prennent à leur tour position sur leurs taux directeurs respectifs. Aux Etats-Unis à 14h30, place aux inscriptions hebdomadaires au chômage, aux chiffres des permis de construire et à l'indice Philly Fed. Tout l'agenda macro ici.

L'euro est assez stable à 1,0429 USD. L'once d'or est remontée à 1831 USD. Le pétrole a enfin perdu du terrain avec un Brent de Mer du Nord à 119,10 USD le baril et un brut léger américain WTI à 116,15 USD. Le rendement de la dette américaine à 10 ans atteint à 3,33%, en baisse de 10 points. Le bitcoin se négocie 22 085 USD.

Les principaux changements de recommandations

  • Akzo Nobel : Crédit Suisse reste à surperformance avec un objectif réduit de 105 à 93 EUR.
  • ASOS : Berenberg reste à l'achat avec un objectif réduit de 4100 à 2500 GBp.
  • Belimo : Berenberg reste à l'achat avec un objectif réduit de 645 à 460 CHF.
  • Calliditas Therapeutics : Kepler Cheuvreux démarre le suivi à l'achat en visant 140 SEK.
  • Centrica : AlphaValue passe de vendre à accumuler en visant 97,50 EUR.
  • Cliq Digital : Kepler Cheuvreux reste à conserver avec un objectif de cours relevé de 24,50 à 26,50 EUR.
  • Colruyt : Kepler Cheuvreux passe d'acheter à conserver en visant 29 EUR.
  • Euronext : J.P. Morgan passe de neutre à surpondérer en visant 100 EUR.
  • Franchi Umberto Marmi : Midcap Partners reste à l'achat avec un objectif réduit de 12,30 à 11,40 EUR.
  • Ipsen : Morgan Stanley reste à souspondérer avec un objectif de cours réduit de 90 à 80 EUR.
  • Medacta : Crédit Suisse reste à surperformance avec un objectif réduit de 132 à 125 CHF.
  • Quadient : AlphaValue reste à l'achat avec un objectif de cours relevé de 25,30 à 28,30 EUR.
  • Salzgitter : Crédit Suisse reste à sousperformance avec un objectif réduit 30 à 28,60 EUR.
  • Ubisoft : HSBC réduit son objectif de 64 à 53 EUR.

En France

Annonces importantes (et moins importantes)

  • Dassault Systèmes s'estime bien placé pour atteindre ses objectifs 2024.
  • Veolia devrait céder les actifs déchets de Suez au Royaume-Uni.
  • Engie a constaté une baisse des livraisons de gaz après les nouvelles restrictions sur les exportations décidées par la Russie, bien que la clientèle ne soit pas affectée pour le moment.
  • Moody's a relevé la note de la dette de Saint-Gobain à "Baa1" après les bons résultats.
  • Rexel révise à la hausse des objectifs financiers 2022.
  • Green Mobility (Volkswagen) détient plus de 87% d'Europcar après son OPA amicale. L'offre est rouverte jusqu'au 29 juin pour les retardataires.
  • Trafic en hausse en mai pour les aéroports et les autoroutes Vinci.
  • Wendel prépare la succession de son président, André François-Poncet.
  • Casino prévoit de simplifier son organisation juridique en France en plaçant l'ensemble de ses filiales de distribution alimentaire sous une société holding commune. Le groupe précise par ailleurs ne pas encore avoir reçu d'offre engageante sur GreenYellow et il étend le partenariat avec Gorillas et Frichti.
  • Orpea a réalisé un premier tirage de 250 M€ dans le cadre de l'accord de financement conclu avec ses banques.
  • Quadient annonce la cession de ses activités Graphiques dans les pays Nordiques à Ricoh.
  • Valneva conclut un accord de règlement à l'amiable avec le gouvernement britannique concernant son vaccin covid.
  • Dassault Systèmes et Rexel organisent leurs journées investisseurs.
  • Wendel et Quadient tiennent leurs assemblées générales.
  • Spie entre sur les marchés polonais et tchèque des technologies du bâtiment.
  • Kaufman & Broad va lancer une opération d'actionnariat salarié.
  • Abeo s'offre un spécialiste des aires de réception gonflables.
  • Gevelot porte son dividende de 2 à 3 EUR.
  • Biophytis présente des données précliniques d'efficacité de Sarconeos (BIO101) dans l'Amyotrophie Spinale (SMA), une maladie neuromusculaire rare.
  • Pherecydes Pharma recrute son premier patient de l'étude de phase II PhagoDAIR.
  • Metavisio veut lever 5,3 M€ pour son transfert sur Euronext Growth.
  • Arcure lance une levée de fonds de 2 M€ sur PrimaryBird et va émettre 4 M€ d'OCA au profit d'Inveready,
  • Ecomiam a publié ses comptes.

Dans le monde

Annonces importantes (et moins importantes)

  • Les immatriculations de voitures neuves ont reculé de 11% en mai en Europe.
  • Credit Suisse et UBS sont bien placés pour faire face à l'environnement actuel plus difficile grâce à l'amélioration de leur capital, selon la BNS.
  • Revlon se place sous la protection de la loi américaine sur les faillites.
  • Svenska Handelsbanken en pourparlers pour acheter les activités danoises de Jyske Bank.
  • Shaftesburyet Capital & Counties Properties vont fusionner.
  • Le consortium composé de Belerion Capital et de King Bourse Capital Management renoncerait à racheter THG, selon Bloomberg.
  • Les ventes de Boohoo reculent à cause d'une base de comparaison élevée.
  • ASOS rattrapé par la pression inflationniste.
  • Abbott interrompt la production de lait maternisé dans le Michigan après de fortes pluies.
  • Roche reçoit une autorisation d'utilisation d'urgence pour un test Covid aux USA. Par ailleurs, AC Immune et Roche subissent un échec dans la prévention de la maladie d'Alzheimer.
  • Ferrari organise une journée investisseurs.
  • Lundin Energy et Delivery Hero tiennent leurs assemblées générales.
  • Principales publications du jour : Adobe, Kroger, HalmaTout l'agenda ici.

Lectures