* Des forces de réactions rapides inutilisées
* Une politique de défense européenne en panne
* Des députés français proposent une feuille de route pour
la relancer
par Emmanuel Jarry
PARIS, 29 novembre (Reuters) - Des députés français plaident
dans un rapport rendu public vendredi pour l'utilisation de
forces européennes, les "groupements tactiques européens", dans
les phases de démarrage des opérations de maintien de la paix.
La présidente de la commission des Affaires étrangères de
l'Assemblée nationale, Elisabeth Guigou, estime que la situation
actuelle en Centrafrique est un cas typique dans lequel ces GTUE
pourraient être mis à la disposition de l'ONU.
"Il serait souhaitable que l'Union participe aux actions de
stabilisation de la République centrafricaine", écrit-elle dans
ce rapport, fruit d'un travail majorité-opposition.
Mis sur pied en 2007, les GTUE représentent chacun une force
d'environ 1.500 hommes, fournis à tour de rôle par les Etats
membres. Ils sont mis en alerte deux par deux pour six mois.
Ils constituent le seul instrument commun de projection de
forces et de réaction rapide de l'Union européenne. Mais ils
n'ont jusqu'ici jamais utilisés, alors qu'un groupe en alerte
lors de la crise malienne, par exemple, était constitué de
soldats français, allemands et polonais.
De même, le groupe en alerte lors du lancement de
l'opération de démantèlement des armes chimiques syriennes,
composé de soldats britanniques, n'a pas été utilisé.
Selon le rapport de la commission des Affaires étrangères,
le Royaume-Uni, l'Allemagne et l'Italie proposent de réduire
l'ambition des GTUE en les dédiant à des actions dites de basse
intensité ou à des missions non combattantes.
Elisabeth Guigou et les autres auteurs du rapport s'élèvent
contre cette suggestion et dénoncent un manque de volonté
politique des Etats membres.
EUROPE DE LA DÉFENSE EN PANNE
Ils plaident aussi pour une mutualisation des dépenses
induites par les opérations militaires extérieures "qui
contribuent à la défense européenne".
Ce rapport se veut une contribution à une relance de
l'Europe de la défense en panne, censée être au menu du Conseil
européen des 19 et 20 décembre.
La politique de sécurité et de défense commune, auquel ce
dernier sommet des dirigeants européens en 2013 devait
initialement être consacré, n'est plus qu'un chapitre de l'ordre
du jour parmi d'autres, notamment l'union bancaire.
Interrogée sur le risque de voir cette question de nouveau
expédiée au sommet de Bruxelles, Elisabeth Guigou, répond : "Oui
j'ai cette crainte. C'est pour ça que j'ai fait ce rapport."
Ce document invite les dirigeants de l'UE à se mettre au
moins d'accord sur une "feuille de route" prévoyant notamment
l'élaboration d'une nouvelle stratégie européenne de sécurité.
Aujourd'hui, le seul texte de référence sur le rôle de l'UE
dans le monde et sur une conception commune des menaces pesant
sur elle a été rédigé en 2003 et actualisé en 2008.
Il serait "souhaitable" que le Conseil donne mandat aux
institutions de l'UE de définir une nouvelle stratégie d'ici
2015, dit le rapport de la commission des affaires étrangères.
RISQUE DE DÉCLASSEMENT STRATÉGIQUE
Il invite aussi le Conseil à inscrire dans cette feuille de
route une relance des programmes de coopération en matière
d'armement et l'élaboration d'un partenariat renouvelé avec les
Etats-Unis, dont l'attention se tourne aujourd'hui vers l'Asie.
Les auteurs du rapport estiment enfin que c'est à la France
de jouer les aiguillons au sommet de décembre et de s'assurer
que les décisions éventuellement prises ne resteront pas sans
lendemain. "Seule la France peut impulser une nouvelle dynamique
dans le domaine de l'Europe de la défense", écrivent-ils.
Le rapport insiste sur le risque d'une "rupture capacitaire"
et d'un "déclassement stratégique" de l'UE en raison de l'impact
des restrictions budgétaires sur les dépenses de défense.
Les dépenses militaires cumulées de la France, du
Royaume-Uni, de l'Allemagne et de l'Italie ne représentent plus
que 13% des dépenses mondiales contre près de 20% en 2000,
souligne le rapport, qui juge l'industrie de défense européenne
en danger.
Dans un domaine où l'Europe se caractérise par une très
forte hétérogénéité des budgets de défense, des conceptions en
matière de stratégie et de coopération et d'implication dans les
questions de sécurité, ses auteurs plaident pour une convergence
entre la France, le Royaume-Uni, la Pologne et l'Allemagne.
Cette convergence, favorisée par la prise de distance de la
Pologne avec l'Otan, se heurte aux réticences de Berlin envers
toute intervention extérieure et à l'opposition britannique de
principe à une intégration européenne.
(Edité par Yves Clarisse)