par Patrick Graham

LONDRES, 14 janvier (Reuters) - Le pessimisme suscité par la monnaie chinoise s'est rapidement amplifié, les banques d'investissement révisant à la baisse leurs prévisions sur son taux de change contre le dollar et certains fonds spéculatifs n'hésitant pas à anticiper un plongeon de 15% ou plus cette année.

Le pari est audacieux, et pas seulement en raison des plus de 3.000 milliards de dollars de réserve de change de la Chine.

Les autorités chinoises ont montré cette semaine qu'elles disposaient d'autres moyens pour étouffer la spéculation, asséchant la liquidité sur le marché du yuan offshore et propulsant momentanément les taux au jour le jour sur ce segment de marché à 94%.

Si certaines grandes banques internationales prévoient que le yuan franchira le seuil de 7 pour un dollar, des hedge funds tablent un mouvement bien plus important.

Envisager que le yuan enfonce à la baisse le cours de l'autre grande devise de la sphère chinoise, à savoir le dollar de Hong Kong, ne paraît même plus saugrenu.

Le dollar hongkongais, qui évolue dans une bande de fluctuation étroite vis-à-vis du dollar américain se traite autour de 7,8 et s'est trouvé pris dans la tourmente du yuan, subissant mercredi sa chute la plus rapide en une séance depuis 12 ans sans sortir toutefois de ses marges de fluctuation.

"Peut-être que le yuan va là ou en est le dollar de Hong Kong. C'est la première étape: 7,78", a dit Chris Morrisson, responsable de la stratégie et gérant du fonds global macro d'Omni Partners.

Plus de trente intervenants majeurs du marché avec lesquels Reuters s'est entretenu aux Etats-unis et en Europe ont dit qu'ils n'excluaient pas une dépréciation de 15% supplémentaires du yuan cette année.

"L'argent quitte le pays aussi bien au niveau des investisseurs individuels, que des entreprises et des institutionnels", a dit Mike Newton, responsable des investissements actions d'un autre fonds spéculatif, The Cambridge Strategy.

"S'ils veulent stabiliser la devise, la seule manière d'y parvenir c'est de remonter fortement les taux ou de fermer le compte de capital."

Même pour ceux qui anticipent une forte chute du yuan, l'ampleur des réserves de change de la Chine devrait toutefois lui permettre de piloter le processus de manière relativement ordonnée.

"Je pense vraiment que la Chine est capable de stabiliser tout ça, le marché est important mais elle est l'un des plus gros intervenants", a dit le responsable des changes d'une des six plus grandes banques actives sur le marché des changes.

"Si vous considérez ou en était la devise il y a une décennie, elle se traitait entre 7 et 8 yuans pour un dollar, c'était avant le début de la phase de croissance à 10% l'an. Nous pourrions aller beaucoup plus loin, il y a beaucoup de pression", a-t-il dit. Pour lui, toute reprise du yuan dans les trois, six ou neufs prochains mois sera l'occasion de se positionner à la vente.

(Marc Joanny pour le service français, édité par Wilfrid Exbrayat)