Les grandes manœuvres continuent dans la distribution alimentaire britannique. Après le rachat d'ASDA, c'est WM Morrison qui fait l'objet d'une bataille boursière entre fonds d'investissement. Le management soutient désormais une proposition formulée par Clayton Dubilier & Rice à 285 GBp par action. Le prétendant avait initialement proposé 230 GBp par action (à la fin du mois de juin), avant d'être doublé par Fortress et sa proposition à 254 GBp. Ce dernier, à l'heure où ces lignes sont écrites, examine ses possibilités. Dimanche, le Times faisait état de l'intérêt du private equity pour J Sainsbury. L'américain Apollo tiendrait la corde avec une proposition dépassant 7 Mds£.

Au Royaume-Uni, le "Big Four" est composé de Tesco, J Sainsbury, WM Morrison et ASDA. Ils ferraillent avec Aldi et Lidl depuis l'avènement des discounteurs, ainsi qu'avec d'autres enseignes plus petites (The Cooperative, Waitrose, Ocado…). Les analystes estiment généralement que le "Big Four" a retrouvé de l'intérêt après des années de restructuration, et que la concurrence des discounters a atteint le stade de la maturité. L'intérêt des fonds d'investissement pour ces acteurs le démontre probablement. "Cette nouvelle met une fois de plus en évidence la valorisation intéressante des actifs des supermarchés britanniques basée sur les cash-flows libres, avec un potentiel de bénéfices croissant, une menace de discounters largement neutralisée et l'amélioration de la rentabilité des activités en ligne", souligne ce matin l'analyste d'UBS spécialisé dans le secteur Sreedhar Mahamkali, après la rumeur d'intérêt pour Sainsbury.

En France, des frémissements

Cette offensive du private equity sur la distribution alimentaire britannique est-elle un signe avant-coureur de ce qui pourrait se produire en France ? Dans l'hexagone, la distribution alimentaire ne compte que deux acteurs cotés, Carrefour et Casino.

Le marché est structuré autour de Leclerc (22,7% de parts de marché sur les 12 semaines s'achevant fin juillet 2021, selon Kantar), Carrefour (19,5%), Les Mousquetaires (16,1%), Groupement U (11,4%), Auchan (9,2%), Casino (7,7%), Lidl (6,8%), Ahold Delhaize (Cora, 2,8%) et Aldi (2,6%). Le marché français paraît moins stabilisé que le marché britannique, parce que les restructurations y ont démarré plus tardivement et que l'environnement concurrentiel est encore mouvant.

Parts de marché en épicerie des distributeurs françaises sur les 12 semaines s'achevant le 28 juillet 2021, selon Kantar

Dans ce contexte et après des années compliquées, Carrefour a l'air de remonter la pente, sans feu de paille cette fois. L'intérêt manifesté par le canadien Alimentation Couche-Tard en début d'année pour un mariage avec le Français montre qu'il est redevenu attractif. Le titre a d'ailleurs gagné 23% depuis le début de l'année, davantage que le CAC40.

La situation de Casino est plus complexe. Le groupe a dû gérer son surendettement et celui de ses holdings en cédant des actifs. Sa structure actionnariale complexe et ses performances financières en demi-teinte suscitent toujours la prudence des investisseurs, d'autant que la question de la dette n'est pas encore vraiment soldée. Contrairement à Carrefour, le titre est étale depuis le 1er janvier.

Carrefour vs Casino

Carrefour vs Casino sur deux ans

Le secteur de la distribution alimentaire en Europe retrouve un certain intérêt auprès des investisseurs, après des années de vaches maigres. L'amélioration des performances financières coïncide avec une riposte mieux structurée face aux discounteurs et à l'intégration de véritables stratégies numériques plutôt qu'à du web-saupoudrage. Sans parler d'un patrimoine immobilier en général mal considéré. On pourrait reparler des acteurs continentaux, une fois que les projecteurs seront moins braqués sur leurs homologues britanniques. Le tableau qui suit recense les Notations Surperformance de huit acteurs du secteur. Il ne s'agit pas d'un palmarès mais d'une façon de comparer les atouts et les faiblesses des différents distributeurs.

Notations Surperformance cumulées des acteurs du secteur en Europe
Notations Surperformance cumulées de huit acteurs du secteur en Europe