Les choses se sont passées à peu près comme les investisseurs le supputaient hier sur les marchés financiers, ce qui n'est pas si fréquent. Des investisseurs qui rêvaient à une issue plus favorable, mais qui ne sont pas surpris outre-mesure par le retour à la réalité. En termes plus clairs, cela signifie que le grand manitou de la politique monétaire américaine, la seule qui compte vraiment pour les marchés actions, a expliqué que la Fed allait relever ses taux à un niveau plus élevé que les pronostics du marché. Imaginez maintenant une échelle allant de "c'est la fête, les taux vont baisser rapidement" à "c'est la merde, on va se retrouver avec des taux d'intérêts à deux chiffres". Eh bien on se situe entre la moitié et les deux-tiers de l'échelle avec un message du genre "c'est pas terrible, mais on voit encore le bout du tunnel". Sur les marchés financiers, la situation que je viens de résumer par cette rigoureuse analyse économique rime avec :

  • Des actifs à risque (i.e. notamment les actions) qui souffrent à nouveau.
  • Un dollar qui se renforce (par exemple à 1,0530 EUR ce matin), ce qui entraîne par ricochet l'or en baisse (à 1810 USD l'once).
  • Des rendements obligataires qui montent, à l'image de la dette américaine à 10 ans qui revient à 4%.
  • Un pétrole qui chute, sur fond de craintes accrues de récession.

Sur un plan plus technique, le rendement de la dette américaine à 2 ans est monté en flèche à 5,08%, bien plus vite que les autres échéances. C'est un signe que le marché assigne depuis hier une probabilité plus forte à une récession, avec un spread supérieur à 1% par rapport au 10 ans, une première depuis 1981. 1981, une sacrée année avec les arrivées au pouvoir de Ronald Reagan, de François Mitterrand, la disparition de Georges Brassens, mais aussi les Lac du Connemara (pardon), Ulysse 31 et, en ce qui concerne votre serviteur, le lamentable redoublement d'une année de maternelle (si, c'est possible). Bref, un tel décalage est rarissime. Les économistes dont j'ai lu les travaux depuis hier soir pensent d'ailleurs que le taux du 10 ans devrait remonter pour être un peu plus en cohérence avec les annonces de Jerome Powell et le décollage des échéance plus courtes. Ils émettent l'hypothèse que les financiers attendent les prochaines statistiques pour valider pleinement l'évolution du scénario : ce pourraient être les données sur l'emploi américain de février qui seront annoncées vendredi.

Le ton plus ferme – on dit hawkish, ou faucon – de Jerome Powell a fait flancher les actions hier, assez logiquement : les actifs à risque n'aiment pas les phases de taux élevés, qui pénalisent l'activité économique et rendent l'accès aux liquidités plus compliqué. Et par-dessus tout, ils n'aiment pas ne pas savoir où cela va s'arrêter. Le S&P500 a perdu 1,5% et le Nasdaq 100 environ 1,2%. En Europe, les indices ont eux aussi baissé, mais de façon plus modérée. Les contractions sont somme toute assez modestes au regard des commentaires de Powell, qui a reconnu dans son audition biannuelle devant le sénat américain hier que les pressions inflationnistes sont redevenues plus fortes que ce que pensait la Fed lors de sa dernière réunion. Il a d'ailleurs rouvert la voie à des hausses de taux de 50 points de base alors que les investisseurs pensaient que ce temps était révolu et que la banque centrale pourrait achever son cycle dans le calme avec quelques resserrements de 25 points de base.

Malgré tout ce déballage, il n'y pas eu de drame à -4% à Wall Street sur les indices, ce qui montre que l'investisseur en actions ne croit toujours pas vraiment à une récession (alors, si vous avez bien suivi, que le marché obligataire y croit dur comme fer, lui). D'où l'importance des prochaines statistiques, l'emploi donc vendredi, puis la première estimation de l'inflation américaine de février, la semaine prochaine. Du coup je vous renvoie à la chronique d'hier qui traitait de la difficulté de réaliser des prévisions dans le contexte actuel, qui défie les modèles économiques traditionnels avec cette récession dont tout le monde parle mais qu'on ne voit jamais.

Sur l'agenda du jour, Jerome Powell va réaliser le même exercice que la veille devant la chambre des représentants. Il y a peu de chances pour que le discours soit différent. La séance sera aussi marquée par les résultats d'Adidas, Thales, Geberit ou Logitech en Europe, avec énormément de valeurs moyennes (Elis, Euroapi, Orior, Swiss Steel…). En attendant Brown-Forman et Campbell Soup aux Etats-Unis. Côté macro, deux enquêtes préliminaires sur l'emploi de février aux Etats-Unis viendront pimenter l'après-midi.

En Asie Pacifique, la brutale remontée du dollar offre un répit à Tokyo, qui gagne 0,5% : la baisse du yen est un vecteur de hausse pour les actions japonaises tournées vers l'export. C'est plus compliqué en Chine (-0,8%) et surtout à Hong Kong (-2,6%), où le Hang Seng affiche un bêta élevé face aux variations des valeurs américaines, notamment des technologiques. Le Kospi coréen chute lui aussi de plus de 1% à cause de cette même poche technologique très présente à Séoul. L'Australie a clôturé en repli de 0,8% avec la baisse des matières premières. Les indicateurs avancés européens sont modérément baissiers et les "futures" américains sont quasi-stables : décidément, le marché action a du mal à ne pas combattre la politique de la Fed. Le CAC40 démarre la séance en baisse de 0,4% à 7309 points.

Les temps forts économiques du jour

La production industrielle allemande (8h00) précèdera aux Etats-Unis l'enquête ADP sur l'emploi (14h15) et l'enquête JOLTS (16h00). Tout l'agenda ici.

L'euro rechute à 1,0530 USD. L'once d'or aussi, à 1810 USD. Le pétrole faiblit, avec un Brent de Mer du Nord à 83,36 USD le baril et un brut léger américain WTI à 77,50 USD. Le rendement de la dette américaine sur 10 ans remonte à 4%, avec un 2 ans qui s'envole à 5,07%. Le bitcoin baisse autour de 22 100 USD.

Les principaux changements de recommandations

  • Adyen : Exane BNP Paribas passe de surperformance à neutre en visant 1450 EUR.
  • Ashtead : Jefferies reste à la charge avec un objectif de cours relevé de 6000 à 7000 GBp.
  • Casino : J.P. Morgan passe de neutre à souspondérer en visant 6,50 EUR.
  • Ence Energia y Celulosa : Jefferies passe de conserver à acheter en visant 4,20 EUR.
  • Evonik : Berenberg reste à conserver avec un objectif de cours réduit de 24 à 23 EUR.
  • Generali : Berenberg reste à l'achat avec un objectif de cours relevé de 22,60 à 23,50 EUR.
  • Gensight : Kepler Cheuvreux reste à l'achat avec un objectif de cours réduit de 9 à 7 EUR.
  • John Wood Group : Jefferies passe d'acheter à conserver en visant 237 GBp.
  • Henkel : Berenberg reste à vendre avec un objectif de cours relevé de 50 à 52 EUR.
  • Kamux : Inderes passe d'accumuler à acheter en visant 6 EUR.
  • Kingfisher : Barclays reprend le suivi à surpondérer en visant 350 GBp.
  • Kingspan : J.P. Morgan passe de neutre à surpondérer en visant 83 EUR.
  • Kuehne + Nagel : Baader Helvea reste à alléger avec un objectif de cours relevé de 239 à 278 CHF.
  • McPhy : Portzamparc passe d'acheter à renforcer en visant 14,10 EUR.
  • Rolls-Royce : UBS passe de neutre à acheter.
  • Royal Unibrew : Jefferies reste à conserver avec un objectif de cours relevé de 500 à 600 DKK.
  • Temenos : Baader Helvea passe d'alléger à vendre en visant 55 CHF.
  • Tesco : Shore Capital passe de conserver à acheter.
  • Tulikivi : Inderes passe d'alléger à accumuler en visant 0,63 EUR.
  • Verallia : Berenberg reste à l'achat avec un objectif de cours relevé de 42 à 45 EUR.
  • Vestas : Berenberg reste à conserver avec un objectif de cours relevé de 200 à 225 DKK.
  • Vidrala : Berenberg reste à l'achat avec un objectif de cours relevé de 98 à 108 EUR.

En France

Résultats des entreprises (les commentaires sont donnés à chaud et ne préjugent pas de l'évolution des titres)

  • BioMérieux : les objectifs 2023 sont confirmés, après des résultats 2022 mitigés.
  • Elis : après des résultats 2022 records, le blanchisseur industriel vise une nouvelle hausse de ses résultats.
  • Eurazeo : les résultats 2022 sont en baisse après les chiffres 2021 hors du commun. Le dividende recule à 2,20 EUR.
  • Euroapi : recule à 2026 sa prévision d'une marge de Core Ebitda supérieure à 20%.
  • McPhy : la perte nette 2022 atteint 38 M€.
  • Thales : vise une amélioration de sa marge en 2023 après une année 2022 solide.

Annonces importantes (et moins importantes)

  • Airbus a livré 46 avions en février, pour 99 commandes brutes.
  • BNP Paribas délocalise la majorité de son personnel sur un autre site à Hong Kong pour réduire ses coûts.
  • La grève se poursuit dans les raffineries de TotalEnergies en France, expéditions interrompues.
  • La FDA a accepté la demande supplémentaire de licence biologique pour le Dupixent (Sanofi et Regeneron) en tant que traitement de l'urticaire chronique.
  • Orange retenue par Lucid pour des projets de voitures connectées en Europe.
  • Orpea annonce un financement complémentaire via un crédit syndiqué garanti de 600 M€.
  • Casino va céder partiellement sa participation dans le distributeur brésilien Assaí pour un montant de 600 M$ pour se désendetter.
  • Gaztransport & Technigaz reçoit quatre approbations de ClassNK pour ses projets dans les carburants alternatifs.
  • Electricité de France doit réviser les contrôles de corrosion des réacteurs nucléaires, selon l'ASN.
  • Réalités conclut deux ventes en bloc à Saint-Ouen pour un montant total de près de 78 M€.
  • Enième refinancement pour Technicolor Creative Studios.
  • La cotation des actions Rougier va reprendre le 13 mars après avoir été suspendue en 2018.
  • Groupe Berkem signe un nouvel accord de distribution avec Unipex, filiale du Groupe Barentz.
  • Ils ont publié aussi / ils sont sur l'agenda : Neurones, Somfy, MRM, GL Events, Vitura, Tour Eiffel, Technicolor, Damartex, Cellectis

Dans le monde

Résultats des entreprises (les commentaires sont donnés à chaud et ne préjugent pas de l'évolution des titres)

  • Adidas : le dividende va être réduit à 0,70 EUR.
  • Continental : vise une marge d'Ebit de 5,5 à 6,5% cette année.
  • CrowdStrike : le titre gagne 5% post-séance après la publication des résultats trimestriels.
  • Darktrace : revoit à la baisse ses prévisions de flux de trésorerie.
  • Geberit : le bénéfice net est supérieur aux prévisions pour 2022.
  • Legal & General : affiche un bénéfice attribuable en hausse pour l'exercice 2022.
  • Logitech : les revenus sont attendus en baisse marquée sur le 1er semestre du nouvel exercice qui débutera en avril.
  • Symrise : prévoit une marge bénéficiaire stable pour 2023.

Annonces importantes (et moins importantes)

Lectures