En fin de semaine dernière, Donald Trump a repris ses attaques contre le président de la Fed, Jerome Powell. Jeudi, le président américain a publié un message sur son réseau Truth Social dans lequel il appelait "Too late" ("trop tard") Jerome Powell à baisser les taux directeurs. Quelques heures plus tard, le président américain s’exprimait depuis le Bureau Ovale, alors qu’il recevait la première ministre italienne, Giorgia Meloni : "Je ne suis pas content de lui. Si je veux qu’il parte, il partira très rapidement, croyez-moi."
Sur le fond du débat et la possibilité de démettre Jerome Powell de ses fonctions, il y a deux choses que l’on peut dire. D’abord, que juridiquement cela semble très difficile. Ensuite, et surtout, le licenciement de Jerome Powell serait un choc pour les marchés financiers, et en particulier pour le marché obligataire. Or, la séquence des droits de douane nous a montré que cette administration, qui pendant des semaines a joué la rhétorique de "Main Street contre Wall Street", a quand même fini par rétropédaler pour éteindre l’incendie qu’elle avait elle-même provoqué sur les marchés. On peut donc s’attendre à ce que Jerome Powell reste en place jusqu’à la fin de son mandat en mai 2026 et à ce que l’administration Trump se concentre sur le choix de son successeur.
Les passes d’arme entre les deux hommes sont monnaie courante depuis la prise de fonction de Jerome Powell en 2018. Pourtant, c’est Donald Trump qui l’avait nommé à ce poste. Mais très vite, le président américain avait exercé des pressions pour que ce dernier baisse les taux directeurs. Donald Trump a également déclaré à plusieurs reprises avoir "son mot à dire" sur la politique monétaire. Et en bon promoteur immobilier, il plaide toujours pour des taux bas, qui favorisent la croissance. D’autant que la baisse des taux se traduit pour les Américains par une baisse des taux sur les crédits hypothécaires et sur les cartes de crédit.
La Fed, de son côté, est plus prudente et préfère rester en pause pour le moment. Jerome Powell estimait la semaine dernière avoir besoin de "plus de clarté avant d’envisager tout ajustement". Car la politique de l’administration Trump est négative pour la croissance mais risque aussi de relancer l’inflation. Tout cela éloigne donc la Fed de la réalisation de ses deux objectifs : l’emploi maximum et la stabilité des prix.
En effet, pour atteindre l’emploi maximum, il faut une croissance solide. Or, le FMI a réduit hier sa prévision pour l’économie américaine à 1.8%, ce qui est encore une prévision optimiste, à l’heure où de nombreux économistes évoquent la possibilité d’une récession. Car au-delà de l’impact direct des droits de douane, la baisse de la confiance déjà entamée – celle des consommateurs est actuellement plus faible qu’en 2008 - risque de se traduire par une baisse des dépenses des ménages et des investissements des entreprises.
Du côté de l’inflation, les droits de douane auront un effet immédiat sur les prix car généralement les entreprises répercutent la grande majorité du surcoût sur les consommateurs. La question ensuite est de savoir si les droits de douane ont un effet "one-off" sur les prix – c’est encore ce que soutenait Jerome Powell en début d’année - ou si cela relancera plus durablement l’inflation. Ce que l’on constate, c’est que les anticipations d’inflation sont déjà fortement remontées. C’est notamment ce que montre l’enquête de l’université du Michigan sur la confiance des consommateurs.
Les perspectives se sont donc dégradées pour l’économie américaine. Et on voit bien le jeu qui se met en place. L’administration Trump, voyant que la situation risque de se dégrader, prépare le terrain en attaquant Jerome Powell. Si les Etats-Unis entrent effectivement en récession, ils accuseront la Fed de ne pas les avoir écoutés et d’avoir maintenu des taux trop élevés trop longtemps.
Car évidemment, pour les Républicains, un ralentissement économique voire une récession ne ferait pas leurs affaires, alors que tout le monde prépare déjà les mid terms de 2026. Quelques jours après la mise en place des droits de douane réciproques, le sénateur républicain Ted Cruz évoquait le risque d’un "bain de sang" pour les Républicains. Et c’est là qu’on se rend compte que l’administration Trump est allée assez loin. Car celui qui en creux appelle à revenir à des positions plus raisonnables faisait cuire du bacon avec son fusil d’assaut pendant la campagne pour les primaires républicaines de 2016.
D’ici aux prochaines élections, Jerôme Powell devrait rester l’une des cibles privilégiées de Donald Trump. Même si le président américain a, pour l’heure, adouci son discours en déclarant mardi : "la presse s’emballe. Non, je n’ai jamais eu l’intention de le limoger." Un retour à une position plus raisonnable qui a permis à Wall Street de rebondir et d’effacer les pertes de lundi. En attendant le prochain épisode.