Donald Trump met à nouveau la pression sur la Fed. Dans un message publié hier sur son réseau Truth Social, il a une nouvelle fois appelé le président de la Fed, surnommé "Too late" ("trop tard") Jerome Powell, à baisser les taux d’intérêt. Le président américain a aussi indiqué que le départ de Jerome Powell "ne saurait arriver assez vite."
Une menace à peine voilée, confirmée quelques heures plus tard par ses déclarations dans le Bureau Ovale, aux côtés de la première ministre italienne, Giorgia Meloni : "Je ne suis pas content de lui. Si je veux qu’il parte, il partira très rapidement, croyez-moi."
Donald Trump souhaite voir la Fed baisser ses taux afin de réduire les taux des prêts hypothécaires et sur les cartes de crédits pour les Américains, et ainsi stimuler la croissance. De son côté, Jerome Powell a estimé mercredi avoir besoin de "plus de clarté avant d’envisager tout ajustement". En effet, la politique tarifaire pourrait avoir un impact négatif sur la croissance et également relancer l’inflation.
L’indépendance de la Fed en jeu
C’est un nouvel épisode d’une bataille que se livrent les deux hommes depuis le premier mandat de Donald Trump. Pourtant, en 2018, c’est lui qui avait nommé Jerome Powell à la tête de la Fed. Cet affrontement traduit le fait que le concept d’indépendance de la Fed ne correspond pas tout à fait à la vision du président Trump. A plusieurs reprises, il a déclaré avoir "son mot à dire" dans les décisions de la Fed.
La question que beaucoup se posent désormais est de savoir si Donald Trump peut écarter Jerome Powell. En janvier, lors de la conférence de presse suivant la réunion du comité de politique monétaire de la Fed, ce dernier avait déclaré qu’il ne démissionnerait pas si le président le lui demandait. Il estime également que le président n’a pas le pouvoir de le licencier. En effet, Jerome Powell peut s’appuyer sur une jurisprudence de la Cour Suprême de 1935 qui établit qu’il faudrait pour cela un motif sérieux.
Juridiquement, il semble difficile de démettre Jerome Powell de ses fonctions. Mais en même temps, on constate depuis plusieurs semaines que cette administration a une volonté de s’affranchir des règles pour faire avancer son agenda. Ce qui est périlleux ici, c’est que Jerome Powell n’est pas n’importe quel fonctionnaire et que son licenciement constituerait une remise en cause de l’indépendance de la banque centrale. Une remise en cause qui créerait de l’instabilité sur les marchés. Et c’est cette perspective qui devrait retenir Donald Trump.
L’hypothèse du "shadow Fed chair"
Le mandat de Jerome Powell en tant que président de la Fed expire en mai 2026. Mais son mandat en tant que gouverneur de la Fed prend fin en 2028. Pour rappel, les sept gouverneurs de la Fed sont nommés pour un mandat non renouvelable de 14 ans. Et il faut faire le distinguo entre le président de la Fed et le président du FOMC – le comité de politique monétaire. Ainsi, si Jerome Powell était écarté du poste de président de la Fed, il siègerait toujours au board et ses membres pourraient le renommer en tant que président du FOMC. Une hypothèse déjà envisagée lors du premier mandat de Donald Trump.
Si l’administration Trump ne parvient pas à écarter Jerome Powell, une autre hypothèse circule : celle du "shadow Fed chair". L’idée serait de nommer dès maintenant le successeur de Jerôme Powell. Ensuite, celui-ci prendrait la parole régulièrement pour donner ses vues sur la situation économique. Ce serait une façon de déjà guider les anticipations de marché. Mais ce schéma pourrait également entamer la crédibilité de l’institution.
Selon le Wall Street Journal, Donald Trump aurait évoqué à plusieurs reprises, en privé, la possibilité de se séparer de Jerome Powell. Il en aurait notamment discuté avec Kevin Warsh, ancien gouverneur de la Fed, dont le nom a régulièrement circulé ces derniers mois comme possible successeur. Cependant, Kevin Warsh aurait déconseillé cette option, estimant que Jerome Powell devait aller au bout de son mandat.
Cette semaine, le Secrétaire au Trésor, Scott Bessent a indiqué de son côté que les candidats pour la succession de Jerome Powell seront auditionnés cet automne. Selon Politico, ce dernier met surtout en garde les collaborateurs de la Maison Blanche contre une tentative de révocation de Jerome Powell, craignant une instabilité sur les marchés. Alors que de nombreux observateurs s’inquiétaient de la disparition des "adultes dans la pièce" dans cette nouvelle administration, il semblerait finalement que Scott Bessent remplisse ce rôle. Dans une interview accordée à Bloomberg lundi, il déclarait : "la politique monétaire est un écrin qu’il faut préserver."