La BCE a annoncé jeudi dernier qu'elle mettrait fin en décembre à ses achats de titres sur les marchés tout en précisant qu'elle ne remonterait pas ses taux avant la fin de l'été 2019, ce qui s'est traduit par une modification des anticipations des marchés, qui attendent désormais le premier relèvement de taux en septembre de l'an prochain.

"Nous resterons patients dans la fixation du calendrier de la première hausse de taux et nous adopterons par la suite une approche graduelle pour ajuster la politique monétaire", a déclaré Mario Draghi mardi lors du Forum de la BCE, une conférence organisée chaque année à Sintra, au Portugal.

"L'évolution des taux d'intérêt à très court terme suggérée par la structure actuelle des taux d'intérêt du marché monétaire reflète globalement ces principes", a-t-il ajouté.

La BCE vise une inflation légèrement inférieure à 2% par an mais elle n'a pas atteint cet objectif depuis plus de cinq ans en dépit du caractère ultra-accommodant de sa politique monétaire, qui conjugue des taux d'intérêt historiquement bas et un programme d'assouplissement quantitatif de plus de 2.500 milliards d'euros.

Si les prix sont repartis à la hausse et si la BCE voit l'inflation se rapprocher de sa cible d'ici 2020, Mario Draghi a noté mardi que des incertitudes diverses pesaient sur les perspectives d'évolution des prix.

DES DOUTES SUR LA TRANSMISSION DES SALAIRES AUX PRIX

"L'élément clé, c'est le fait que les anticipations d'inflation restent bien ancrées", a-t-il dit. "Mais l'incertitude liée à l'évolution de l'économie persiste tout au long des différentes étapes de ce processus."

Parmi les risques à la baisse sur les perspectives de croissance et d'inflation, a-t-il précisé, figurent "la menace d'un protectionnisme mondial accru née de l'imposition par les Etats-Unis de droits de douane sur l'acier et l'aluminium, la hausse des cours du pétrole déclenchée par les risques géopolitiques au Moyen-Orient et la possibilité d'une volatilité persistante et élevée sur les marchés financiers".

Il a également noté que si les salaires étaient orientés à la hausse, cela ne se traduirait pas mécaniquement par une accélération de l'inflation, remettant ainsi en cause le lien traditionnel entre les salaires et les prix.

"Même si les salaires continuent d'augmenter, comme nous le prévoyons, nous ne pouvons pas exclure que des facteurs structurels échappant au contrôle de la banque centrale puissent perturber la transmission des salaires aux prix à la consommation", a dit Mario Draghi.

Après une brève poussée haussière au début de son discours, l'euro a creusé ses pertes face au dollar pour retomber sous 1,1550, au plus bas depuis fin mai.

Sur le marché des emprunts d'Etat, le rendement des titres allemands à dix ans s'est lui aussi orienté à la baisse, à 0,356% vers 09h00 GMT contre 0,362% avant le discours.

(Francesco Canepa et Balazs Koranyi; Marc Angrand pour le service français, édité par Véronique Tison)