Une politique commerciale faite d’annonces fracassantes, de suspensions, et d’exemptions. C’est ce que fait Donald Trump depuis maintenant plusieurs semaines. Si tout le monde cherche à comprendre pourquoi le président américain crée un tel chaos, lui justifie ses décisions par une "urgence nationale", dans ses discours comme dans ses décrets. 

Alors pourquoi utilise-t-il cette rhétorique ? D'abord, cette expression reflète sa vision des déficits commerciaux. Il considère que chaque fois qu’un pays réalise un excédent commercial vis-à-vis des États-Unis, celui-ci s’enrichit sur le dos des Américains. Avec un déficit commercial de 918 milliards de dollars en 2024, l’administration Trump considère donc cette situation comme relevant d’une "urgence nationale".

Mais au-delà de la vision économique, c’est surtout un moyen de contourner le Congrès. Car tous ces droits de douane sont imposés unilatéralement par Donald Trump, par la simple signature de décrets. Mais à l’origine, la politique commerciale est une compétence du Congrès. L’article 1 de la Constitution donne au Congrès le pouvoir de "lever et de percevoir des impôts, des droits, des taxes et des accises".

Cependant, au fil des années et des lois, le Congrès a peu à peu délégué cette compétence à l’exécutif. Mais même avec ce schéma, il y a en théorie un processus long, fait d’enquêtes, d’auditions publiques, et de rapports. C’est normalement sur cette base que le président peut ensuite décider d’imposer des droits de douane.

Depuis le début du mandat de Donald Trump, plusieurs enquêtes ont par exemple été ouvertes au titre de la section 232 du Trade Expansion Act de 1962. Cette disposition législative a été utilisée en février pour lancer une enquête sur le cuivre, et à nouveau cette semaine pour une enquête concernant les importations américaines de minéraux critiques. Durant le premier mandat de Donald Trump, c’est aussi cette loi qui avait été utilisée pour imposer des droits de douane de 25 % sur l’acier et de 10% sur l’aluminium. 

Cependant, il existe un chemin plus court : l’International Emergency Economic Powers Act (IEEPA), une loi adoptée par le Congrès en 1977. En utilisant cette loi, le président peut, après avoir déclaré une urgence nationale, décider d’imposer par décret des droits de douane. 

Ainsi, dans le décret signé lors de la présentation des droits de douane réciproques, le 2 avril, le président américain déclare : "les déficits commerciaux annuels importants et persistants des États-Unis constituent une menace inhabituelle et extraordinaire pour la sécurité nationale et l'économie des États-Unis. […] Je déclare par la présente l'état d'urgence nationale face à cette menace."

Depuis cette fameuse date du 2 avril, baptisée "jour de la libération", le président américain a finalement mis en pause la plupart des droits de douane réciproques, pour une période de 90 jours. Les tensions sur le marché obligataire sont l’un des éléments qui l’ont contraint à reculer. En effet, si la perte de confiance des investisseurs envers les États-Unis devient trop importante et que les détenteurs de dette américaine se mettent à en vendre massivement, Donald Trump aura une autre "urgence nationale" à gérer.