(Actualisé)

PARIS, 18 novembre (Reuters) - La fronde des "Gilets jaunes", une mobilisation citoyenne contre la hausse des prix des carburants qui s'est muée en "ras-le-bol" contre la pression fiscale et l'érosion du pouvoir d'achat, se poursuivait dimanche en France, avec une moindre intensité, pour la deuxième journée consécutive.

* Quelque 150 sites où persistent les blocages étaient "sous surveillance" dimanche, selon le ministère de l'Intérieur.

* Selon Vinci, les manifestations se sont intensifiées à la mi-journée, avec une centaine de points de rassemblement sur le réseau autoroutier dans de nombreux départements, du Nord au Var (A10, A9, A8, A50, notamment).

* Quelque 200 manifestants ont tenté de bloquer des accès au parc d'attractions Disneyland à Chessy (Seine-et-Marne) mais l'opération a tourné court, selon un journaliste de Reuters.

* Le mouvement se poursuivait notamment dans les Bouches-du-Rhône et le Vaucluse : des barrages ont été dressés sur les accès de la zone commerciale de Plan-de-Campagne, près de Marseille, la plus importante d'Europe.

Des barrages filtrants étaient en place sur plusieurs péages autoroutiers à Avignon, Cavaillon et Carpentras notamment.

La préfecture du Vaucluse signale "une quinzaine d'incidents mineurs avec un blessé léger (altercation entre manifestants et automobilistes)".

* Dans le Var, la préfecture recensait cinq blocages et 14 manifestations.

* En Gironde, l'A63 était toujours bloquée à hauteur de Canéjan, près de Bordeaux, dans le sens Sud-Nord par plusieurs dizaines de gilets jaunes qui ont passé la nuit sur place. Le barrage de la nuit est devenu filtrant au lever du jour.

Selon la gendarmerie, une trentaine d'opérations escargot était en cours à la mi-journée dans le département.

Le pont d'Aquitaine à Bordeaux, point névralgique de la circulation Nord-Sud, est de nouveau impraticable après avoir été débloqué par les forces de l'ordre en fin de matinée.

* Dans l'Aude, plus de 350 manifestants étaient comptabilisés par la préfecture en 15 points.

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* "Tant qu'il n'aura pas compris, on continuera", déclarait une manifestante à l'adresse d'Emmanuel Macron.

Sur les réseaux sociaux, des tenants de ce mouvement protéiforme, sans chef de file identifié, appelaient à "amplifier" la mobilisation, citant les dates des 1er, 8 et 15 décembre comme possible prochain rendez-vous.

"Ça va durer tant que le gouvernement ne répond pas. On attend des réponses à nos revendications", a dit sur LCI Jacline Mouraud, porte-parole officieuse des "Gilets jaunes" qui a contribué à populariser le mouvement en diffusant le 18 octobre sur Facebook une vidéo dénonçant les hausses de taxes.

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* Selon le ministère de l'Intérieur, le mouvement a rassemblé samedi 287.710 personnes en 2.034 lieux. Le premier acte de la fronde a été marqué par la mort d'une manifestante de 63 ans à Pont-de-Beauvoisin (Savoie).

* Le ministre de l'Intérieur, Christophe Castaner, a fait état de 282 arrestations, dont 73 durant la nuit, et 157 gardes à vue. Quelque 3.500 manifestants sont restés mobilisés dans la nuit de samedi à dimanche en 87 points.

* Christophe Castaner, qui est intervenu dimanche sur Europe 1 et RTL, a lancé un appel à la responsabilité et minimisé le mouvement, soulignant que "la majorité des Français ont fait le choix de ne pas porter de gilet jaune".

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* La conductrice qui a tué samedi une manifestante en Savoie, semble-t-il prise de panique alors qu'elle tentait de conduire sa fille malade chez le médecin, a été mise en examen dimanche pour "violences volontaires avec arme par destination ayant entraîné la mort sans intention de la donner", a-t-on appris auprès du parquet de Chambéry. Elle a été placée sous contrôle judiciaire.

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* Le Premier ministre, Edouard Philippe, devait prendre la parole dimanche soir dans le cadre du journal de 20 heures de France 2.

Le président Emmanuel Macron, cible prédominante des rassemblements, ne s'est pas exprimé publiquement depuis le lancement du mouvement. Il se trouvait dimanche à Berlin pour prononcer un discours sur l'Europe au Bundestag.

"Le président de la République s'est déjà exprimé, il s'exprimera à nouveau quand il pensera qu'il est souhaitable qu'il le fasse. Le président sait quand il y a urgence et il le fera", a déclaré sur France 3 Jacqueline Gourault, ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales.

Elle a estimé qu'Emmanuel Macron pourrait évoquer ce mouvement de colère mercredi lors de la réception à l'Elysée du bureau de l'Association des maires de France (AMF) et de plusieurs centaines de maires. Le chef de l'Etat ne se rendra pas cette année au congrès de l'AMF qui s'ouvre mardi (bien mardi) à Paris.

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* Plusieurs ministres ont souligné dimanche que l'exécutif ne dévierait pas de ses orientations fiscales et écologiques, tout en se disant à l'écoute.

* "Le gouvernement a entendu cette manifestation, qui est importante, qui a voulu montrer qu'il y avait un ras-le-bol fiscal des Français", a dit sur Radio J le ministre de l'Action et des Comptes publics, Gérald Darmanin. "Si la France aujourd'hui a quasiment la moitié de son activité sous forme de

fiscalité - nous avons 45% de taux de prélèvements obligatoires - c'est parce que plusieurs gouvernements avant nous, et singulièrement le quinquennat de M. Hollande, a augmenté les impôts".

* "En matière de fiscalité écologique, nous poursuivrons la trajectoire prévue. Ne pas le faire serait de l’inconscience", déclare le ministre de la Transition écologique et solidaire, François de Rugy, dans une interview au Parisien.

* "Nous entendons les inquiétudes des Français et c’est d’ailleurs pour ça que le Premier ministre a annoncé de nouvelles solutions inédites pour faciliter la transition écologique, avec des mesures à destination des plus fragiles et des gros rouleurs. Nous allons poursuivre ce travail d’explication et de promotion de ces mesures", dit Sébastien Lecornu, ministre chargé des Collectivités, dans Le Journal du Dimanche.

* "Nous ne sommes pas un Etat policier. Il faut écouter la population, il faut la laisser exprimer ses inquiétudes", a renchéri Jacqueline Gourault sur France 3.

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* "C'est un message d'alerte extrêmement profond. (...) On ne peut pas faire comme s'il ne s'était rien passé", a réagi sur BFM TV le maire (Les Républicains) de Troyes François Baroin, par ailleurs président de l'AMF.

"Les 'Gilets jaunes', c'est la classe moyenne qui est en pleine interrogation sur son avenir, sur son pouvoir d'achat. Il appartient à Emmanuel Macron d'entendre ou pas le message. J'espère qu'il entendra", a-t-il ajouté.

* Pour Marine Le Pen, présidente du Rassemblement national, "il n'y a plus de consentement à l'impôt dans notre pays".

"M. Macron a réussi à mettre dans la rue des gens qui ne manifestent jamais, c'est la France qui bosse, qui cotise, qui ne réclame jamais rien (...) et qui vient dire aujourd'hui 'stop on n'en peut plus'", a-t-elle dit au "Grand Jury" RTL-LCI-Les Echos.

* "J'espère que le président reviendra sur ces hausses de taxes parce que le message d'hier il est simple : 'C'est trop, on n'y arrive plus'", a dit dimanche à des journalistes Laurent Wauquiez, président des Républicains.

* "Nous avons vu en grand quelque chose dorénavant qu'il s'agit de répandre dans tout le pays, parce que c'est à ce prix-là, avec ces méthodes-là, que nous changerons de fond en comble le pays", a déclaré Jean-Luc Mélenchon, chef de file de La France insoumise, lors d'un discours à Epinay-sur-Seine (Seine-Saint-Denis).

* "Vouloir faire aujourd'hui du recel de la colère des Français, c’est assez abject", juge Sébastien Lecornu dans Le Journal du Dimanche. "Il faut à la fois se méfier de la récupération des uns et considérer la colère légitime des autres." (Sophie Louet avec les correspondants de Reuters en province)